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Quatre styles de management peuvent être dégagés à partir des travaux menés par G. Hofstede, F. Trompenaars, C. Hampden-Turner et P. d’Iribarne : le management paternaliste, le management par objectifs, le management participatif et le management par la description de poste ou par la fonction.

§ 1. Management paternaliste

Le management paternaliste ou subjectif insiste sur les notions de « pouvoir » et de « hiérarchie ». Il se caractérise par des relations interpersonnelles fortes. Le patron est influent et « omniscient ». Le statut est attribué à la personne. La position de la personne dans la hiérarchie et le souci de la distance au pouvoir sont essentiels. L’autorité s’organise autour de la personne du chef, qui évalue ses subordonnés en faisant confiance à son intuition plus qu’à des données factuelles, objectives. La motivation passe ainsi par l’affectif. La relation privilégiée entretenue avec le supérieur hiérarchique s'avère plus importante que la reconnaissance par la rémunération. Le patron est le garant de l’épanouissement de ses employés au travail et se veut bienveillant. La division de l’autorité est mal vécue dans ce mode de fonctionnement, être loyal envers deux patrons est difficile. L’important est de ne pas perdre la face et de ne pas faire perdre la face aux dirigeants du groupe. Dans ce type d’organisation typique des entreprises françaises, les liens sociaux reposent sur une logique de l’honneur, favorisant la joute oratoire, l’éloquence et le pouvoir de la rhétorique. L’efficacité, dans le sens où faire les choses est plus important que la manière dont on les fait, caractérise ce style de management qui réagit assez bien aux aléas de l’environnement. On rencontre ce style de management paternaliste en France et plutôt dans les petites entreprises en général.

§ 2. Management par objectifs

Le management par objectifs insiste, comme son nom l'indique, sur l'atteinte d'objectifs communs aux membres d'une équipe. Les notions d' « équipes de projet » et de « mobilité » sont importantes. Ce style favorise l'orientation à court terme. Les relations sont marquées par la neutralité et l'équité. Le pragmatisme et le « culte de la performance »227 sont caractéristiques de ce style de management. Le feedback228 y est couramment pratiqué. L’autorité s’organise autour de la situation dans laquelle chacun doit faire preuve d’expertise dans son domaine et se montrer responsable, autonome et efficace dans la fixation et l’atteinte des objectifs qu’il s’est assignés. L’erreur est admise, à condition qu’elle soit rapidement corrigée. L’organisation matricielle convient bien à ce style de management que l'on rencontre majoritairement dans les entreprises anglo-saxonnes (États-Unis, Grande-Bretagne). Les liens sociaux reposent sur la logique du contrat. On trouve ce style dans les grandes entreprises et plus particulièrement dans les grands groupes américains.

§ 3. Management participatif

Le management participatif ou management « par l’enthousiasme », insiste sur les notions d’« innovation », d’« improvisation », d’« égalité » et d’« expression de soi ». L’autorité d’une personne dépend de son esprit plus ou moins créatif. Le statut est donc acquis. L’épanouissement de la personne prime et passe par son enthousiasme et sa participation au projet, en se montrant créative et volontaire. Ce mode de fonctionnement ne résiste pas au changement, puisqu’il ne survit pas à la modification de la demande qui entraîne une transformation de la taille de l’organisation. On rencontre ce style de management dans les petites entreprises en démarrage, le plus souvent en Suède, société dans laquelle les liens sociaux reposent sur la logique du consensus, mais aussi aux États-Unis et en Grande-Bretagne, sociétés fortement individualistes.

227 Alain Ehrenberg, Le culte de la performance, Paris, Hachette Littératures, 1991.

228 Il s'agit d'un retour d'informations ou d'une réaction exprimée par un public ou un individu suite à une interaction quelconque comme une réunion par exemple.

§ 4. Management par la fonction ou par la description de poste

Le management par la description de poste ou par la fonction est, quant à lui, orienté sur le rôle. Les missions sont définies à l’avance et sont bien délimitées. Les compétences sont évaluées sur des critères objectifs. La structure repose sur une base solide. L’efficience, qui passe par un travail de qualité et un sens du devoir marqué, caractérise ce mode de fonctionnement. La manière de faire est donc plus importante que la fin. Ce style de management repose sur une logique du consensus. Le souci de l'application rigoureuse de règles précises fait qu'il s'adapte mal aux environnements changeants. Le statut est attribué au rôle, à la fonction investie par une personne et non à sa personnalité comme c’est le cas dans les organisations dont le style de management est de type paternaliste. L’autorité s’organise ainsi autour de la fonction, de la compétence présentée par le supérieur hiérarchique qui est un expert dans son domaine. Sorti du monde professionnel, les attributions liées à la fonction disparaissent. On rencontre ce style de management en Allemagne.

