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Le profil des mineurs hospitalisés ou l’écheveau multiple des troubles de l’être humain

B. LE MINEUR ENFERMÉ POUR RAISONS THÉRAPEUTIQUES : QUAND SOINS

1. Le profil des mineurs hospitalisés ou l’écheveau multiple des troubles de l’être humain

a) Leur nombre

La psychiatrie infanto-juvénile ou pédopsychiatrie, chargée de soigner les troubles psychopathologiques des enfants et des adolescents, a dès les débuts de son histoire eu recours à la pratique de l’enfermement ou de l’isolement thérapeutique. Initialement motivé par la volonté de distinguer l’espace d’évolution de l’enfant atteint de troubles psychiques, ce recours à l’isolement thérapeutique a connu une diminution progressive au profit d’une prise en charge aujourd’hui fondée sur le soin ambulatoire.

La pratique de l’isolement thérapeutique, résiduelle dans le cadre global de la prise en charge, consiste en une séparation contrainte du patient mineur de son entourage, le plus souvent dans sa chambre ou dans une chambre d’isolement.

Les statistiques dont nous disposons pour quantifier le phénomène comportent un biais lié aux particularités de la discipline. En effet, le champ de la pédopsychiatrie ne repose pas sur la définition juridique du mineur mais sur une approche biologique des caractères pubertaires : la pédopsychiatrie prend en charge les patients âgés de moins de seize ans, les patients plus âgés relevant du champ de la psychiatrie adulte1. Les mineurs âgés de plus de seize ans ne font donc pas l’objet d’une traçabilité spécifique.

Selon la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), les soins psychiatriques susceptibles de comporter une composante d’enfermement ne représentent aujourd’hui que 8,4 % des prises en charge.

Enfants et adolescents de moins de seize ans admis en hospitalisation psychiatrique2

2014 2015 2016

Nombre de patients 39 468 41 834 43 120

Proportion d’hommes 67 % 66 % 65 %

Nombre de journées d’hospitalisation 1 780 236 1 780 180 1 741 174 Part de journées d’hospitalisation partielle (en %) 66 % 66 % 65 % Durée moyenne d’hospitalisation des patients (journées/an) 45,1 42,5 40,4

Source : Drees

L’évolution observée depuis 2014 montre deux phénomènes distincts : une augmentation régulière du nombre de mineurs de moins de

1 J.-R. BUISSON, La pédopsychiatrie : prévention et prise en charge, avis du Conseil économique, social et environnemental, 2010.

2 Comprend l’hospitalisation complète et l’hospitalisation partielle.

seize ans admis en hospitalisation psychiatrique (à raison de 2 000 mineurs par an) et une diminution régulière de leur durée moyenne d’hospitalisation.

On ne dispose pas d’étude générale récente sur la pratique spécifique de l’isolement thérapeutique au sein des unités pédopsychiatriques où les patients sont accueillis en hospitalisation, d’autant que cette dernière est strictement limitée par la loi aux cas d’hospitalisation sans consentement1. La dernière étude portant sur la question a été menée en 2005 et montrait que la pratique de l’isolement était répandue dans la plupart des services considérés mais aussi utilisée « avec une grande fréquence », pour tout âge de l’enfance ou de l’adolescence2.

b)Leur profil

Outre le nombre de patients mineurs enfermés pour raisons thérapeutiques, qui n’est pas précisément connu, le phénomène est complexifié par les motifs de leur prise en charge, dont la Drees donne chaque année un panorama.

Diagnostics des mineurs de moins de seize ans admis en hospitalisation psychiatrique en 2016

Hommes Femmes Troubles mentaux organiques, y compris symptomatiques 2,1 % 2,4 % Troubles mentaux et du comportement liés à l’utilisation de substances

psychoactives 13,9 % 5,8 %

Schizophrénie et troubles délirants 25,3 % 16,2 %

Troubles de l’humeur3 20,1 % 37,8 %

Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress 9,4 % 14,4 %

Facteurs influant sur l’état de santé 19,9 % 14,8 %

Autres troubles psychiatriques 3,1 % 2,6 %

Diagnostics somatiques 1,7 % 2,0 %

Non renseigné 4,5 % 4,0 %

Source : Drees

Dans le cas des garçons, l’hospitalisation psychiatrique est majoritairement motivée par des troubles schizophréniques et délirants et des troubles de l’humeur, qui expliquent par ailleurs une grande majorité des hospitalisations psychiatriques des filles.

