• Aucun résultat trouvé

PARTIE II : DIVERSITE GENETIQUE DE L’ABEILLE D’ELEVAGE EN FRANCE

CHAPITRE 3 : PRINCIPALES SOUS-ESPECES D’APIS MELLIFERA ET LEURS

G. Structure génétique des populations d’abeilles françaises

A l’instar de la plupart des espèces, la diversité génétique de la population française d’abeilles domestiques Apis mellifera résulte de nombreux facteurs parmi lesquels les migrations naturelles et d’origine anthropique (Franck et al. 2001), l’isolement géographique momentané d’une population, la sélection naturelle adaptative, etc. Caractériser la diversité génétique des populations d’abeilles en France n’est pas une mince affaire. La définition d’une espèce est basée sur un principe fondamental qui est que les individus d’une même espèce sont interféconds donc, a fortiori, les individus de différentes sous-espèces le sont également. Il y a donc d’innombrables possibilités de métissage entre les sous-espèces que nous avons vu précédemment, à plus forte raison du fait de la polyandrie et de la capacité des mâles à migrer pour féconder une reine. Il va sans dire que ce métissage peut être d’origine naturelle mais peut également être créé volontairement par l’homme. De manière générale, il n’existe pas en France d’organisme s’intéressant aux proportions de chaque sous-espèce dans chaque cheptel apicole. Comme nous l’avons vu dans le chapitre 4 de la première partie, la moitié des ruches françaises sont détenues par des apiculteurs amateurs qui, la plupart du temps, ne connaissent qu’empiriquement les sous-espèces qu’ils utilisent et qui d’ailleurs n’ont pas de volonté particulière d’exploiter une race pure. La démarche qui consiste à faire des analyses pour connaître la constitution raciale des cheptels n’est donc pas du tout ancrée chez une bonne partie des apiculteurs.

Ainsi donc, seules les études de diversité permettent d’approcher la constitution raciale du cheptel apicole français.

b. L’abeille noire prédominante malgré tout

En raison de ses frontières, la France est entourée de manière naturelle par plusieurs sous- espèces d’abeilles qui sont susceptibles d’échanger des gènes avec l’abeille noire dans les régions limitrophes. On pense notamment à Apis mellifera ligustica en Italie et Apis mellifera carnica en Allemagne. En réalité, des reines de ces sous-espèces ont très souvent été volontairement importées (Soland-Reckeweg et al., 2009). Des abeilles caucasiennes sont aussi apparues dans les années 80. Et ces importations ne se sont pas taries, au contraire, elles ont été indirectement favorisées par les pertes de colonies qu’ont subi de nombreux apiculteurs. Ces souches ont été importées pour augmenter la productivité mais elles ne sont pas bien adaptées au climat local et aux spécificités florales régionales. Leur développement est par exemple trop précoce au printemps, ce qui oblige les apiculteurs à opérer un nourrissement.

La variabilité génétique et la différenciation entre populations ont été étudiées pour 11 locus microsatellites dans 15 populations d’abeilles d’Europe de l’Ouest (Garnery et al., 1998b). Les populations françaises présentaient une introgression nucléaire variant de quelques % à 57 %. Effectivement, il s’agissait la plupart du temps de gènes provenant de la lignée C, et notamment des races A. m. ligustica et A. m. carnica. Une étude similaire a été réalisée par la même équipe, la même année mais cette fois avec l’ADNmt (Garnery et al., 1998a). L’analyse des profils de restriction des produits de PCR de la région intergénique COI-COII de l’ADN mitochondrial a été réalisée chez 973 colonies issues de 23 populations d’abeilles d’Europe de l’Ouest. Les haplotypes de la lignée M étaient très largement majoritaires. Divers degrés d’introgression par des haplotypes de lignée C ont néanmoins pu être observés, ces derniers variaient de 0% pour l’abeille de l’île d’Ouessant à 88% pour des abeilles situées à Angers. Sans surprise, les hauts niveaux d’introgression étaient observés pour des colonies appartenant à des apiculteurs professionnels qui avaient auparavant importé massivement des reines de lignée C.

Dans le cadre du Programme Communautaire pour l’Apiculture (Règlement CE n°1221/97), une importante étude de diversité intitulée « Analyse de la biodiversité du cheptel français de

Les abeilles des lignées évolutives C et O en représentent ensemble 14,7 %, et celles de la lignée A seulement 0,3 %. Les niveaux d’introgression sont très variables selon les régions. Ainsi, la Franche-Comté (68%), l’Aquitaine (46%), l’Ile de France (38%) et la Bourgogne (26%) sont les plus introgressées, tandis que l’Auvergne (0%), le Nord (3%) et la Corse (4%) le sont très peu. Au sein de la lignée M en France, 91 haplotypes mitochondriaux ont été mis en évidence (Rortais et al., 2010). La fréquence de ces haplotypes est très variable mais l’un d’entre eux (M4 et M4’) est très majoritaire et représente environ les 3/4 des haplotypes. Il est par contre peu abondant dans la région Nord où l’haplotype M17 est très majoritaire (81%).

Figure 27 : a. Proportions des différentes lignées mitochondriales (la lignée M est en rouge et les lignées C/O en bleu. b. Répartition des différents haplotypes de la lignée M (représentés chacun par une couleur),

(d’après Garnery et al., 2004)

En 2012, l’ITSAP-Institut de l’abeille a réalisé, en coopération avec le réseau COLOSS, une enquête sur les mortalités d’abeilles (Holzmann et al., 2012). A cette occasion, 113 apiculteurs ont répondu par la même occasion sur les souches d’abeilles qu’ils utilisaient. La race d’abeille la plus utilisée est l’abeille noire Apis mellifera mellifera (dans 43 % des exploitations). Viennent ensuite la Buckfast (18 %), les hybrides (15 %), et de façon minoritaire Apis mellifera carnica (2 %) et Apis mellifera caucasica (4 %). 4 % des apiculteurs utilisaient une autre race, et, enfin, 15 % d’entre eux déclaraient ne pas connaître la race d’abeille majoritaire sur leur exploitation.

Au niveau local cette fois, Perrier et al. (2003) ont étudié les introgressions mitochondriales et nucléaires pour des abeilles appartenant à l’écotype des Landes de Gascogne. Le taux d'introgression mitochondriale était de 27,8 % tandis que le taux nucléaire était situé entre 17 et 25%. Il s’agissait ici aussi d’introgressions provenant de la lignée C. Plus récemment, Bertrand et al. (2013) ont analysé la structure génétique des populations d’abeilles de 5 Conservatoires (voir chapitre suivant) en France et en Belgique (Belgique, Cévennes, Ouessant, Savoie, et Vendée) afin de confirmer, justement, leur capacité à être des Conservatoires. Ces derniers sont situés dans des zones de forte apiculture professionnelle, ou dans des zones de contact naturel entre lignées M et C. En excluant celui de l’île d’Ouessant, les conservatoires étudiés présentaient un niveau d’introgression d’au minimum 10%. C’est-à-dire qu’au moins 10% des allèles sont issus d’autres lignées. Cependant, les populations étudiées présentaient toutes plus de 80% d’allèles d’abeille noire, elles constituaient donc un bon point de départ pour s’établir en tant que Conservatoire.

CHAPITRE 4 : ETAT DES LIEUX DE LA SELECTION