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Structures d’opportunités et de contrainte

L’entreprise ethnique à la lumière des nouvelles mobilités

I. LES MODÈLES D’INTERPRÉTATION DE L’ENTREPRISE ETHNIQUE : UNE LECTURE CRITIQUE

1. Structures d’opportunités et de contrainte

Certaines conditions, indépendantes des ressources dont dispose l’entrepreneur, doivent être réunies pour permettre le développement d’une entreprise ethnique. Il s’agit des structures d’opportunité, qui concernent en particulier les conditions du marché du travail et les possibilités d’accès à la propriété (Aldrich, Ward, Waldinger, 1990). Ces dernières dépendent à la fois des places vacantes dans le marché de la propriété entrepreneuriale et des politiques des gouvernements envers l’accès des étrangers à l’entreprise (Aldrich, Ward, Waldinger, 1990 ; Rath, Kloosterman, 2002). À ce sujet, on peut remarquer que la législation européenne concernant l’accès des populations étrangères à l’entrepreneuriat est notablement plus restrictive que la législation nord-américaine (Light, Gold, 2000). La législation italienne ne déroge pas à la règle. Nous avons déjà fait référence dans le premier chapitre aux difficultés rencontrées par les étrangers dans l’ouverture d’une boutique ou dans la mise en œuvre d’une activité productive. Quant à la possibilité pour les étrangers d’exercer une forme de commerce de rue, elle a été, jusqu’en 1998 (loi 114/1998 et loi 40/1998), strictement limitée à trois nationalités soumises à un accord de réciprocité : les Sénégalais, les Marocains et les Albanais. Encore aujourd’hui la possibilité d’exercer de façon légale le commerce de rue est extrêmement restreinte, car l’attribution de postes de vente sur trottoir est la compétence des municipalités, qui en général sont réticentes à les allouer à des étrangers (Pellegrini, 2001).

Au-delà des opportunités ou des difficultés liées à l’accès à la propriété, les conditions du marché du travail doivent permettre la mise en route et le succès d’une entreprise. Certains secteurs sont plus adéquats : le commerce de produits ou de services ethniques destinés à une clientèle constituée de co-ethniques est particulièrement favorable. Ce type d’entreprise, qu’Emmanuel Ma Mung et Gildas Simon nomment le commerce communautaire, et qu’on retrouve sous le terme de marché protégé ou marché ethnique dans les travaux des Anglo-saxons est en effet facilement accessible aux immigrants, car ces derniers connaissent davantage les pratiques et les goûts des membres de leur communauté : les goûts du consommateur ethnique provoquent une position de marché protégé, d’abord parce que les membres d’une communauté peuvent préférer avoir des rapports avec des co-ethniques, mais aussi à cause des coûts de l’apprentissage des goûts et des besoins des groupes d‘immigrants, qui peuvent décourager les autochtones à exercer ce type d’activité, en particulier dans un premier temps, quand la communauté est restreinte et peu visible pour les autres écrivent à ce propos Howard Aldrich, Robin Ward et Roger Waldinger (1990, 27). Les migrants bénéficient donc de certains avantages structurels dans ce type de secteur, même s’il offre des chances de mobilité sociale assez restreintes (Aldrich, Ward, Waldinger 1990 ; Light 1972).

Par ailleurs, le développement d’une entreprise peut être lié à une demande de la part d’une clientèle non ethnique. C’est le cas de la vente de produits ou de services exotiques destinés aux autochtones, chez qui le besoin ethnique, en particulier dans les grandes métropoles, est toujours plus fort (Raulin, 2000). Ce type d’entrepreneuriat est en effet étroitement lié au développement d’une classe de cosmopolites pratiquants ou

consommateurs multiculturels acquise à la consommation de produits originaux et dépaysants (Semi, 2004 ; Simon, 1994).

