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PARTIE II : DIVERSITE GENETIQUE DE L’ABEILLE D’ELEVAGE EN FRANCE

CHAPITRE 4 : ETAT DES LIEUX DE LA SELECTION APICOLE EN France

B. Principaux acteurs de la sélection en France

Par leur rôle au sein de la filière qui est quasi-exclusivement d’élever des reines vierges ou prêtes à pondre en vue d’une commercialisation, on comprend aisément que ces apiculteurs ont une influence majeure sur la composition génétique des cheptels apicoles français. Ils sont quantitativement peu nombreux et leur chiffre d’affaire global ne représente même pas 1% du chiffre d’affaire total de la filière (voir Partie I, chapitre D, d.) mais les abeilles issues de leurs ruchers, et donc de leur sélection sont comparativement nombreuses, a fortiori avec les fortes mortalités qui touchent les apiculteurs. Ces apiculteurs à l’activité atypique sont regroupés au sein de l’association loi 1901 ANERCEA (Association nationale des éleveurs de reines et des centres d’élevages apicoles). Cette dernière a été créée en 1979 et comptait 640 membres en 2015 (source : site officiel de l’ANERCEA).

Peu de statistiques existent en France sur le nombre de reines vendues ou sur le nombre de colonies issues de reines achetées. Par contre, Aux Etats-Unis, près d’un million de reines sont fournies annuellement aux 2,4 millions de colonies à travers le pays (Cobey et al., 2012), ce qui est colossal. Pour plus de détails sur l’élevage des reines, un excellent article très complet a été publié récemment sur le sujet (Büchler et al., 2013).

b. Les producteurs de gelée royale

Au-delà des producteurs de reines, il existe un autre type d’apiculteurs opérant un rôle non négligeable dans la sélection en apiculture. Il s’agit des producteurs de gelée royale, dont 80% (soit 90 adhérents) sont regroupés au sein d’une structure couramment désignée par son acronyme, GPGR, pour Groupement des Producteurs de Gelée Royale. Il s’agit d’une association relativement récente puisqu’elle a été créée en 1995 seulement, en réponse notamment à la concurrence déloyale due aux importations massives et de qualité douteuse en provenance de Chine et de Thaïlande. A cette époque, ces dernières étaient de l’ordre de 100 tonnes pour une production nationale de moins de 300 kg. Cette association vise à faire la promotion de la gelée royale française et à aider à l’installation et la spécialisation d’apiculteurs dans cette activité. A ce titre, elle constitue un support technique soucieux de développer des améliorations pour la production ou la vente de gelée royale en France. En outre, l’association est fortement intégrée, via des travaux délégués ou des participations à des commissions dans les instances qui gèrent le développement de la filière apicole dans son ensemble.

En raison de la spécificité de leur production qui demande rigueur et expertise, il s’agit d’une catégorie d’apiculteurs qui, en plus d’une grande maîtrise technique, possède des connaissances théoriques élevées, en particulier sur la physiologie de l’abeille. D’autre part, la féroce concurrence à laquelle ils font face et la particularité de leur produit en font des consommateurs de génétique et des acteurs spécialement impliqués dans l’amélioration génétique de l’abeille. Ainsi, il existe une commission « sélection » au sein du GPGR. Celle-ci est dédiée à la gestion du plan de sélection dont l’objectif est d’obtenir des abeilles fortes productrices de gelée royale et bonnes éleveuses mais également douces et résistantes aux maladies. Dans cette optique, le groupement possède 5 ruchers jouant le rôle de pôles génétiques et répartis sur plusieurs régions de France. Les reines issues de ces ruchers sont ensuite testées par des adhérents du groupement impliqués dans le plan de sélection. Ce réseau de testage est national.

Les membres du GPGR et de l’ANERCEA se côtoient régulièrement, par exemple dans la Commission technique Sélection et Elevage de l’ITSAP.

c. Les Conservatoires de l’abeille noire

Dans le but de préserver la diversité génétique de certaines populations d’abeilles noires bien adaptées localement à des conditions climatiques et à des espèces végétales particulières (écotypes), et plus généralement de préserver cette sous-espèce, des associations régionales d’apiculteurs ont entrepris la création de conservatoires de l’Abeille noire. En effet, l’abeille noire française Apis mellifera mellifera est particulièrement menacée par l’importation d’abeilles étrangères (Pinto et al., 2014) à travers l’introduction de reines notamment, ce qui conduit à des hybridations. La transhumance des colonies peut parfois conduire au même résultat. Or, l’hybridation entre une sous-espèce locale et une importée peut engendrer l’extinction de l’espèce locale (Perry et al., 2002). Des adaptations à l’environnement résultant de milliers d’années de sélection naturelle sont alors perdues par la même occasion. De telles structures ont été créés dans plusieurs régions de France : Savoie, Cévennes, Pyrénées ariégeoises, Provence (île de Porquerolles), Corse, Belle-Île mais aussi sur l’île d’Ouessant.

