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PARTIE I : BIOLOGIE DE L’ABEILLE

CHAPITRE 2 : MORPHO-ANATOMIE DE L’ABEILLE

C. Reproduction

L’essaimage est le moyen naturel de reproduction d’une colonie d’abeilles. C’est un processus préparé au cours duquel la vieille reine part avec deux tiers à trois quarts des habitants de la ruche (Grozinger et al., 2014), le tiers restant élevant une nouvelle reine (Seeley, 2010). On parle d’essaimage car les abeilles forment un essaim qui est en fait une grappe constituée de milliers d’abeilles. Celle-ci se pose la plupart du temps sur une branche proche de la ruche ou dans un arbre (voir photographie 10) pendant que des éclaireuses recherchent un nouveau gîte à proximité.

Photographie 12 : Un essaim d'abeilles autour d'un arbre (source : collection personelle)

Une fois qu’elles ont trouvé un lieu adéquat, elles battent le rappel (voir photographie 13) en ventilant des phéromones issues de leurs glandes de Nasanov (Pickett et al., 1980 ; Avitabile et al., 1975) et en réalisant une danse frétillante (I’Anson Price et Grüter, 2015). Préalablement à leur sortie de la ruche, les ouvrières remplissent leur jabot de miel pour assurer le besoin énergétique inhérent à la construction du nouveau nid (Combs Jr, 1972).

Photographie 13 : Ouvrière battant le rappel en exhibant sa glande de Nasanov (source : collection personnelle)

Ce phénomène a souvent lieu au printemps, pendant l’après-midi et au cours d’une belle journée d’un point de vue météorologique. On considère généralement que les stimuli déclencheurs sont la présence d’une population conséquente qui n’est plus qu’en partie soumise aux phéromones royales (Winston, 1980), son corollaire le manque de place (plus de 90% des cellules destinées au couvain déjà remplies ; Winston et al., 1981), la présence d’un pic de récolte (Simpson, 1959) ou d’un pic de production de couvain (Fefferman et Starks, 2006). Environ deux semaines avant, les ouvrières élèvent entre 10 et 20 (Grozinger et al., 2014) jeunes reines tandis que la vieille reine se prépare à devenir apte au vol (Seeley et Fell, 1981) en réduisant sa ponte (Allen, 1956) et par la même occasion la taille de son abdomen.

À partir d’une seule colonie on en obtient donc deux. Cela peut sembler une aubaine pour l’apiculteur mais en pratique ce n’est pas toujours le cas. En effet, cela implique que l’apiculteur récolte cet essaim parti dans la nature ce qui nécessite une surveillance accrue voire permanente du rucher au printemps, ce qui ne peut pas être le cas pour un apiculteur dont le rucher n’est pas situé sur son lieu d’habitation. D’autre part, la colonie d’origine se retrouve dépeuplée et prend un retard important dans la récolte de provisions, la perte de miel due à l’essaimage étant estimée à 15kg (Lensky et Hochberg, 1973). En effet, la colonie devra passer plusieurs étapes avant de retrouver une activité normale. Il faudra d’abord le temps à une nouvelle reine d’éclore,

au cours de la même saison, sous peine de la condamner à mourir l’hiver qui suit. Enfin, un essaimage implique des manipulations multiples qui font courir le risque à l’apiculteur d’écraser malencontreusement la reine.

Pour toutes ces raisons, un essaimage naturel est plutôt une mauvaise affaire pour l’apiculteur. C’est pourquoi celui-ci cherche des moyens de le prévenir ou de l’éviter (Moore et al., 2015). Récemment, il a été montré (Zacepins et al., 2016) que la température au sein de la ruche augmentait de 1,5 à 3,4°C dans les 20 minutes précédant le départ de la ruche, ce qui, dans le cadre d’une apiculture de précision et monitorée, pourrait permettre d’avertir l’apiculteur, afin si ce n’est de l’empêcher, au moins de récupérer l’essaim. Il semble toutefois que des essaimages fréquents permettent, pour des abeilles sauvages, une meilleure lutte contre Varroa destructor (Loftus et al., 2016).