§ 5. Ressemblances et divergences

Les styles de management participatif et management par la fonction présentent ce que G. Hofstede et D. Bollinger appellent une forme de « démocratie industrielle ». On retrouve cette forme de démocratie dans les théories américaines, dont les « principes ne vont [toutefois] pas assez loin dans leurs prescriptions de participation ». Aux États-Unis, « on craint les initiatives de la base », alors qu’en Allemagne et pays d’Europe du Nord, chaque membre du groupe exprime son avis et les décisions sont prises de manière collégiale. Le dirigeant ne se contente pas de consulter la base, il se plie à la volonté du groupe, qui décide à l’unanimité. Dans le modèle de management américain, l’impulsion, concernant l’initiative de participation aux décisions, émane du sommet, alors qu'elle émane de la base dans les pays d’Europe du Nord et en Israël. D’après les deux chercheurs, les comportements autoritaires dans les entreprises aux États-Unis sont acceptés. Ce style est cependant très éloigné du style français. Dans les pays marqués par une grande distance hiérarchique comme la France ou l’Italie, c'est la manière d’obtenir le pouvoir et de savoir qui le détient qui importe229. P. d’Iribarne a souligné le caractère autoritaire du style managérial français, fondé sur un système encore empreint de féodalité230. D’après les travaux de G. Hofstede et D. Bollinger, le dirigeant idéal en France est un « autocrate éclairé » ou un « bon père », au comportement autoritaire. Les styles de leadership des dirigeants américains, britanniques, suédois et allemands, s’avèrent

229 Daniel Bollinger, Geert Hofstede, Les différences culturelles dans le management, op. cit., p. 202.

proches. Dans ces pays, le dirigeant idéal est qualifié de démocrate. En Allemagne, en Scandinavie et en Grande-Bretagne, le dirigeant idéal est un « démocrate loyal » et aux États-Unis, un « démocrate débrouillard ». Ce sont ici les notions de « loyauté » (Allemagne) et de « débrouillardise » (États-Unis) qui permettent de distinguer ces deux types de dirigeants. Mais c’est surtout leur qualité d’expert et de spécialiste, valorisée dans ces deux cultures, qui les rapprochent. Les styles de leadership allemand et américain sont ainsi plus proches l’un de l’autre que du style français, ce qui est visible au niveau des attentes des individus vis-à-vis de leur chef. En effet, en Allemagne et aux États-Unis, les « subordonnés s’attendent à ce que leurs supérieurs les consultent »231.

§ 6. Uniformisation des styles de management ou clivage ?

Les styles de management présentés par la Suède, la Grande-Bretagne, les États-Unis et l'Allemagne sont dans l’ensemble plus proches entre eux qu’ils ne le sont du style de management à la française. La Suède, la Grande-Bretagne et les États-Unis se caractérisent par une faible distance hiérarchique et un faible contrôle de l’incertitude. Ces pays sont ainsi assimilés à une structure d’organisation de type « Place du marché » dans la typologie de G. Hofstede. L'Allemagne est relativement proche de ces pays, bien qu'elle présente un fort contrôle de l’incertitude. D'après les recherches menées par B. Vanderlinden, l’Allemagne correspond à une structure de type « Machine bien huilée », se distinguant ainsi du mode de fonctionnement des groupes américains. La France, quant à elle, se démarque nettement de ces pays. Elle indique un fort contrôle de l’incertitude (nettement plus marqué qu'en Allemagne) et une grande distance hiérarchique232. Concernant les dimensions culturelles évoquées, elle présente peu de points communs avec les autres pays mentionnés. Par conséquent, une nette tendance se dessine. Il s’agit de l’orientation des styles de management vers le style de management par objectifs, caractéristique des groupes américains. Le style de management français, paternaliste, se démarque des autres et déroge à cette tendance globale. Le style de management allemand a conservé des aspects de son mode de fonctionnement sur le modèle de la « Machine bien huilée » et s'est écarté de la structure d’organisation ressemblant à une « Place du marché ». Peut-on ainsi opposer une « mentalité européenne » à une « mentalité américaine » dans la manière de gérer le tissu industriel d'un pays ?

231 Daniel Bollinger, Geert Hofstede, Les différences culturelles dans le management, op. cit., p. 203. 232 Ibid., p. 229.