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Des structures fragiles, dont les résultats dépendent beaucoup de l’implication des équipes

B. LES CENTRES ÉDUCATIFS : DES CONDITIONS DE RÉUSSITE PAS TOUJOURS RÉUNIES

3. Des structures fragiles, dont les résultats dépendent beaucoup de l’implication des équipes

(1)L’absence d’éléments statistiques permettant d’évaluer les CEF

C’est non sans étonnement, compte tenu du coût et du caractère controversé du dispositif, que votre rapporteur a appris que le ministère n’était pas en mesure de produire un suivi des trajectoires des jeunes ayant réalisé un séjour en CEF, afin d’en évaluer les conséquences sur leur parcours et notamment le taux de réitération.

Ce suivi n’est pas effectué par les CEF eux-mêmes, comme les membres de la mission ont pu le constater à l’occasion de leur déplacement au CEF de Savigny-sur-Orge.

1 Audition du 12 juin 2018.

2 Audition du 13 juin 2018.

3 Audition du 6 juin 2018.

Les seuls chiffres disponibles proviennent d’une enquête sur la réitération des mineurs placés en CEF menée entre 2003 et 20071. Elle met en évidence une corrélation inverse entre la durée du séjour en CEF et la réitération dans l’année qui suit le séjour ; le taux de réitération s’élève à :

- plus de 80 % pour des séjours inférieurs à quatre mois ; - à peu près à 70 % entre quatre et sept mois de séjour ; - un peu plus de 55 % au-delà de sept mois de séjour.

C’est à partir d’une durée de séjour de cinq mois et demi que le taux de réitération est significativement plus faible. Cela doit être considéré à la lumière des durées effectives de placement qui sont, comme on l’a vu, plus proches de quatre mois. En tout état de cause, ces évaluations restent trop parcellaires pour une évaluation fine du dispositif. À cette fin, la PJJ a déclaré entreprendre une étude de cohorte des mineurs délinquants pris en charge, permise par les améliorations en cours de son logiciel GAME.

Votre rapporteur partage le point de vue de notre collègue Mme Josiane Costes, rapporteur pour avis de la commission des lois du Sénat sur les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse, qui considérait qu’« au regard de l’importance, mais aussi du dynamisme du prix de journée dans le CEF (SAH et secteur public confondus) et dans la perspective de la création de vingt nouveaux centres, il apparaît indispensable de pouvoir mesurer l’efficacité de cette prise en charge »2.

Proposition : mener une évaluation plus régulière des CEF et des conséquences du placement en matière de réitération et de réinsertion.

(2) Un dispositif structurellement fragile et aux résultats inégaux

Des structures fragiles et inégales

Entendue par la mission d’information, Mme Catherine Pautrat, inspectrice générale de la justice, rappelait que les CEF « sont des structures qui sont fragiles par définition ; je les qualifie de « systémiques » dans la mesure où la réussite dépend de facteurs qui se cumulent : qualification et cohésion de l’encadrement, structure de l’établissement et des procédures de référence, environnement propice à l’insertion, etc. À partir du moment où l’un de ces critères n’est pas rempli, le CEF ne fonctionnera pas »3.

Si certains CEF jouissent d’une bonne réputation et semblent obtenir des résultats favorables, d’autres centres sont régulièrement fermés ou connaissent des dysfonctionnements graves. La CNCDH relève qu’« en 2016, les indicateurs de la PJJ montrent que 20 % des CEF associatifs ont connu des

1 de Bruyn F., Choquet L-H, Thierus L., Enquête sur la réitération des mineurs places en centre éducatif ferme entre 2003 et 2007, Rapport final, août 2011, Pôle Recherche, DPJJ.

2 Projet de loi de finances pour 2018 : Protection judiciaire de la jeunesse, op. cit.

3 Audition du 13 juin 2018.

dysfonctionnements (fermeture administrative, réduction de la capacité autorisée...), et cela sans tenir compte des CEF du secteur public. En 2017, les cas recensés uniquement dans la presse permettent de souligner la fermeture d’au moins 6 CEF »1. Mme Adeline Hazan observait que « le projet éducatif est souvent de qualité nettement insuffisante ; la discipline y est soit trop stricte, soit trop laxiste »2. De plus, un fonctionnement satisfaisant ne semble jamais garanti dans la durée : l’arrivée d’un jeune qui va changer la dynamique du groupe comme un changement dans l’équipe d’éducateurs peuvent perturber le fonctionnement du centre. Mme Catherine Pautrat soulignait ainsi que

« la fragilité que j’évoquais tient au fait que le bon fonctionnement d’un CEF à un instant donné ne garantit pas son bon fonctionnement dans la durée. Des CEF jugés performants peuvent connaître, l’année suivante, des dysfonctionnements graves : violences envers les jeunes, maltraitance, pratique excessive de la contention »3.

Des structures confrontées à l’instabilité des équipes

La difficulté principale auxquels sont confrontés les CEF est sans conteste l’instabilité de leur encadrement.

