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DIMENSIONS PAMPHLÉTAIRES CHEZ MONGO BÉTI, AHMADOU KOUROUMA ET FATOUMATA KÉITA

II- 1-2-Subvsersivité et mécanisme de réappropriation du champ littéraire africain

En principe, n’ importe quel genre peut s’introduire dans la structure du roman, et il n’est guère facile de découvrir un seul genre qui n’ait pas été un jour ou l’autre incorporé par un auteur ou par un autre. Ces genres conservent habituellement leur élasticité, leur indépendance, leur originalité linguistique et stylistique244.

Les critiques sont unanimes sur la présence de l’oralité en tant qu’entité importante dans la production littéraire africaine. Cette intrusion est contrôlée et orientée en fonction des intentions de l’écrivain. Quoi qu’il en soit, les manifestations de cette entité offrent à la littérature africaine une certaine authenticité. C’est un moyen de s’affirmer et d’affirmer sa présence au sein de la littérature d’expression française, langue avec laquelle les écrivains africains francophones entretiennent des relations diverses et complexes. Ainsi il s’opère une réappropriation du champ littéraire qui passe soit par la restauration d’une vérité

242 Fatoumata Kéita, Sous fer, cité, p. 89-90. 243 Ibid., p. 87-88

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idéologiquement falsifiée soit par l’intrusion de l’oralité ou soit sur le plan linguistique par la présence de la langue d’origine de l’écrivain ou par la présence d’autres types d’agressions relevant de l’interférence linguistique multiple. Par exemple, bien qu’En attendant le vote des

Bêtes sauvages soit un roman, ses configurations discursives nous frappent par la transgression

qu’elles introduisent dans les codes conventionnels du genre romanesque.

– L’ethno-texte, un élément de reconquête du champ scriptural

Les textes étudiés révèlent la présence d’un substrat indéniable de l’oralité. En effet, maintes distorsions sont faites à la langue majeure, la langue de l’ex colonisateur, mais aussi à l’univers culturel d’origine de cette langue. En d’autres termes, ces « distorsions » sont perçues comme transgressives de la loi du père245.

- Fragments oraux dans le paratexte

Les titres des trois textes de notre corpus expriment une transition vers l’univers culturel de l’auteur. Sous fer rappelle la dimension initiatique que renferme le rituel (excision ou circoncision) qui, anthropologiquement, marque un des trois grands moments de la vie, plus précisément le passage du monde de l’adolescence à celui des adultes246. Dans la culture

malinké, cette étape initiatique a lieu en groupe et est suivie du mariage. C’est parce que Nana atteint l’âge nubile – et doit donc se marier – qu’elle doit subir l’excision pour être confirmée dans sa féminité. Le garçon, quant à lui, doit être circoncis pour marquer sa masculinité avant de se marier. Dans les croyances malinké, ce passage donc est l’occasion d’« implorer les esprits des mânes, leur demander secours »247 afin « d’accueillir » ce nouveau stade de la vie

humaine. Par ailleurs, il existe plusieurs manifestations culturelles codées inhérentes à la mise

245 Dans son ouvrage Regards sur les littératures d’Afrique, Amina Azza Bekkat qualifiant ainsi le rapport des écrivains issus des anciennes colonies à l’ancien colonisateur dont la langue et les règles scripturaires sont soumises à transgression (p.308).

246 Dans la culture malinké, il existe trois grands moments de la vie dont les passages font l’objet de manifestations culturelles accompagnées de fêtes, de chants, d’offrandes afin de conjurer le mauvais sort : la naissance, le passage à l’âge adulte, la mort.

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« sous fer », qui ont lieu selon la coutume qui peuvent être difficilement accessibles au lecteur étranger non initié248. Prenons comme exemple, ce passage de Sous fer :

Après leur bain rituel au kô, elles revenaient au bouré, alignées les unes derrière les autres, en file indienne, encadrées par les sèmas qui exigeaient une discipline parfaite. Comme dans un camp militaire. Sur le chemin du retour, elles chantaient toutes, excepté Nana. Les futures

solomaw se dirigeaient vers les concessions dans un concert matinal fait

de chœurs rythmés par leurs pas de marche249.

Le titre, chargé de sens, invite à une immersion profonde dans l’identité culturelle de l’écrivaine malienne (excision, mariage avec nombre de rituels, etc.).

