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L’analyse des surfaces des lunes par télédétection

1.2 Indices sur la composition des océans

1.2.3 L’analyse des surfaces des lunes par télédétection

satellite de glace. Le module, destiné à l’analyse de l’atmosphère et des propriétés physiques de la surface de Titan, n’a pas conduit d’analyse chimique in situ de la surface du satellite (prélèvement et/ou analyse d’échantillons). Notre connaissance de la composition de la surface des satellites de glace relève donc aujourd’hui ex-clusivement des techniques de télédétection spectroscopiques mises en œuvre grâce aux télescopes et aux missions spatiales. La comparaison des spectres des surfaces à ceux obtenus en laboratoire, dans le domaine de l’infrarouge, du visible et de l’ul-traviolet, a permis la constitution d’une importante base de données couvrant à ce jour, en partie ou en totalité et à des résolutions variables, tous les grands satellites des quatre planètes géantes.

Pour de nombreux composés détectés à la surface des satellites, la question ca-pitale de leur origine endogène ou exogène, et plus spécifiquement la question des échanges entre la surface et l’intérieur des satellites, est toujours d’actualité (Dalton, 2010 ; Dalton et al., 2010 ; Prockter et al., 2010 ; Tobie et al., 2010). Les matériaux observés à la surface des satellites peuvent ainsi être des résidus d’impacts, des com-posés primaires ou secondaires ramenés en surface par des processus géologiques, ou encore des produits de photolyse ou radiolyse formés sous l’action des rayonnements dans l’environnement des planètes géantes (Dalton et al., 2010). Ces produits de dis-sociation mis à part, l’observation des surfaces reste donc une approche pertinente pour estimer les composés ayant participé à la formation (ou produits à l’intérieur) des lunes. Pour les satellites actifs, pour lesquels un recyclage des matériaux de surface vers l’intérieur peut être envisagé, les produits de dissociation constituent

également un indice de composition interne.

L’eau est présente à la surface de tous les satellites du système solaire externe (à l’exception de Io) et y est de loin le constituant le plus abondant. En-dehors de cette caractéristique commune, les surfaces des différents satellites présentent une importante variabilité de composition. Parmi les composés volatils, le CO2, détecté à la surface de presque tous les grands satellites des planètes géantes, semble être après l’eau le composé le plus répandu (Dalton, 2010). D’autres composés, comme le CO et le CH4, ont été détectés dans une moindre mesure (Dalton et al., 2010). Du SO2

supposé au moins en partie issu de Io est également présent à la surface des satellites de glace galiléens. La figure 1.8, page 43, présente un exemple de cartographie du CO2à la surface de Callisto à l’aide des spectres infrarouges acquis par Galileo. Cette carte a été établie par Hibbitts et al. (2000) à partir de la bande d’absorption vers 4.26 microns, attribuable au CO2, présente de façon récurrente sur les spectres de la surface de Callisto. En calculant sur chaque spectre la profondeur de la bande par rapport à la ligne de base, les auteurs ont pu proposer une couverture relativement complète de l’abondance relative du CO2 à la surface de la lune. Cette figure met clairement en évidence la plus grande abondance du CO2 sur l’hémisphère arrière de Callisto (angl. trailing hemisphere) que sur son hémisphère avant (angl. leading

hemisphere). L’hémisphère arrière de la lune étant plus fortement irradié dans la magnétosphère jovienne, cette corrélation illustre qu’une partie au moins du CO2 à la surface de Callisto doit être exogène. Cependant, sur les deux hémisphères, du CO2

57 40 20 -20 -40 -57 0 0 20 40

Profondeur bande CO2 (% continuum)

360 300 240 180 120 60 0 L at it ude ( de gr és ) Longitude (degrés)

Figure 1.8 – Caractérisation de la présence de CO2 à la surface de Callisto (carte 1 de Hibbitts

et al., 2000). Les spectres infrarouges de la surface de Callisto acquis par Galileo présentent une bande d’absorption isolée vers 4.26 microns, bande plus ou moins marquée attribuée au CO2 (Hibbitts et al., 2000). La profondeur variable de cette bande d’absorption permet d’établir une carte d’abondance relative du CO2à la surface de la lune. Cette approche met en évidence une plus grande abondance du CO2sur l’hémisphère arrière de la lune et, indépendamment, à proximité de ou dans les cratères riches en eau des deux hémisphères.