1 Cf. les développements sur les droits du patient mineur.

2 B. WELNIARZ et H. MEDJDOUB, « L’utilisation de l’isolement thérapeutique au cours des hospitalisations à temps plein en psychiatrie infanto-juvénile », L’information psychiatrique, t. 81, 2005.

3 Les troubles de l’humeur recoupent essentiellement les troubles dépressifs et les troubles bipolaires.

On constate que la typologie de certains troubles du comportement recensés par la Drees (notamment les troubles de l’humeur et les troubles névrotiques) se concentre sur une approche strictement symptomatique, en prenant peu en compte leur intensité, qui peut pourtant fortement impacter leur nature. Or le rapport rendu en 2017 par la mission sénatoriale sur la situation de la psychiatrie des mineurs en France1 avait montré que la pertinence de l’approche médicale en la matière dépendait beaucoup plus de l’intensité du trouble que des symptômes qui l’accompagnent2.

En effet, le même symptôme peut se retrouver dans un trouble de l’humeur faiblement intensif, qui sera alors appréhendé comme un mal-être ou une souffrance psychique, caractéristique par exemple d’une crise d’adolescence, comme dans un trouble de l’humeur fortement intensif, qui devra alors être traité comme un véritable trouble psychiatrique relevant d’une prise en charge thérapeutique.

Dans tous les établissements d’enfermement dont il est question dans ce rapport, nous rencontrons ces troubles du comportement de nature et d’intensité diverses. Compte tenu de la grande misère de la psychiatrie, ce sont bien évidemment les troubles les plus menaçants, donc les plus gênants, qui sont les plus « pris en charge ». Ce ne sont pas forcément ceux qui relèvent d’un trouble psychiatrique avéré.

Par ailleurs, les troubles recensés par la Drees ne regroupent que les troubles figurant au chapitre V relatif aux troubles mentaux et du comportement (codes F00-F99) de la classification internationale des maladies (CIM-10) dressée par l’organisation mondiale de la santé (OMS).

N’y figurent donc pas les diagnostics d’hospitalisation psychiatrique motivés par des troubles neurologiques (et non mentaux), au premier rang desquels figurent les troubles du spectre autistique. Il n’existe donc pas de chiffrage officiel des mesures de soins psychiatriques appliqués à des personnes atteintes de troubles autres que mentaux.

Ainsi, en plus d’être imparfaitement documenté sur la quantification de l’isolement thérapeutique des mineurs, on doit s’avouer peu renseigné sur la nature des troubles psychiques, psychiatriques, mentaux ou neurologiques qui le motivent.

1 M. AMIEL, Situation de la psychiatrie des mineurs en France, rapport d’information de la mission d’information du Sénat n° 494 (2016-2017).

2 Au cours de son audition du 10 janvier 2017, Mme Marie-Rose MORO, pédopsychiatre, avait notamment déclaré que « l’intensité compte également. […] Il existe donc une continuité dans ces états et des catégories. [L’intensité explique qu’] on bascule dans une catégorie. Celle qui relève du registre de la pédopsychiatrie est bien sûr la souffrance psychique qui se transforme en trouble psychiatrique ».

Ce que nous avons constaté en matière de délinquance, à savoir une baisse de la tolérance de la société, s’observe également en matière de troubles psychiques et la judiciarisation de la société s’accompagne d’une psychiatrisation, en particulier en matière infantile. Le moindre trouble doit maintenant relever d’une prise en charge psychique (et non d’une simple évaluation) supplétive de la parentalité.

2. Les soins psychiatriques : les risques d’une inflation aux

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