En attendant le vote des bêtes sauvages – titre que Kourouma semble avoir emprunté à

la tradition orale – plonge la diégèse dans l’oralité africaine. Le zoomorphisme rappelle aussitôt les contes africains où nombre d’animaux sont narrés. Ce point de vue est par la suite renforcé par la totémisation qui lie chaque dictateur à un animal sauvage dont il porte généralement les attributs les plus effrayants. De plus, ce titre est en relation avec les dernières lignes du roman : « vous briguerez un nouveau mandat avec la certitude de triompher, d’être réélu. Car vous le savez, vous êtes sûr que si d’aventure les hommes refusent de voter pour vous, les animaux sortiront de la brousse, se muniront de bulletins et vous plébisciteront »250. On peut remarquer

dans ce rythme cyclique une caractéristique prosodique récurrente que l’on attribue à l’oralité africaine. S’agit-il ici d’une subversion consistant à replacer les cosmogonies et les perceptions cosmiques africaines au centre de la réflexion en tant qu’ils représentent « le temple du savoir », comme l’affirme Jacques Chevrier dans sa préface à l’essai de Fame Ndongo

L’esthérique de Béti : essai sur les sources traditionnelles de l’écriture en Afrique ?251

Mongo Béti fut pendant longtemps assimilé aux écrivains africains conformes à l’académisme tant recherché. Fame Ndongo, dont les travaux révèlent la présence de l’oralité africaine dans l’œuvre bétienne, appartient à la même ethnie que l’auteur camerounais et, de ce

248 Dans Sous fer, Kéita explique en notes de bas de page certaines notions pour permettre au lecteur étranger à sa culture d’origine de comprendre son texte.

249 Cité, p. 105. 250 Cité, p. 357.

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fait, a un accès plus large à ce qu’il convient d’appeler le sociolecte de l’écrivain : « Mongo Béti qui répugne au traditionalisme ostentatoire a bâti une œuvre dont les structures profondes s’enracinent dans la culture pahouine alors même que la structure de surface est marquée du sceau de la tradition littéraire française »252. Le romancier camerounais, agrégé de lettres

classiques et possédant un style jugé trop classique, reste néanmoins un des architectes de cette hybridation des arts. C’est pourquoi avec Perpétue et l’habitude du malheur, il ne manque pas d’apporter sa touche dans ce grand ensemble où s’affrontent verbophiles et scriptophiles253. La

structure narrative romanesque témoigne d’un véritable travail de camouflage. Mais, peut-être serait-il intéressant, avant d’aborder plus en détails cette intrusion de l’oralité dans le champ scriptural, de se pencher sur le pseudonyme Mongo Béti, utilisé à la place d’Alexandre Biyidi Awala, son véritable nom. Mongo Béti est un pseudonyme provenant du pahouin, dialecte camerounais parlé par l’ethnie béti. Il se traduit littéralement : « fils des béti ». C’est étrange, voire paradoxal, que cet écrivain africain ait choisi un pseudonyme vecteur de son identité. C’est étrange que malgré son attachement pour les grands auteurs classiques français, il ait revendiqué ses origines directement dans son roman. En fait, l’auteur camerounais « n’est Mongo Béti qu’en profondeur et en surface il est Mongo Gaulois254 ». « Mongo gaulois » (« fils

de gaulois »), qui est l’inverse de son pseudonyme, s’accorderait mieux avec l’adstrat linguistique du texte, ce qui aurait été dans ce contexte la parfaite illustration de « la supercherie ossianesque » dont parle Jean-Claude Blachère255. Mais Béti revendique aussi son

africanité avec l’utilisation des schémas discursifs de son dialecte d’origine.

- Adstrat français / substrat africain

Jacques Chevrier déclare à propos de Mongo Béti : « Il nous entraîne à sa suite dans un monde dont les structures évoquent irrésistiblement l’univers initiatique du conte traditionnel,

252Cité par Clotaire Saah Nengou, « Du “Mongo gaulois” au “Mongo Béti” : complément d’éclairage sur un “non- dit” de Fame Ndongo », Revue mondiale des francophonies [https://mondesfrancophones.com/espaces/afriques/du- mongo-gaulois-au-mongo-beti-complement-declairage-sur-un-non-dit-de-fame-ndongo/], avril 2012.