moléculaires pour s’assurer de sa pureté. L’apport de nouvelle génétique reste néanmoins indispensable pour lutter contre la consanguinité. Ainsi, les abeilles noires de l’île d’Ouessant sont généralement considérées comme les abeilles les plus pures de la sous-espèce Apis mellifera mellifera. En outre, des conservatoires de la sorte ont également été créés à l’étranger, par exemple en Norvège (Flekkefjord) ou au Danemark (île de Læsø) (Bertrand, 2013). En France, ils sont la plupart du temps inclus dans des parcs régionaux ou nationaux.

Il existe depuis les années 80 une association internationale qui regroupe toutes les associations régionales ou nationales. Elle s’appelle la SICAMM (Societas Internationalis pro Conservatione Apis melliferae melliferae) et vise à la préservation, la protection et la restauration de l’abeille noire. En Europe du Nord, une étude a montré que les introgressions d’abeilles étrangères étaient inférieures dans les populations d’abeille protégées (Pinto et al., 2014), ce qui signifie que les efforts de conservation portent leurs fruits. Les Conservatoires de l’abeille noire ne sont pas simplement des structures de protection agissant tel un réservoir de génétique, mais aussi des structures de valorisation. Ainsi, les Conservatoires possèdent généralement à proximité un rucher destiné à la sélection avec pratique de l’insémination artificielle et vente de reines performantes prêtes à pondre. Il faut comprendre toutefois que la préservation de races pures n’exclut pas pour autant la possibilité de créer des hybrides de qualité, justement grâce à la pureté des souches parentales. La mise en place d’un conservatoire de l’abeille noire obéit à un cahier des charges qui oriente le travail réalisé, décrit les études préliminaires nécessaires et la méthodologie de mise en place de la structure. L’une des conditions préliminaires est l’existence d’un niveau d’introgression le plus faible possible en provenance des lignées C, O ou A. La mise en place d’un conservatoire est envisageable si la zone est suffisamment pure, c’est-à-dire si au moins 90% des abeilles sont classées dans la lignée M. Au-delà de l’abeille noire, la biodiversité des races et écotypes de l’espèce Apis mellifera constitue une richesse fruit d’un processus long et continu d’adaptation à des milieux variés. Cette diversité est un capital de grande valeur qu’il convient de préserver en vue d’une sélection future, notamment en réponse aux évolutions écologiques et sociétales.

d. L’ITSAP

Pour finir, comment parler de sélection en apiculture et de génétique sans parler de l’ITSAP (Institut Technique et Scientifique de l’Apiculture et de la Pollinisation) parfois appelé « Institut de l’abeille ». Ce dernier, localisé en Avignon, constitue un pôle d’expertise technique et scientifique majeur en France. Outre les nombreuses équipes de recherche dédiée à l’abeille, l’institut est très impliqué dans la communication autour de l’abeille mais aussi dans la

formation. Il coordonne au niveau national les travaux de recherche conduits en apiculture, notamment ceux de l’INRA d’Avignon, et fédère les associations régionales de développement apicole (ADA). Son spectre d’action sur l’abeille est donc bien loin de se résumer à la génétique et la sélection. Mais néanmoins, l’amélioration du cheptel apicole français constitue l’une de ses missions principales. Ainsi, l’ITSAP accompagne la structuration de la sélection et coordonne le développement et la mise en place des nouveaux outils et méthodes issus des travaux de recherche. En 2014, une station de testage a été développée, elle vise à tester les protocoles de contrôle de performances et à évaluer, en conditions contrôlées, les colonies sélectionnées par la filière et celles de n’importe quel sélectionneur français désireux d’y recourir. Cependant, les reines sur lesquelles un contrôle de performances est réalisé doivent obligatoirement avoir une généalogie connue, au moins pour la voie maternelle. Les critères suivants peuvent être évalués sur les reines : production, douceur, essaimage, tenue au cadre, comportement hygiénique, évolution de la population de Varroa, hivernage, autonomie alimentaire, dynamique de printemps. L’évaluation de ces critères est faite selon les méthodes standardisées produites par BeeBook (Dietemann et al., 2013a).