D’autres secteurs du marché du travail sont particulièrement accessibles aux entrepreneurs migrants. Secteurs délaissés, dont les propriétaires ne trouvent pas de repreneurs parmi les autochtones, comme la petite épicerie à Paris dans les années 80, ou encore secteurs demandant des compétences techniques faibles, comme celui des chauffeurs de taxi (Aldrich, Ward, Waldinger, 1990 ; Guillon, Ma Mung, 1986). Roger Waldinger, dans une étude sur les commerçants new-yorkais, remarque ainsi que les entreprises ethniques se développent plutôt dans des secteurs au sein desquels l’entrée est relativement aisée, mais les risques et la compétitivité particulièrement élevés (Waldinger, 1989). Jan Rath et Robert Kloosterman (2000) formulent le même type d’analyse au sujet de l’entreprenariat ethnique aux Pays-Bas. Pour ces auteurs, les migrants occupent, même sous la forme du travail autonome ou de l’entrepreneuriat, les segments les plus bas du marché du travail. Dans cette perspective, l’entrepreneuriat migrant, loin d’être déconnecté de l’économie générale, en constitue, bien au contraire, la clef de voûte. Saskia Sassen-Koob met ainsi en évidence le rôle central des petites entreprises de services et de sous-traitance, souvent gérées par les migrants, dans l’organisation de ce qu’elle appellera les villes globales dans des recherches ultérieures. Ses travaux, en mettant l’accent sur la relation entre entreprise ethnique et économie informelle, montrent combien ces économies, par leur facilité d’accès, constituent un débouché efficace pour les nouveaux arrivants, tout en correspondant à une demande de sous-traitance de la part des entreprises du secteur formel. Elle montre ainsi comment secteurs formels et informels sont interdépendants dans l’économie mondialisée (Sassen-Koob, 1989).

Les choix entrepreneuriaux émanent également de contraintes et de désavantages, comme les discriminations dont sont victimes les migrants et les minorités ethniques, assortis de l’impossibilité légale de pratiquer certaines professions, notamment dans le secteur public. Ivan Light remarque ainsi que : les histoires sociales des Américains d’origine chinoise ou japonaise nous offrent une illustration empirique de la façon dont la pauvreté, la discrimination, et la visibilité ethnique stimulent son propre entreprenariat parmi les immigrés désavantagés (Light, 1972, 8). Ici encore, l’Italie, qui réserve son secteur public48

aux citoyens européens, ne fait pas exception (Magatti, Quassoli, 2004). Par ailleurs, les restructurations du marché du travail qui ont touché les économies occidentales ont poussé de nombreux étrangers à mettre sur pied des activités de type entrepreneurial (Ma Mung, Simon, 1990). Les politiques néo-libérales qui ont accompagné la crise économique des années 80, comme le tatchérisme en Grande-Bretagne, ont accéléré ce passage, en provoquant davantage de sous-emploi et de chômage, qui sont autant de raisons pour investir dans une activité autonome ou entrepreneuriale (Jones, Mc Evoy, 1992, 2000).

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Ainsi que la compagnie des postes et celle des chemins de fer, qui ont été privatisées récemment, mais dont l’accès est toujours limité aux citoyens de l’Union Européenne.

Les groupes, en fonction des désavantages et des opportunités qu’offre le pays d’accueil, se retrouvent dans des secteurs spécifiques du marché du travail, des niches. Pour Roger Waldinger (1994), la formation d’une niche ethnique a lieu par un jeu de succession des différents groupes, qu’il nomme les chaises musicales ethniques (ethnic musical chairs). La thèse de la succession écologique développée par Howard Aldrich (1975), selon laquelle l’abandon de certains marchés par certains groupes permettrait de laisser des vides, occupés par de nouveaux groupes, rejoint celle des chaises musicales ethniques, mais insiste davantage sur le caractère local de ce processus de succession. Cette thèse écologique s’appuie sur les écrits de Robert Ezra Park et Ernest W. Burgess (1936, 1928, cités par Chan, Ong, 1995). Elle permet d’insister sur le fait que des opportunités émergent quand un certain groupe, dans une aire bien déterminée, ne parvient plus à se reproduire et laisse à un autre groupe la possibilité de lui succéder. Ainsi, les groupes reprennent souvent les marchés abandonnés par les locaux, et cherchent à générer un certain profit même s’il est marginal. Kwok Bun Chan et Jin Hui Ong remarquent que dans ce type de marché, les barrières d’entrée et les économies d’échelle sont relativement basses et que l’efficacité peut être atteinte simplement en mettant en oeuvre des stratégies d’auto-exploitation (Chan, Ong, 1995).