253 Claude Hagège écrit à ce sujet : « pour essentielle qu’elle soit dans le destin des humains, ou de la partie d’entre eux qu’elle concerne, l’invention de l’écriture a contribué à occulter l’exercice vivant de la parole » (L’homme de

parole : contribution linguistique aux sciences humaines, Paris, Fayard, 1985, p. 83).

254 Clotaire Saah Nengou, op. cit. 255 Jean-Claude Blachère, op. cit., p. 63.

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base de la culture nègre et « véritable temple du savoir »256. Ainsi l’auteur de Perpétue ou

l’habitude du malheur se démarque d’Ahmadou Kourouma et de Fatoumata Kéita dans sa façon

d’introduire cette « substance béti » dans son texte. Il existe chez Mongo Béti, une cyclicité multiforme, touchant à la fois les patronymes et les toponymes. Un nombre important de personnages figurant dans Perpétue et l’habitude du malheur conserve les mêmes rôles dans les trois tomes de la trilogie bétienne257. Par exemple, Ruben et Baba Toura, omniprésents et

possédant les mêmes fonctions. Ils symbolisent deux courants de pensée opposés. Le schéma narratif s’organise autour d’eux, grâce à la présence de nombreux personnages aux fonctions et aux convictions contradictoires : les uns soutiennent l’esprit de la révolution, les autres travaillent en synergie pour renforcer et pérenniser le régime au pouvoir. L’opposition établie entre les deux leaders est élargie aux personnages importants du récit, tels Essola, Perpétue, Crescentia, progressistes révolutionnaires, Martin, Maria, Zambo, leurs ennemis. Ainsi se constitue en filigrane une sorte de dichotomie entre le bien et le mal. Ruben, figure nationale de la révolution populaire, incarne à la fois espoir, révolution, liberté, indépendance, vaillance mais aussi, abnégation, vénération, dévotion, lumière, etc. Dans l’imaginaire populaire, Ruben apparaît comme un messie dont l’esprit, malgré sa disparition, guide la révolution. Baba Toura, quant à lui, incarne la dictature, la peur, la terreur, la haine, la répression, la misère, la censure, la cruauté, les ténèbres. En plus de servir de structure narrative au récit, les fonctions et attributs affectés aux deux figures sont si cycliques qu’un rapport d’homologie presque parfaite s’établit entre ce contexte et celui des contes pahouins. Fame Ndongo, dans ses travaux258, explique que

Mongo Béti se ressource dans la tradition orale pahouine. En effet, ce sont notamment les contes pahouins qui lui serviraient de support narratif. On relève dans ceux-ci une figuration faunesque avec une distribution constante et immuable des rôles et des identités. À titre d’exemple, la configuration qui fait de la tortue et du lièvre des « êtres » intelligents et gentils demeure la même en dépit des différences contextuelles. Et très souvent, on retrouve en face d’eux des animaux qui incarnent le pouvoir et la puissance comme les félidés, mais aussi la cruauté et la méchanceté. Par ailleurs, cette cyclicité est dupliquée dans la toponymie. Dans ses travaux, Clotaire Saah abonde rejoins Fame Ndongo : « les mêmes villes reviennent plusieurs

256 Ibid., p. 13.

257 En plus de Perpétue et l’habitude du malheur, La ruine presque cocasse d’un polichinelle ainsi que Remember

Ruben.

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fois dans plusieurs œuvres de Mongo Béti, respectant l’esthétique cyclique du conte éwondo »259.

Dans Perpétue et l’habitude du malheur, plusieurs villes importantes – Fort-Nègre et Ayolo notamment – reviennent aussi dans différents volumes de la trilogie – comprenant également La ruine presque cocasse d’un polichinelle260 et Remenber Ruben261 - et gardent la

même configuration actantielle. Fort-Nègre emblématise partout la colonisation, l’opulence et la suprématie du colon ; elle contraste fort bien avec l’hostilité ou la précarité des indigènes. Ces particularités, saisies sous le prisme de la cyclicité et la redondance, sont autant de détails qui montrent les liens profonds et structurels entre le style de l’auteur et la tradition orale pahouine dans laquelle il va se ressourcer.

