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Section I. De l'interculturel à l'intraculturel

E) Internationalisation

Sur les 33 managers interrogés dans la filiale à Berlin neuf n'avaient aucune expérience à l’étranger. Sur ces neuf personnes trois étaient originaires de l’ex-RDA. Sur les cinq personnes interrogées qui avaient vécu et/ou travaillé sous le régime communiste en RDA une personne n’a pas renseigné cette case et une autre a fait ses études et commencé à travailler après la chute du Mur de Berlin dans une Allemagne réunifiée. Le régime dictatorial qui régnait en Allemagne de l’Est n’était pas propice aux échanges internationaux, explication plausible aux problèmes de langue (excepté la maîtrise du russe) et notamment en anglais rencontrés par les managers est-allemands exerçant des postes à responsabilité. Les deux extraits d'entretiens suivant conduits auprès de deux managers issus de l'ex-RDA en attestent : « Je ne parle pas français, je parle très mal anglais […]. Les langues sont importantes aujourd’hui de manière générale. Et quand on travaille dans un groupe français, on devrait apprendre le français, surtout quand on est jeune. Personnellement, moi je ne compte plus m’y mettre »392.

« J’ai besoin d’un certain temps d’adaptation quand la communication s'effectue essentiellement en anglais car les collègues ne parlent pas allemand et dans mon travail, je ne suis pas amenée tant que cela à parler anglais. Je ne parle pas français. C’est une chose que j’ai exclue d’emblée. J’ai dû acquérir plus ou moins des compétences en anglais pour la première fois dans le cadre de mon travail ici à l’initiative de Total. Cela ne va pas s'améliorer outre mesure. Mais je m'en sors ainsi »393.

Cette difficulté à maîtriser les langues étrangères s’est toutefois vérifiée chez les managers originaires de l’Est comme de l’Ouest qui n’avaient pas eu d’expérience à l’étranger394. Il s’agit de personnes ayant une moyenne d’âge de 50 ans.

À l'époque où le Mur de Berlin existait encore, le contexte en RDA ne permettait pas le brassage des personnels tel qu’on le connaît aujourd’hui dans les grandes firmes

392 Entretien 4 : « Ich spreche kein Französisch, spreche sehr schlecht Englisch […]. Also die Sprache ist allgemein schon wichtig heutzutage. Wenn ich in einem französischen Konzern arbeite, sollte ich auch französisch lernen, wenn ich ein junger Mensch bin. Also ich werde es nicht mehr tun ».

393 Entretien 13 : « Ich brauche eine gewisse Gewöhnungszeit, wenn dann am Anfang das doch in der Hauptsache über Englisch dann geht, weil die Kollegen dann kein Deutsch können, und ich, während meiner Arbeit nun, nicht so gefordert bin, jeden Tag Englisch zu reden. Französisch kann ich nicht, das schließe ich gleich mal aus. Englisch musste ich mir eigentlich erst während der Zeit hier in meiner Arbeit von Total so aneignen mehr oder weniger. Das wird nicht so sehr viel besser werden, ich schlage mich damit durch das Leben ».

multinationales. Les relations au travail avec les personnes de cultures étrangères posent aujourd’hui encore des difficultés aux Allemands de l’Est. Un manager français qui a travaillé plusieurs années dans la raffinerie de Leuna a pu le constater. Le changement de régime politique en Allemagne de l’Est après 1989 a modifié le paysage des entreprises est-allemandes qui ont dû adopter une nouvelle juridiction, s’ouvrir au monde et se confronter à l’internationalisation des entreprises. L’extrait suivant souligne un décalage entre Allemands de l'Est d'un côté et Français de l'autre dans la manière d’appréhender la relation de travail avec des personnes d’origine étrangère : « Les entreprises en Allemagne de l'Est sont quand même assez peu internationalisées. Cela change, mais ce n'est pas évident quand on arrive dans une entreprise allemande et qu'on est étranger. Il faut être vraiment meilleur que les autres si on veut avancer […]. Nous avions des collaborateurs d'autres nationalités à la raffinerie, mais ce n'était finalement pas très international et ces personnes avaient quand même parfois du mal à s'intégrer. Cela n'était pas toujours évident pour eux parce que les gens n'ont pas trop l'habitude encore aujourd'hui d'avoir des gens qui viennent de Thaïlande, du Cameroun dans les entreprises et d'avoir des gens qui ne réagissent pas forcément de la même manière »395.