La thèse de la succession écologique peut faire l’objet de quelques critiques : tout d’abord, on pourrait se demander, avec Liane Mozère (2002), s’il ne conviendrait pas de préciser de quel type de migrant on parle pour éviter de favoriser la perception d’un tout homogène dans ces théories de l’entrepreneuriat ethnique : primo-migrant ou deuxième génération, hommes ou femmes, riche ou pauvre… n’ont certainement pas le même poids ni la même capacité (ni peut-être la même nécessité) à la création d’une niche ethnique. En outre, comme le remarque Antoine Pécoud, les formes de compétition internes à un groupe ethnique ont souvent été minorées dans cette vision écologique (2002). Ces questions s’insèrent dans une critique générale de la littérature sur l’entrepreneuriat ethnique, que nous évoquerons plus loin.

Surtout, une autre question reste en suspens : on trouve dans cette littérature une certaine ambiguïté concernant la relation entre concentration sectorielle et concentration spatiale des entreprises, que nous retrouverons plus loin quand nous évoquerons les travaux d’Alejandro Portes. Les auteurs oscillent entre une vision déspatialisée de l’entrepreneuriat et une vision localiste.

À considérer la niche comme un élément statique, fixe dans l’espace et dans le temps, la thèse de la succession écologique ne porte-t-elle pas une vision biaisée des dynamiques économiques et des marchés qui, par définition, se déplacent et évoluent ? L’hypothèse de l’encastrement multiple développée par Robert Kloosterman et Jan Rath tente de remédier à cette vision trop figée et rigide des structures d’opportunité.

Remédier à l’approche localiste de l’entrepreneuriat ethnique par une vision multiscalaire : l’ « encastrement multiple »

Jan Rath et Robert Kloosterman proposent, dans des contributions récentes (2000, 2001, 2002) de re-considérer le rôle des structures d’opportunité, dont l’impact sur les conditions d’organisation sociale des entrepreneurs migrants aurait été sous-estimé. Proposant de restituer à ces formes d’organisation leur complexité, ils suggèrent une approche de l’entreprise à partir de son encastrement multiple (mixed embeddedness). Il se réapproprient ainsi le terme d’encastrement (embeddedness), rendu célèbre par Mark Granovetter (1985) et repris dans de nombreux travaux sur l’entrepreneuriat ethnique, mais ils en inversent la signification puisque le terme était utilisé pour montrer l’inscription des choix économiques des individus dans des réseaux sociaux. Selon Robert Kloosterman et Jan Rath, les individus sont également encastrés dans de vastes structures de contrainte et d’opportunité, de nature complexe qui, à la manière d’une toile d’araignée, peuvent se lire à plusieurs échelles : les relations et transactions des migrants ne sont pas uniquement encastrées dans des réseaux sociaux concrets, mais de façon plus abstraite, dans des structures socio-économiques et politico-institutionnelles plus larges, précisent-ils (Kloosterman, Rath, 2001, 2 ; voir aussi Rath, 2002).

Une analyse minutieuse des structures d’opportunités doit donc s’attacher à la fois aux marchés et aux institutions, en tant que facteurs variables et mouvants dans l’espace et dans le temps. En effet, selon R.Kloosterman et J.Rath, la façon dont la question des structures d’opportunité économiques, et donc des marchés, a été prise en compte dans la littérature classique sur l’entreprise ethnique, est fort critiquable dans la mesure où elle contribue, dans la plupart des cas, à relier les marchés à une demande ethnique de produits ou de services, et à les considérer de manière remarquablement figée. Or, les marchés fluctuent et doivent être abordés, au-delà du cadre restreint d’une demande ethnique, dans celui, plus général, des restructurations des économies occidentales, qui fournissent ou permettent de créer les opportunités pour la mise en place d’une entreprise. L’économie post-fordiste émergente fournit en effet de nouvelles opportunités pour les petits entrepreneurs : les évolutions liées aux nouvelles technologies (développement de l’informatique) et aux goûts des consommateurs ainsi que la fragmentation des marchés liée à l’individuation de la demande et à son caractère toujours plus fluctuant (la réduction des économies d’échelle, dans le secteur de la mode par exemple), et au développement des services ont pour résultat que le niveau de performance minimal s’est abaissé dans de nombreux types de marchés. Par conséquent, les opportunités pour les aspirants entrepreneurs ont augmenté.

Par ailleurs, ces structures d’opportunités ne varient pas seulement dans le temps. Elles ne sont pas non plus les mêmes selon les régions ou les villes considérées, encore moins entre les différents pays. Les contextes dans lesquels les entreprises sont encastrées diffèrent à la fois selon le lieu et le moment, remarquent R. Kloosterman et J. Rath, en s’appuyant sur les travaux d’économie régionale d’Allen Scott. En d’autres termes, l’étude des phénomènes

d’entrepreneuriat migrant doit mettre en relation différentes échelles des structures d’opportunités.