Les conditions de travail particulières aux CEF, au contact d’un public très difficile, l’absence de valorisation indemnitaire et l’isolement géographique (cf. infra) expliquent en grande partie le fort turn-over des éducateurs. Mme Adeline Hazan expliquait que « la difficulté réside dans le fait que peu d’éducateurs veulent travailler en CEF, ce qui explique le recours fréquents à des salariés en CDD, incompatible avec la constitution d’équipes stables »4.

Alors que les CEF auraient besoin d’éducateurs formés et expérimentés, on y trouve davantage de jeunes sortis d’école, voire des contractuels. Les inspections générales constataient à cet effet en 2015 que, dans le secteur public, les postes en CEF « ne font l’objet d’aucune formalité de sélection alors qu’un profil professionnel adapté constitue une garantie pour satisfaire aux exigences du fonctionnement des CEF ». Elles notaient également que « les éducateurs ne présentant pas les aptitudes requises peuvent se retrouver en plus grande difficulté entraînant une fragilité de la cohésion d’équipe susceptible de compromettre la prise en charge des jeunes »5. En outre, dans le secteur associatif habilité, qui est confronté aux mêmes problèmes de recrutement, la PJJ peine à s’assurer de la qualité des recrutements. La pénurie de personnel qualifié peut les conduire à se tourner vers des profils plus éloignés du monde de l’éducation et du travail social, des coachs sportifs par exemple.

Enfin, les interlocuteurs soulignent les difficultés liées à l’absence d’une culture commune au sein de l’encadrement : les enseignants, en

1 CNCDH, Avis sur la privation de liberté des mineurs, op. cit.

2 Audition du 13 juin 2018.

3 Audition du 13 juin 2018.

4 Audition du 13 juin 2018.

5 IGSJ et IGAS, op. cit.

particulier, font part d’un sentiment d’isolement et d’une intégration perfectible au sein de l’équipe éducative, qui relève essentiellement de la PJJ.

En réponse à cette situation, le renforcement de l’attractivité de l’exercice en CEF doit constituer une priorité : il passe par une revalorisation indemnitaire, une formation appropriée à la prise de poste et un recrutement adapté aux besoins.

Votre rapporteur appelle en conséquence de ses vœux, dans le secteur public, un recrutement sur profil des éducateurs de la PJJ, à l’instar de ce qui est pratiqué pour les enseignants affectés en CEF, et recommande que les employeurs du secteur associatif habilité soient incités à formaliser des fiches de postes adaptées à la mission des CEF.

Proposition : profiler les postes d’éducateurs en centre éducatif fermé, améliorer la formation spécifique à la prise de poste et revaloriser le régime indemnitaire lié.

La situation géographique et les liens avec l’extérieur

La localisation en zone rurale de nombreux CEF participe de leurs difficultés, notamment en matière d’attractivité : le recrutement de professionnels qualifiés, y compris des enseignants, en est rendu plus difficile. L’accès aux formations et le maintien des liens familiaux en pâtissent également.

Les inspections générales constataient également que l’implantation de certains CEF en zone rurale, « loin des bassins d’emploi, peut constituer un frein à [leur] politique partenariale et à l’accompagnement vers l’autonomie des mineurs »1. En conséquence, elles préconisaient notamment d’engager

« une réflexion sur la faisabilité du rattachement systématique des mineurs des CEF à un établissement scolaire »2.

L’ouverture du CEF sur son environnement et le tissage de liens avec ses partenaires – autres dispositifs de la PJJ, établissements scolaires, entreprises, associations, missions locales – sont des éléments déterminants d’une bonne préparation des jeunes à la sortie et à l’insertion ; en 2011, MM. Jean-Claude Peyronnet et François Pillet, observaient déjà qu’un CEF

« n’est pas une entité fonctionnant en vase clos. Au contraire, sa réussite dépend pour une très large part des liens que le centre parvient à nouer avec le territoire dans lequel il s’inscrit »3.

1 IGSJ et IGAS, op. cit.

2 Idem.

3 Enfermer et éduquer : quel bilan pour les centres éducatifs fermés et les établissements pénitentiaires pour mineurs ?, op. cit.

Les évaluations successives des CEF ont mis en évidence un déséquilibre de leur implantation géographique. Les ouvertures survenues depuis 2012 ont tenté de rétablir cet équilibre, en étant situées au plus près des bassins de délinquance et des centres urbains1. Comme l’illustre la carte ci-après (qui ne tient pas compte de l’ouverture d’un CEF supplémentaire à Marseille en 2017), certaines régions, notamment le Sud-Est et l’Île-de-France, continuent de connaître un déficit de structures adaptées, ce qui entraîne des éloignements géographiques. La création de CEF supplémentaires devra tenir compte de la nécessité d’un réajustement géographique du dispositif.

Source : commission des lois du Sénat

En particulier, l’absence d’un CEF consacré à l’accueil des jeunes filles dans la moitié du sud du pays est regrettée, le seul centre qui leur est réservé étant situé en Normandie.

1 Les ouvertures de CEF depuis 2012 sont situées notamment à Bures-sur-Yvette, Laon, Bruay-la-Buissière, Epinay-sur-Seine, Angoulême, Marseille (deux centres) et Cambrai.

4. Mieux préparer les jeunes à la sortie et améliorer le suivi des

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