R éf le ct anc e

Longueur d’onde (microns) 0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.4 1.6 1.8 2.0 2.2 2.0 2.1 2.2 2.3 0 0.05 0.10 0.15 0.20 0.25 R éfl ec ta nc e re la tiv e 0 0.5 1.0 1.5 2.0 2.5 3.0 1.4 1.6 1.8 2.0 2.2 2.4 Longueur d’onde (microns)

NaCl KCl FeSO4 Mg(OH)2 NaOH MgSO4.7H2O NaOCl 60 30 0 -60 -30 L at it ude ( de gr és )

Longitude ouest (degrés)

360 270 180 90 0

1.0 0.8 0.6 0.4 0.2 0.0 Intensité relative de l’absorption

a. Spectres de la surface d’Europe b. Spectres de référence

c. Intensité relative de l’absorption à 2.07 microns à la surface d’Europe

Hémisphère avant

Hémisphère arrière

Figure 1.9 – Caractérisation de la présence d’epsomite à la surface d’Europe (figures 2, 3 et 4 de Brown et Hand, 2013). La figure a) présente des spectres obtenus par Brown et Hand (2013) au Keck Observatory (en bleu et noir). La technique d’optique adaptative permet d’obtenir aujourd’hui des spectres mieux résolus que ceux de Galileo (en rouge). Les nouveaux spectres révèlent la présence d’une caractéristique spectrale à 2.07 microns (flèche rouge) comparable à celle de l’epsomite observée en laboratoire (figure b). La profondeur de cette bande a été utilisée par les auteurs pour mettre en évidence la répartition de l’epsomite à la surface d’Europe (figure c). Cette approche révèle une répartition préférentielle du sel (ou à défaut du responsable de cette absorption) sur l’hémisphère arrière de la lune, région plus soumise aux radiations.

est également observé en abondance dans et à proximité de certains cratères. Ces concentrations locales pourraient résulter des impacts eux-mêmes ou bien témoigner de l’excavation de CO2 endogène. À l’échelle du satellite, le CO2 n’est absent qu’aux pôles où il pourrait être masqué par des dépôts de givre d’eau. La compétition de ces différentes sources potentielles et la profondeur d’investigation limitée du proche infrarouge (quelques microns) ne permettent pas de trancher définitivement sur l’origine du CO2 et des autres composants détectés à la surface des lunes.

La plupart des satellites de glace présentent également des terrains à plus faible albédo plus riches en matériaux non glacés. Pour les satellites galiléens, les meilleurs candidats permettant de reproduire la signature de ces régions (en complément de la signature de l’eau) sont des sulfates hydratés (particulièrement des hydrates de magnésium, sodium, et acide sulfurique). D’autres composés organiques, matériaux silicatés et carbonates sont détectés dans de moindres proportions sur plusieurs satellites. La figure 1.9, page 44, reprend les résultats de l’étude récente de Brown et Hand (2013) présentant une carte d’abondance du MgSO4 à la surface d’Europe. En 2011, ces auteurs ont obtenu au Keck Observatory, par optique adaptative, des spectres de la surface d’Europe d’une résolution spectrale d’un ordre de grandeur supérieure à celle des spectres acquis par Galileo. Ce gain de résolution a permis de mettre en évidence une absorption à 2.07 microns attribué par les auteurs au MgSO4, et plus particulièrement à l’epsomite. À partir de l’intensité de cette bande sur les spectres collectés, Brown et Hand (2013) ont pu établir une carte d’abondance relative du MgSO4. Comme l’étude de Hibbitts et al. (2000) pour le CO2, cette carte illustre indiscutablement une absorption plus marquée sur l’hémisphère arrière que l’hémisphère avant de la lune et met donc en évidence une origine au moins en partie externe du MgSO4. Si Brown et Hand (2013) affirment que la présence de MgSO4 à la surface de l’hémisphère avant d’Europe n’est pas concluante, la figure 1.9 semble toutefois illustrer une abondance non négligeable du sel dans cette région. Cette abondance relative, comme pour le CO2 de Callisto, ne permet pas d’exclure une contribution endogène.