§ 2. Kriegsspiel : roman illustratif des différences franco-allemandes en entreprise

L'analyse du roman économique Kriegsspiel396 écrit par Christian Streiff397 s'est révélée intéressante concernant les différences franco-allemandes en entreprise. L'ancien président exécutif d'Airbus est un habitué de la coopération franco-allemande puisqu'il a dirigé la filiale allemande de Saint-Gobain pendant plus de dix ans en Allemagne et s’est battu contre la présidence de son groupe pour racheter une entreprise en ex-RDA installée à Osbach. Cet épisode a connu une fin plutôt pénible. Elle a marqué C. Streiff, d’où son livre qui relate son histoire. Kriegsspiel décrit les impressions réciproques d’un dirigeant français et d’un dirigeant est-allemand qui tentent ensemble de mener à bien un projet de rachat d'une entreprise est-allemande par un groupe français. Nous avons comparé les styles de travail des deux dirigeants et leurs perceptions réciproques. La vision du dirigeant est-allemand est toutefois décrite à travers le regard du dirigeant français alias C. Streiff. La perception du dirigeant est-allemand fait ainsi partie de l'imaginaire de C. Streiff, faussant la véritable vision du dirigeant originaire d'Allemagne de l'Est sur leur relation de travail.

395 Entretien 31.

396 Christian Streiff, Kriegsspiel, Strasbourg, La Nuée Bleue, 2000. L'auteur a traduit le titre Kriegsspiel par « un jeu guerrier » à la page 118.

397 Christian Streiff a été président exécutif d’Airbus pendant trois mois au cours de l’année 2006. Sa manière jugée trop brutale d’appliquer le programme de redressement Power 8 l’a amené à démissionner de son poste.

Dans le livre Roger Cordat incarne C. Streiff. Ce dirigeant français, jeune et décidé, dirige une entreprise située à Cologne. Le dirigeant est-allemand est le Camarade Directeur Anton Kremer. Il dirige l'entreprise située à Osbach. A. Kremer est plus âgé que R. Cordat. Il est séduit par les méthodes de son collègue français et lui voue une confiance aveugle. De nombreuses observations soulignent les différences de comportement entre ces deux patrons. A. Kremer décrit R. Cordat comme quelqu’un de « volubile », « qui décrit avec passion, à grand renfort de gestes, ses installations et son organisation ». Les expressions : « fait la promenade en chemise, la cravate de travers, les cheveux noirs en bataille »398 font du dirigeant français un personnage fantasque aux manières décontractées. A. Kremer le qualifie de « solitaire », d'« inaccessible dans son rêve de dilettante »399 soulignant ainsi l’individualisme du Français et sa volonté de se démarquer.

Il décrit toutefois R. Cordat comme étant un « exubérant et agaçant personnage »400. Il parle de « spectacle » lorsqu’il décrit sa manière de présenter un projet. La rapidité de R. Cordat est perçue par le dirigeant allemand comme un défaut : « Tu devrais pourtant savoir que vouloir aller vite dans une négociation, c’est se mettre en position de faiblesse »401. A. Kremer dit même à R. Cordat : « Admettez que je ne sois pas aussi rapide que vous… J’ai besoin du temps de la réflexion »402. Le dirigeant allemand économise ses forces pour un travail de longue haleine qu’il mène avec minutie : « Il imagine le parcours, évalue les obstacles, planifie son effort »403. Ce dernier se demande « si seulement il pouvait être un peu plus sûr de cet insouciant et imprévisible Cordat… », soulignant l'inconstance et la tendance du Français au changement.