Dans les textes de Kourouma et Kéita, le malinké cohabite avec le français, non seulement par juxtaposition mais également par de nombreux calques et interférences allant d’une hybridation négociée à une réelle agression sinon une violence exercée contre le français. Barthélémy Kotchy qui avait déjà repéré une manifestation particulière de l’oralité malinké dans la phraséologie de Kourouma, parle de « l’intrusion de structures non-cartésiennes dans l’exploitation d’une langue très cartésienne »262. Pour mieux comprendre les enjeux de cette

innovation scripturale, écoutons l’auteur d’En attendant le vote des bêtes sauvages :

Ce livre [il s’agit des Soleils des indépendances mais les procédés sont les mêmes que dans En attendant le vote des bêtes sauvages] s’adresse à l’Africain. Je l’ai pensé en malinké et écrit en français en prenant une liberté que j’estime naturelle avec la langue classique… Qu’avais-je donc fait ? Simplement donner libre cours à mon tempérament en distordant une langue trop classique trop rigide pour que ma pensée s’y meuve. J’ai donc traduit le malinké en français, en cassant le français pour trouver et restituer le rythme africain263.

259 Clotaire Saah Nengou, op. cit.

260 Mongo Béti, La ruine presque cocasse d’un polichinelle, cité. 261 Mongo Béti, Remenber Ruben, cité.

262 Barthélemy Kotchy « Signification de l’œuvre », Essai sur Les soleils des indépendances, Paris, Nouvelles Éditions Africaines, 1974, p. 85.

263« Afrique littéraire er Artistique », n°10 (1970). Cité par Martin Bestman, Le Jeu des masques : Essai sur le

roman africain, Montréal, Le Jeu des masques : Essai sur le roman africain, Montréal, Nouvelles optique, 1980,

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Fatoumata Kéita se sent investie d’une vocation similaire : « la connaissance, c’est la capacité d’interpréter sa culture. Si nous ne pouvons pas porter ces particularités linguistiques au reste du monde, c’est une perte pour l’humanité »264. Donc, il s’agit pour ces auteurs de

tordre le français afin d’y loger le culturel africain ainsi que les spécificités linguistiques du malinké en général. C’est ce genre de procédé qu’Alioune Tinea appelle « l’oralité feinte » et qui se décline ainsi :

La production de l’oralité feinte comme forme d’expression de l’interférence linguistique se manifeste à travers deux procédés étroitement corrélés : la transposition et la traduction. Car c’est sur le même référent que s’exerce l’activité de l’écrivain : la réalité culturelle et linguistique africaine, la tradition orale265.

Observons maintenant ces deux extraits de Kourouma et Keita :

1- « Mais quand vous avez vu le soleil monter, atteindre le sommet des premiers arbres de la forêt, vous avez demandé la route. Vous avez, contre toutes les bonnes règles du savoir-vivre, demandé la route. L’homme au totem hyène vous a rappelé le précepte africain qui veut que l’hôte par trois fois sollicite la route266.

2- — Moi, je vais disposer, dit Bafing, le père de Titi. — Vous ne restez pas pour manger avec nous ? Le repas sera bientôt prêt, dit Fata pour détendre l’atmosphère. — Non, merci. Je vous demande la route 4, s’il vous plaît, dit-il. — Je te donne la route, répondit Kanda. Que la paix de Dieu soit avec toi. — Amen ! Que Dieu nous permette de voir un autre jour, souhaita Bafing en quittant la maison267.

Dans ces deux extraits, on remarque le calque d’une substance sémantique malinké à travers des lexèmes français comme : « solliciter la route » chez Kourouma, tandis que Kéita, pour exprimer le même élément sémantique utilise des lexèmes différents. En sociolinguistique, ce type d’interférence s’appelle le calque. Puisque les deux textes sont truffés de maints procédés différents du genre, on parlera alors de calque sémantique. Ces expressions, contrairement à ce que le locuteur natif du français pourrait penser, ne sont pas des interrogations à propos de la route ou du chemin à emprunter. En réalité, il s’agit d’une formule

264 Boubacar Sangaré, « La malienne Fatoumata Kéita, écrivaine des deux mondes », Le Monde, Juillet 2017, [https://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/07/21/la-malienne-fatoumata-keita-ecrivaine-des-deux-

mondes_5163574_3212.html]

265 Alioune Tine, « pour une théorie de la littérature africaine», Paris, Présence africaine, 1985, n° 133-134, p. 99- 121.