Une analyse des phénomènes d’entrepreneuriat ethnique doit donc tenir compte des interrelations entre des facteurs généraux et spécifiques. Dans ce cadre, la ville est, selon Rath et Kloosterman, le lieu d’observation idéal pour traiter de dynamiques qui prennent des dimensions à la fois locale, nationale et globale. Par exemple, une comparaison des industries du cuir à Amsterdam et à Los Angeles montre combien le secteur et son évolution sont à la fois sujets à des changements d’ordre global (les évolutions de l’économie néo-libérale) et local (les politiques restrictives du gouvernement hollandais d’une part, une politique de laisser-faire de la part des institutions urbaines américaines de l’autre) (Rath, 2002).

Aussi, dans l’étude des dynamiques qui sous-tendent l’accessibilité et la possibilité de croissance des structures d’opportunité, trois échelles d’analyse doivent être cumulées : La première échelle est l’échelle nationale. Malgré la globalisation, les Etats-Nations et leurs frontières jouent toujours un rôle important dans la détermination de stratégies et des choix entrepreneuriaux. Les institutions et législations nationales fixent les règles de la création d’entreprise. L’accès à la propriété et l’équivalence des diplômes sont également du ressort de l’État. D’autres facteurs, de type culturel, conservent une importance à l’échelle étatique (le fait qu’il existe une culture entrepreneuriale plus ou moins forte dans le pays d’arrivée, par exemple). Felicitas Hillman (1999), dans son analyse comparative des politiques économiques de l’Italie et de l’Allemagne, s’est concentrée sur cette échelle d’analyse, pour montrer combien les deux États ne présentaient pas les mêmes structures d’opportunité pour le nouvel arrivant : la répression du travail informel est en effet beaucoup moins rigide en Italie qu’en Allemagne. Les travaux de Fabio Quassoli (1999) insistent davantage sur l’aspect de contrainte de l’entrée des migrants dans ce secteur en montrant le rôle des institutions dans la relégation des migrants dans les économies informelles en Italie.

Le second niveau d’analyse pertinent se situe à l’échelon urbain et régional : à l’intérieur d’un pays, les différences régionales jouent un rôle déterminant (Scott, 1998). Les structures d’opportunité des villes globales, par exemple, permettent à de nombreux migrants dans ces régions urbaines, d’accéder à des emplois à basse qualification (Sassen, 1995). Les gouvernements des villes ont également un poids important, dans la détermination de structures de contraintes et d’opportunités, qu’on pense aux opérations de requalification des centre-ville, ou aux positions des institutions municipales, qui sont plus ou moins tolérantes d’une ville à l’autre, par rapport à la transgression de certaines normes, comme l’ont montré Gilles Barrett, Trevor Jones et David Mc Evoy (2001), au sujet des horaires d’ouverture des boutiques dans l’Angleterre libérale.

Le dernier niveau d’analyse pertinent est l’échelon infra-urbain, c’est-à-dire le quartier : l’accès aux marchés et le potentiel de croissance de ces marchés diffèrent d’un quartier à l’autre. Le marché de la consommation possède une structure et des différences intra- urbaines. La concentration de certains groupes d’immigrants peut constituer des marchés

naturels ou captifs pour les entrepreneurs migrants (Kloosterman, Rath, 2001 ; Jones, Barett et Mc Evoy, 2001).

L’approche de l’encastrement multiple permet de désenclaver l’entreprise ethnique en la considérant avant tout comme une entreprise comme les autres, sujette à des dynamiques structurelles et conjoncturelles à différentes échelles. On peut lui reprocher sa caricature excessive des approches classiques de l’entreprise ethnique. En effet, de nombreux auteurs s’étaient déjà attachés à restituer l’entreprise ethnique à un contexte plus large (voir, par exemple, Sassen-Koob, 1989)49. Cependant, l’approche de l’encastrement multiple présente plusieurs avantages méthodologiques : la démarche d’explication multiscalaire proposée, qui insiste sur la variabilité des marchés en fonction des contextes, est particulièrement appropriée dans le cadre d’une analyse spatiale, dans la mesure où elle insiste sur l’importance des lieux (quartiers, villes, régions, … ), sur leurs avantages et leurs inconvénients comparatifs, dans le cadre d’une réflexion sur les formes d’organisation socio-économiques des migrants50. Elle montre par ailleurs qu’une l’échelle nationale d’analyse conserve son importance, mais doit être envisagée dans sa complémentarité avec d’autres échelles d’appréhension.