R. Cordat et son équipe se comprennent à « mi-mots »404 écho à une communication implicite, caractéristique du mode de communication privilégié en France. Une référence au style de management directif à la française apparaît à travers une réflexion émanant du supérieur hiérarchique français de R. Cordat : « Il est bien plus habile, dans votre intérêt comme dans celui du groupe, d’accepter les décisions de vos patrons ». Et Cordat de penser en lui-même : « Ta carrière, tu l’as construite […] sur ta faculté de plaire à tes supérieurs hiérarchiques […]. Utiliser le vocabulaire, le style, le langage maison […]. Un seul mot

398 Christian Streiff, Kriegsspiel, op. cit., pp. 30-31. 399 Ibid., p. 59. 400 Ibid., p. 42. 401 Ibid., p. 59. 402 Ibid., p. 65. 403 Ibid., p. 57. 404 Ibid., p. 33.

d’ordre : … Plaire ». Il est ici fait allusion à l'allégeance à l'autorité caractérisant les relations hiérarchiques en France. La manière de s'exprimer du dirigeant français plaît à son partenaire est-allemand : « Kremer a retrouvé "son" Cordat, agressif à souhait, ironique, elliptique, un vrai plaisir […]. Cordat réagit comme prévu, par une tirade grandiloquente »405.

R. Cordat fera mine d’accepter les décisions de son supérieur mais n’y adhérera pas en réalité, ce qui est révélateur du dissensus régnant dans les entreprises françaises. Lors d’une réunion entre les dirigeants des deux usines, « tous [la direction de l’entreprise de l’ex-RDA] écoutent poliment »406 avant de s’insurger à la fin de l’exposé mené par l’usine partenaire française. Nous retrouvons cette habitude allemande de ne pas couper la parole. À l’inverse, R. Cordat interrompt A. Kremer qui le lui fait remarquer : « Mais vous m’interrompez sans cesse… » ; « mais vous ne me laissez jamais finir mes phrases »407.

Le dirigeant français mentionne des valeurs telles que la « discipline », le « sens du devoir », le « respect de la hiérarchie », l’« amour du travail bien fait » qu’incarne pour lui son partenaire est-allemand408. A. Kremer est proche de ses ouvriers, il les salue tous les matins, se lève à l’aube et arrive avant eux à l’usine : « Il s’est levé à cinq heures comme tous les jours, pour pouvoir saluer l’équipe […]. Il aime ce tour des ateliers, les quelques mots échangés […]. Lorsque ses collaborateurs arrivent, Anton Kremer est déjà à la barre. Il sait déjà. Ce qui s’est passé, ce qu’il faut faire et ne pas faire, ce qu’il faudra décider, étudier, modifier, réaliser… »409. Le dirigeant allemand cite le proverbe allemand suivant : « Morgenstund hat Gold im Mund »410 (l’avenir appartient à ceux qui se lèvent tôt), et qui témoigne d’une habitude à commencer très tôt la journée de travail. A. Kremer se lève d'ailleurs tous les jours à 5 h du matin. Ce tour habituel de l’usine témoigne de la volonté du dirigeant allemand de se rendre accessible. Il est proche de son personnel. Cette attitude et la citation suivante contredisent les propos des managers interrogés chez Total concernant le style de management qui existait selon eux en ex-RDA : « Peut-être même la régularité de coucou suisse de son tour matinal des ateliers et le contact quotidien avec chacun des ouvriers ont-ils joué leur rôle »411. Ces mots confirment la distance hiérarchique courte observée dans les entreprises allemandes. La notion de consensus, caractéristique du mode de fonctionnement du groupe en Allemagne, est également mentionnée par le dirigeant français

405 Ibid., p. 125. 406 Ibid., p. 60. 407 Ibid., p. 71, 72. 408 Ibid., p. 20. 409 Ibid., p. 56. 410 Ibid. 411 Ibid., p. 110.

lorsqu'il dit : « Je sais que vous maintenez dans l’usine un consensus étonnant »412.

La citation suivante décrit la satisfaction du manager allemand qui à force de travail et d’endurance arrive aux résultats escomptés : « Randonneur qui a grimpé depuis l’aube et qui, arrivé au sommet, inondé de sueur, se débarrasse de son sac à dos, se laisse tomber sur l’herbe et, allongé les bras en croix sous le soleil, s’abandonne au soulagement de ses muscles après l’effort ». La comparaison à un « randonneur » s’oppose à l’image des dirigeants français « parachutés » au sommet des grandes entreprises.