266 En attendant le vote des bêtes sauvages, cité, p. 201. 267 Sous fer, cité, p. 128.

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de politesse que l’invité adresse à l’hôte avant de prendre congé de lui. Dans les deux cas, les personnages s’apprêtent à quitter leur interlocuteur et en guise de politesse et conformément à la tradition africaine malinké, lui en demandent l’autorisation. Il y a là une cohabitation linguistique qui établit une domination de la langue de celui-ci sur la langue dans laquelle il écrit268. Le malinké, discrètement présent, donne au lecteur, l’impression que la langue

française n’existe finalement qu’apparemment. Ainsi, comme l’affirme Jacques Derrida, apparaît une violation de la relation entre le signifiant et le signifié dans une langue donnée269.

Au lieu que le signifiant français renvoie directement au signifié habituel, connu des locuteurs, il renvoie à une infinité de possibilités. Ainsi, chez Kourouma et Kéita, le signifiant français renvoie au signifié conforme au culturel malinké. D’autre part les propos que tient le narrateur de Kourouma à propos de la formule de bienséance tantôt mentionnée, sont de nature à faire la promotion de la culture malinké. Kéita, quant à elle, ébauche en note de bas de page une explication de cette tournure idiomatique spécifique au malinké : « formule de politesse pour prendre congé de son hôte »270 ; Kourouma, néanmoins, ne se soucie pas de savoir si le lecteur

non africain est en capacité de comprendre ces structures morphosyntaxiques. Il se contente simplement d’exhiber allègrement et fièrement sa différence culturelle dans une perspective idéologique et polyphonique. Le narrateur semble avoir la mission, à chaque utilisation de ces formes idiomatiques, de faire écho à la culture malinké, de représenter et de charrier la voix de tous ceux qui partagent son univers culturel : « Beaucoup d’Africains, même très éloignés du contexte malinké, se reconnaissent dans mon roman et s’amusent de s’y retrouver chez eux.

268 On se gardera de parler de diglossie car cela implique fortement une hiérarchisation opérée par la politique, bien qu’il s’agisse aussi d’une politique de l’écriture.

269 La théorie déconstructiviste de Derrida s’oppose au structuralisme du linguiste suisse Ferdinand de Saussure, qui est une théorie qui conçoit le fonctionnement du signe linguistique comme un système clos, isolé et où le signifiant renvoie directement au signifié. Elle se base sur une conception dichotomique fixe – opposition signifiant/signifié – Or, la théorie de la déconstruction de Derrida rejette justement cette dichotomie pour introduire plusieurs possibilités : « Le rapport signifiant-signifié n’est plus celui du structuralisme. Aussi, il y a deux manières d’effacer la différence entre le signifiant et le signifié, « [l]’une, la classique, consiste […] à soumettre le signe à la pensée ; l’autre, celle que nous dirigeons ici contre la précédente, consiste à mettre en question le système dans lequel fonctionnait la précédente réduction ; et d’abord l’opposition du sensible et de l’intelligible » (Jacques Derrida L’écriture et la différence, Paris, Seuil, 1967, p.413). Soulignons que selon le structuralisme le signifiant est la partie sensible du signe, puisqu’elle est saisissable par les sens, en tant qu’enveloppe matérielle permettant d’accéder au signifié. Le signifié correspond quant à lui à l’idée, au concept, immatériel et intelligible. C’est cette opposition que dénonce Derrida. La conception derridienne du signe est donc toujours liée à la structure de la philosophie occidentale. Le schéma signifiant = signifié (relation directe entre signifiant et signifié) est donc revu. » (Cité par Lucie Guillemette et Josiane Cossette, « déconstruction et différance », [http://www.signosemio.com/derrida/deconstruction-et-differance.asp].)

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J’assigne deux finalités à la langue : elle est un moyen de communiquer, de transmettre des messages, elle est aussi un moyen de se retrouver soi-même »271. D’autres occurrences

semblables existent dans En attendant le vote des bêtes sauvages et Sous fer. Voici deux exemples :

. « donne-nous notre ouïe avec des idées venues tout droit de la faranci [France], fulmina Gnouma »272 : traduction littérale d’une structure malinké dont la traduction