Mobilité sociale et concentration spatiale : le modèle de l’enclave ethnique

Une autre question est fréquente dans les travaux sur l’entrepreneuriat ethnique : la concentration spatiale d’un groupe ethnique favorise-t-elle ou handicape-t-elle la constitution d’une entreprise et la réussite entrepreneuriale ? Pour certains auteurs, la concentration spatiale des entrepreneurs permet la réussite du projet économique, en générant un effet de protection et en créant les infrastructures nécessaires au développement de certaines activités (Aldrich, Ward, Waldinger, 1990). Elle peut également provoquer un effet d’attraction. À l’échelle d’un quartier, la concentration peut générer une certaine attractivité commerciale, en lui donnant un caractère ethnique, à l’instar du triangle de Choisy dans le XIIIè arrondissement de Paris, où la concentration des commerces asiatiques, répondant aux attentes d’une classe moyenne toujours plus consommatrice de produits exotiques, fait le succès du quartier (Raulin, 2000 ; voir aussi, pour l’exemple de Belleville, Simon, 1994).

Le travail pionnier traitant de la relation entre entreprise ethnique et concentration spatiale est celui d’Alejandro Portes et Kenneth Wilson concernant l’enclave immigrante (ou ethnique) (Portes, Wilson, 1980). La position de ces auteurs est la suivante : le modèle de l’enclave ethnique permet, d’une part, de remettre en cause une perspective assimilationniste de la migration, en mettant en évidence la capacité d’autonomisation socio-économique des migrants et, d’autre part, de s’opposer à une vision duale du marché

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De même, la question de l’aspect institutionnel des structures d’opportunités avait déjà été évoquée par Aldrich, Ward et Waldinger (1990, chapitre 7).

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Dans une même perspective, on peut voir aussi les travaux de Rekers et Van Kempen, qui insistent sur la nécessité d’adopter une approche spatiale dans l’étude de l’entreprise migrante (2000).

du travail, en proposant une troisième voie dans l’intégration économique des migrants par rapport à la théorie classique de la segmentation. Ils développent ainsi une position alternative à la position structuraliste qui est celle de Michael Piore à l’époque (et qui devient ensuite celle de Saskia Sassen par exemple), en considérant que le modèle de l’enclave ethnique constitue une solution avantageuse pour les migrants par rapport à la mainstream economy, une sorte de troisième segment du marché du travail.

Selon K. Wilson et A. Portes, le cas de l’enclave cubaine à Miami permet de montrer comment la séparation et la concentration spatiale d’un groupe peuvent, dans certaines situations, générer de la mobilité sociale. Pour les auteurs, la corrélation qui s’effectue souvent entre travail migrant et segment secondaire du marché du travail est, dans le cas de l’enclave cubaine, infondée. Au sein de l’enclave cubaine, on peut travailler dur, comme dans le segment secondaire du marché du travail, mais la différence majeure est qu’il existe, à l’intérieur de cette enclave, de forts canaux de mobilité sociale ascendante. En d’autres termes, l’enclave présente des avantages qui n’existent guère dans le marché du travail classique. De plus, les travailleurs dans l’enclave ethnique présentent de nombreuses similarités avec ceux du segment primaire du marché du travail, qu’il s’agisse par exemple de leurs conditions de travail ou de leurs conditions économiques51.

Toutefois, l’optimisme des approches de Portes et Wilson a été fort critiqué. Certains auteurs ont montré en effet combien la concentration spatiale des entrepreneurs peut être un facteur de blocage dans la mesure où elle décuple les formes de concurrence et peut, par un effet de ségrégation ou d’auto-ségrégation, isoler le migrant en le coupant d’autres types d’opportunités (Nee, Sanders, 1987 ; Waldinger, 1994 ; Sassen, 1996 ; Pécoud, 2002).

Mobilité sociale et concentration verticale : de l’enclave spatiale aux ressources ethniques Dans les années qui suivent, Portes et Wilson reviennent eux-mêmes sur leurs

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