R. Cordat dit du supérieur hiérarchique d’A. Kremer, qu’« il atteignait la perfection technique dans tous les domaines », « maîtrise parfaite du russe… et de l’anglais »413, révélant l'acquisition d'un grand savoir-faire et de compétences avérées dans tous les domaines, ainsi que dans la pratique courante des langues étrangères. Cette citation s'oppose aux dires des managers interrogés chez Total concernant la pratique des langues étrangères des ressortissants d'Allemagne de l'Est. La maîtrise du russe était obligatoire. Mais la possibilité de pratiquer d'autres langues étrangères étaient limitée. Toutefois, les membres haut placés du Parti étaient privilégiés et les négociations avec l'étranger nécessitaient la pratique d'une langue véhiculaire. Ainsi peut-on s'expliquer ces écarts entre la population et les dirigeants en matière de maîtrise et de pratique des langues étrangères, le russe mis à part.

C. Streiff exprime sa vision du collaborateur allemand type dans le cadre de l'entreprise : « Avec sa compétence glaciale, son flegme, ses horaires de travail immuables, cette stricte séparation entre vie privée et professionnelle. Irréprochable et ennuyeux…»414. À la fin du roman, le dirigeant allemand de l’ex-RDA se retrouve au chômage et, « il travaille à cette recherche d’emploi comme il a toujours travaillé : soigneusement, sans mollir, avec constance et confiance »415.

Ces citations tirées du livre de C. Streiff traduisent la vision d'un homme habitué à la coopération franco-allemande en entreprise. Les portraits et styles de travail des deux managers, français et est-allemand, dépeints par C. Streiff se veulent représentatifs du style de management français et allemand. C. Streiff ne distingue pas le style de management est-allemand du style ouest-est-allemand. Les entretiens conduits auprès des managers chez Total attestent du contraire et notamment dans la manière de communiquer et d'appréhender le

412 Ibid., p. 109. 413 Ibid., p. 81. 414 Ibid., p. 118. 415 Ibid., p. 200.

rapport à la hiérarchie. C. Streiff parle de consensus et de direction collégiale qui, d'après les informations recueillies dans les entretiens, ne correspondent pas au mode de fonctionnement des entreprises en Allemagne de l'Est. Le style de management est-allemand décrit par les managers interrogés chez Total s'apparente à un style directif. Le chef décide sans forcément consulter la base et prend les décisions seul. La maîtrise des langues étrangères par le supérieur hiérarchique d'A. Kremer ne correspond pas non plus à la réalité décrite par les personnels originaires d'Allemagne de l'Est de chez Total.

L’habitude de travail de C. Streiff avec des Allemands de l’Ouest a pu fausser sa vision du style de travail présenté par les Allemands de l’usine est-allemande. Pourtant, son expérience de travail avec des Allemands de l’Ouest lui aurait permis de percevoir des différences. La vision de C. Streiff reste stéréotypée. Il a orienté les comportements de ses personnages de roman afin qu'ils cadrent avec ce qu'il connaissait des relations franco-allemandes en entreprise. Les portraits faits des deux dirigeants dans le roman se réfèrent systématiquement à des stéréotypes, ne laissant pas de place à l'étonnement. Un chef de service français interrogé dans les locaux de la filiale de Total à Berlin a parlé très justement de « clichés auto-renforcés » : « Certes, j'ai vécu ces situations mais parfois les clichés sont auto-auto-renforcés parce qu'on pense qu'il s'agit de clichés, donc on fait deux fois plus attention en fait »416.

Ces « clichés auto-renforcés » correspondent à ce qu'on appelle une prophétie autoréalisatrice, connue aussi sous le nom d'effet Pygmalion. Il s'agit de la modification d'un comportement qui fait devenir la prophétie annoncée réalité. Par exemple : le fait de répéter à un élève qu'il a des qualités et qu'il va réussir encourage celui-ci à travailler et ainsi il obtiendra de meilleurs résultats. Certains comportements perçus chez le collaborateur de l’autre culture en entreprise sont assimilés à un trait culturel typique parce que les personnels pensent, ont appris ou entendu qu’il s’agit d’une manière typique de se comporter dans cette culture. Ils vont être alors enclins à se comporter avec les collaborateurs de l'autre culture en fonction de ce qu'ils croient connaître de cette culture. L'image stéréotypée qu'un groupe peut avoir de lui-même du fait de la vision stéréotypée que d’autres groupes lui renvoient systématiquement de lui-même, peut amener ce premier groupe à adopter des comportements conformes à ces visions, comportements qui ne sont pas forcément inhérents à la culture de ce groupe.

