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Le nombre de mineurs enfermés est en progression depuis plusieurs années

A. L’ENFERMEMENT PÉNAL CONCERNE SURTOUT DES MULTIRÉITÉRANTS

1. Le nombre de mineurs enfermés est en progression depuis plusieurs années

a) Plusieurs milliers de mineurs sont concernés chaque année par la privation de liberté

Depuis une quinzaine d’années, le nombre de mineurs détenus dans un établissement pénitentiaire oscille entre 700 et 800. Il s’élevait précisément à 783 au 1er janvier 2018, ce qui correspond à 1,2 % de la population carcérale totale.

L’incarcération concerne en grande majorité (88 %) des mineurs de plus de seize ans. Les mineurs incarcérés sont, à hauteur de 97 %, de sexe masculin. De l’ordre de 77 % des mineurs sont incarcérés dans le cadre d’une mesure de détention provisoire1.

À ces mineurs incarcérés, il faut ajouter le nombre de mineurs placés en CEF, qui est compris, depuis 2014, entre 450 et 500 jeunes (466 en 2017).

Pour être exhaustif, il conviendrait d’ajouter à ces chiffres celui du nombre de jeunes majeurs qui exécutent une peine pour des faits qu’ils ont commis étant mineurs. Le système d’information du ministère de la justice ne permet cependant pas d’isoler cette population pour en évaluer le nombre2.

Sous cette réserve, on peut donc estimer que l’enfermement concerne, à un instant donné, environ 1 300 jeunes.

Ce chiffre ne donne cependant qu’une vision partielle du nombre de mineurs enfermés au cours d’une année : dans la mesure où la durée moyenne d’incarcération d’un mineur ne dépasse pas quelques mois (trois mois et huit jours en 2016), de même que la durée de placement en CEF (3,9 mois en 2016), un nombre élevé de mineurs se succèdent, au cours d’une même année, dans ces lieux de privation de liberté.

Ainsi, en 2016, ce sont 1546 mineurs qui ont été placés en CEF et 3 281 qui ont été placés sous écrou, c’est-à-dire qui sont entrés dans un établissement pénitentiaire. Au total, un peu plus de 4 800 mesures de privations de liberté ont donc été mises en œuvre au cours de cette année.

Le nombre de mineurs individuellement concernés est sans doute inférieur, dans la mesure où il n’est pas rare qu’un mineur incarcéré récidive et fasse

1 Les mineurs âgés de treize ans révolus et de moins de seize ans ne peuvent être placés en détention provisoire que s’ils encourent une peine criminelle ou s’ilsse sont volontairement soustraits aux obligations d’un contrôle judiciaire, qui comportait une obligation de respecter un placement en centre éducatif fermé. Les mineurs âgés de seize ans révolus ne peuvent être placés en détention provisoire s’ils encourent une peine criminelle ou une peine correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à trois ans ; ou s’ils se sont volontairement soustraits aux obligations d’un contrôle judiciaire ou aux obligations découlant d’une assignation à résidence avec surveillance électronique.

2 D’entrée de jeu se pose donc la question des jeunes majeurs sur laquelle nous reviendrons.

ainsi l’objet d’incarcérations successives, sans que les statistiques disponibles permettent de le connaître avec précision.

Ce nombre apparaît modeste si on le rapporte aux 139 000 jeunes suivis par la PJJ la même année. Le suivi assuré par la PJJ l’est essentiellement en milieu ouvert, l’enfermement demeurant l’exception. Il est également limité au regard des 50 000 condamnations prononcées chaque année par la justice des mineurs.

Le cas particulier des enfants vivant auprès de leur mère incarcérée

On trouve en prison une dernière catégorie de mineurs qu’il convient de mentionner pour mémoire, bien qu’ils soient en dehors du champ d’investigation de la mission : les enfants âgés de zéro à dix-huit mois qui vivent auprès de leur mère incarcérée.

Les articles D. 400 à D. 401-2 du code de procédure pénale régissent les conditions dans lesquelles les enfants peuvent être laissés auprès de leur mère en détention. Des locaux spécialement aménagés (« quartiers nurseries ») sont réservés à l’accueil des mères ayant gardé leur enfant auprès d’elles. Au 1er juin 2013, 72 places de nurserie étaient recensées dans vingt-huit centres pénitentiaires.

L’établissement pénitentiaire doit établir une convention de fonctionnement avec le conseil départemental pour assurer le suivi social de ces enfants, via le service de protection maternelle et infantile.

Peu d’études ont été réalisées au sujet de ces « nurseries ». Le Dr Martine Balençon a cependant attiré l’attention de votre rapporteur sur une analyse récente réalisée au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes, sur la période 1998-20131. Elle montre que la durée de séjour en détention de ces enfants s’élève à 6,2 mois en moyenne, alors que la durée moyenne de détention de leurs mères atteint 45 mois.

À leur sortie du centre pénitentiaire, 43 % de ces enfants sont accueillis par les services de l’aide sociale à l’enfance du département et 57 % sont accueillis dans leur famille.

b)Un enfermement devenu plus fréquent

Les interlocuteurs de la mission d’information ont tous souligné la tendance à la hausse du nombre de mineurs enfermés observée ces dernières années. Ce constat a d’ailleurs conduit la garde des Sceaux à saisir la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), qui dénonce, dans son avis2, une « banalisation de l’enfermement ».

La tendance à la hausse s’est poursuivie ces dernier mois puisque le nombre de mineurs détenus est passé de 783 au mois de janvier 2018 à 893 le

1 Cf. l’article « Les nourrissons vivant auprès de leur mère incarcérée au centre pénitentiaire des femmes de Rennes entre 1998 et 2013. Constats et perspectives », par A. Blanchard, L. Bébin, S. Leroux, M. Roussey, M.-A. Horel, M. Desforges, I. Page, Y. Bidet et M. Balençon, publié dans les Archives de pédiatrie, décembre 2017.

2 La CNCDH a adopté le 27 mars 2018 un avis sur la privation de liberté des mineurs.

1er juin. La progression est sensible en cinq ans puisque le nombre de mineurs incarcérés n’était que de 696 en octobre 2013, soit une progression de 28 %.

Certes, comme l’indique le graphique ci-dessous, le nombre de mineurs incarcérés était déjà de l’ordre de 900 personnes en 2002, ce qui pourrait conduire à relativiser la progression constatée.

Évolution du nombre de personnes mineures incarcérées (2002-2017)

Source : avis de la CNCDH

Il convient cependant de garder en mémoire que les CEF n’existaient pas en 2002 puisque leur création résulte de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, dite loi Perben I. Si l’on tient compte de ces structures, le nombre de mineurs privés de liberté s’inscrit effectivement en nette hausse.

Nombre de mineurs privés de liberté en EPM/QM et en CEF de 2003 à 2017

Source : avis de la CNCDH

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