Il faut savoir que la tendance à essaimer varie souvent en fonction de l’âge de la reine, les vieilles reines étant plus essaimeuses (Hauser, Lensky 1994), mais également en fonction de la race d’abeille (Winston et al., 1983), si bien que les apiculteurs en tiennent compte dans le choix de leurs abeilles.

b. La supersédure

Il arrive parfois que le remplacement de la vieille reine ait lieu sans essaimage. On parle alors de supersédure (Butler, 1957). Lorsque la reine devient âgée (entre 3 et 4 ans), sa ponte diminue, la production de miel chute (Nelson et Smirl, 1977) et elle ne produit plus suffisamment de phéromones d’inhibition du couvain royal (Butler, 1957). Une ou deux cellules royales sont alors élevées au centre de la colonie, sans que la vieille reine ne montre aucune hostilité. Une jeune reine éclot, réalise son vol de fécondation et se met à pondre si bien qu’elle remplace progressivement la vieille reine qui sera, en définitive, chassée de la colonie voire tuée par ses ouvrières. Parfois, les 2 reines peuvent cohabiter pendant des mois (Butler, 1957). Ce mode de remplacement de la reine, qui a lieu en général à l’automne, reste tout de même minoritaire en comparaison de l’essaimage.

c. Influence de l’apiculteur sur la reproduction de ses colonies

i. Essaimage artificiel

Afin de prévenir la survenue d’un essaimage tout en augmentant la taille de son cheptel ou en remplaçant des colonies mortes, l’apiculteur peut procéder à la création d’un essaim artificiel. Il s’agit d’anticiper le départ des abeilles et d’opérer la même séparation que lors d’un essaimage naturel mais en le faisant de manière contrôlée ce qui permet d’en retirer tous les avantages. En outre, un tel procédé permet à l’apiculteur d’opérer une sélection en reproduisant ses meilleures colonies à moindre coût. Par ce biais, il s’affranchit également de la récolte de colonies sauvages, au statut sanitaire inconnu. Ces opérations se réalisent la plupart du temps en début de saison, au printemps, lorsque les colonies commencent à être à l’étroit en raison de la population et lorsque les ressources sont abondantes à l’extérieur.

Il s’agit d’un procédé assez simple pouvant être réalisé de plusieurs manières (Nicollet, 2014). La plus commune est une simple duplication par division. Ainsi, les abeilles, au même titre que les réserves de miel et de pollen vont être réparties dans deux ruches différentes, en s’assurant que la ruche qui se retrouve sans reine possèdent des cadres remplis de couvain jeune à partir duquel les ouvrières vont créer une nouvelle reine (Beekman et al., 2002). Dans cette optique, le marquage des reines qui permet un repérage immédiat de ces dernières trouve toute son utilité. Il s’agira ensuite de déplacer la ruche nouvellement crée suffisamment loin de la ruche d’origine (au moins 5 km) afin d’éviter que les butineuses y retournent. Enfin, ces deux colonies pourront faire l’objet d’un nourrissement afin de stimuler la ponte de la reine et de reconstituer au plus vite une colonie populeuse et vigoureuse.

ii. Greffe de reine

Si l’apiculteur ne veut pas retarder la colonie nouvellement créée et lui octroyer un maximum de chances de réussite, il peut tout à fait combiner un essaimage artificiel avec l’introduction d’une reine vierge achetée dans le commerce. Ainsi, il s’affranchit de la période d’élevage des reines ainsi que du laps de temps entre éclosion et vol nuptial, soit au minimum 3 semaines (Tarpy et al., 2000). Une solution alternative est d’introduire dans la colonie des cellules royales prêtes à éclore.

L’introduction de reine peut parfaitement être réalisée en dehors de la création d’un essaim artificiel, pour remplacer une vieille reine ou une reine ayant engendré une colonie agressive par exemple (Moore et al., 2015). Il faut toutefois prendre certaines précautions. Par exemple, il faut attendre au moins 24h après la mort de l’ancienne reine, le temps que ses phéromones ne fassent plus effet et que les ouvrières se rendent compte de son absence (Moore et al., 2015). Il est de toute façon plus prudent d’introduire la reine dans une cage grillagée dont l’entrée est bouchée par de la nourriture pour permettre aux ouvrières de s’habituer pendant environ 3 jours, qui est le temps nécessaire pour libérer l’entrée (Moore et al., 2015). La fourniture en alimentation ou encore l’introduction en fin de journée sont d’autres facteurs de réussite. Il semble par contre que l’introduction d’une reine de race différente de celle de la colonie d’origine engendre davantage de rejets.

CHAPITRE

4 :

ELEVAGE

DE

L’ABEILLE :