Ces questions soulèvent le problème de la formation des personnels à l'expatriation sans risquer d'orienter leur perception du système étranger ni de leur inculquer des visions stéréotypées. Il s'agit ainsi d'éviter la reproduction de stéréotypes qui perdurent dans les

entreprises franco-allemandes.

La fascination exercée par R. Cordat sur son collaborateur d'outre-Rhin doit être aussi relativisée. Le passage concernant l'admiration d'A. Kremer pour la manière elliptique, agressive, ironique de s'exprimer de R. Cordat ne correspond pas à la réalité décrite par les managers interrogés dans cette étude, les Allemands de l'Ouest n'aimant justement pas cette manière indirecte, implicite et agressive de communiquer de leurs collaborateurs français. C. Streiff fait dire au dirigeant allemand A. Kremer qu'il prend le dirigeant français R. Cordat très au sérieux417. Ces propos vont à l’encontre des remarques faites habituellement par les Allemands de l’Ouest qui ne prennent pas toujours au sérieux leurs collègues français et déplorent leur manque d’organisation et leur style de management jugé trop directif. L'extrait d'entretien suivant mené auprès d’un directeur belge du groupe Total à Berlin en atteste : « Beaucoup d'Allemands sont convaincus que, de toute façon, les Français ne font que de la merde ! »418.

Dans son roman économique C. Streiff valorise le style de management du dirigeant allemand pour lequel il semble avoir éprouvé une réelle sympathie. Ces relations de travail entre le dirigeant français et le dirigeant est-allemand ont été marquées par la confiance mutuelle accordée par chacun des deux partenaires au collaborateur de l'autre culture. Malgré l’échec de leur projet commun, il ressort quelque chose de positif de cette coopération au niveau humain et que l'on peut qualifier d'« effet synergique », pour reprendre la notion utilisée par C. Barmeyer. La synergie correspond à la « mise en commun de moyens qui se renforcent entre eux pour aboutir à un même but »419.

§ 3. Français et Allemands de l’Est : une relation de travail privilégiée ?

Dans l'extrait suivant, un manager français évoque l’existence de ressemblances entre Français et Allemands de l'Est : « En tant que Français, j'ai retrouvé chez les Allemands de l'Est beaucoup plus de similitudes avec le caractère français que chez les Allemands de l'Ouest. Je pense que l'Allemand de l'Est a subi des périodes qui n'ont pas été faciles et il a dû exacerber sa créativité pour survivre entre guillemets, pour s'organiser. Et dans le travail, ils sont beaucoup plus créatifs. L'Allemand de l'Ouest se met sur des rails et puis le train avance

417 Christian Streiff, Kriegsspiel, op. cit., p. 42. 418 Entretien 20.

419 Définition de « synergie » ; cf. linternaute.com. URL : http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/definition/synergie/, page consultée le 04 mars 2013.

et puis il ne bouge plus de ses rails. Pourquoi changer puisque tout va bien ? Et moi, cela me dérange parce qu'en tant que Français, même si ça fait longtemps que je suis là, cette culture de la remise en cause me manque en se disant : "Je fais ça aujourd'hui, pourquoi je dois faire ça demain, peut-être qu'il y a une meilleure façon de faire ?" Par principe je suis fainéant et si je trouve une solution plus simple pour arriver à faire mon boulot, je ne vais pas me gêner. Alors que l'Allemand de l'Ouest, lui, il se met sur ses rails et puis après c'est le train. Et si les rails divergent à un moment donné, il fonce quand même. Encore une fois, c'est de la caricature, mais cela essaie de clarifier un peu le débat. Chez l'Allemand de l'Est c'est différent. Il était confronté à sa pénurie de nourriture, pénurie de vêtements, pénurie de tout. Il y avait l'organisation du troc, ça c'était la créativité, ils contournent le problème. On est un peu filou, on joue avec le système. Pour un Allemand de l'Ouest, ce n'est pas tolérable. Il