• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : BIOLOGIE DE L’ABEILLE

CHAPITRE 2 : MORPHO-ANATOMIE DE L’ABEILLE

A. Les différentes castes d’abeilles

Les colonies d’abeilles comptent environ 20 000 à 50 000 individus selon les ruches et la saison (Jean-Prost, 1987). La ruche est ce que l’on appelle un superorganisme (Hölldobler et Wilson, 2009). C’est une société très bien organisée avec d’un côté des individus immatures et de l’autre les adultes. Les immatures comprennent les larves et les nymphes. Ces derniers sont rassemblés dans les cellules d’une zone particulière de la ruche que l’on appelle le couvain et qui est en quelque sorte le nid de la colonie. Celui-ci est toujours construit au centre des cadres situés au centre de la ruche. Cette localisation permet à la colonie de maintenir un micro-climat avec notamment une température extrêmement régulée (entre 33 et 36°C) (Seeley, 2014) puisque la température optimale pour le couvain est de 34,5°C (Groh et al., 2004). A la belle saison, il s’étend sur une zone ovale représentant près des ¾ des cadres tandis qu’il est extrêmement réduit voire inexistant l’hiver. Par extension, le terme couvain est souvent utilisé pour désigner l’ensemble des individus immatures et non pas seulement la zone où ils se localisent.

Les individus adultes sont composés de la reine, qui est la seule femelle à posséder une activité de ponte (dans une situation normale), des ouvrières, et des faux-bourdons (les mâles). Il ne pas faut pas confondre les faux-bourdons avec les bourdons, insectes de plus grande taille et plus velus appartenant au genre Bombus. Ces derniers visitent les fleurs, ce qui n’est pas le cas des faux-bourdons. Dans cette étude nous nous concentrerons uniquement sur les formes adultes. Faisons plus ample connaissance avec elles dans les paragraphes suivants.

a. La reine

i. La mère de la colonie

C’est l’individu le plus important de la colonie, la clé de voûte (Moore et al., 2015). C’est aussi le plus facile à reconnaitre grâce à son allure singulière caractérisée par un abdomen bien plus long que celui des ouvrières. Sa taille fait d’elle l’individu le plus volumineux de la colonie. Cette différence de taille est mise à profit par les apiculteurs par l’utilisation de grilles à reine que les ouvrières seules sont capables de traverser. Ceci permet de limiter l’accès de la reine à certaines zones de la ruche et permet notamment d’éviter de trouver des œufs ou des larves dans le miel de récolte.

La reine est en général cachée par les ouvrières, notamment l’été lorsque la population de la colonie est abondante. Son espérance de vie varie de 3 à 5 ans (Page et Peng, 2001), mais actuellement les reines ont tendance à vivre moins longtemps (Rangel et Tarpy, 2016).

La reine a essentiellement une fonction de ponte : c’est la mère de la colonie. Par conséquent, tous les individus de la ruche sont issus de sa ponte. On comprend ainsi aisément que la santé et la viabilité de la ruche dépendent majoritairement d’elle (Hatjina et al., 2014). En raison de stades larvaire et nymphal réduits par rapport au mâle ou à l’ouvrière, il ne faut que 16 jours à la reine pour passer de l’œuf à l’individu adulte (Degrandi-Hoffman et al., 1998).

Les reines sont issues d’œufs fécondés parfaitement identiques à celui des ouvrières, c’est la nourriture qu’elles reçoivent tout au long de leur période larvaire qui modifie leur corpulence, l’activité de leurs organes et leurs capacités (Wang et al., 2013), ce qui constitue une démonstration brillante des principes de l’épigénétique (Maleszka, 2008). En effet, alors que les ouvrières et les mâles reçoivent au cours de leur période larvaire une nourriture où la gelée royale est progressivement diminuée au profit du miel et du pollen, les larves de reine sont exclusivement nourries avec de la gelée royale (Rembold et al., 1974 ; Haydak, 1970). Cette alimentation différenciée engendre des niveaux de méthylation de l’ADN variables entre reines et ouvrières (Kucharski et al., 2008), et ces différences de méthylation ont des effets majeurs. Elles auraient notamment un impact sur les formes épissées produites ce qui se traduit par de la variabilité dans les produits de transcription (Lyko et al., 2010), et, en définitive, par des protéines différentes et des trajectoires de développement divergentes. En outre, il existe, selon le devenir de l’abeille, une expression différentielle de gènes en fin de stade larvaire (Cameron et al., 2013), notamment de microARNs (Guo et al., 2013 ; Ashby et al., 2016).

ii. Evolution d’une colonie sans reine

Le remplacement d’une reine peut se faire de différentes manières. La plupart du temps, la vieille reine quitte la ruche au cours de l’essaimage (= forme de reproduction de la colonie, voir chapitre 3c). Dans ce cas, les ouvrières anticipent ce départ en construisant de nombreuses cellules royales (Yadava et Smith, 1971).

L’apiculteur peut aussi décider de remplacer une vieille reine dont la ponte est devenue défaillante en la tuant et en la remplaçant par une jeune reine. On parle alors de remérage (Tarpy et Fletcher, 1998). Il faut toutefois prendre certaines précautions, par exemple la reine introduite ne doit être ni trop jeune, ni trop âgée, l’âge idéal étant compris entre 7 et 24 jours (Rhodes et al., 2004).

Il arrive bien souvent qu’une ruche se retrouve sans reine de manière accidentelle, on dit alors qu’elle est « orpheline ». S’il existe des larves de moins de 3 jours, ces dernières sont encore indifférenciées et les ouvrières peuvent alors changer leurs devenirs et les entourer d’une cellule de reine alors appelée « cellule de survie » (Page et Peng, 2001). Une dizaine de ces larves seront promues. Si par contre la reine meurt alors qu’il n’existe aucun couvain de moins de 3 jours, au bout d’un certain temps, des ouvrières vont se mettre à pondre (Visscher, 1989), de manière désordonnée, des œufs non fécondés qui donneront des faux bourdons. Pour cette raison on dit alors que la ruche est devenue « bourdonneuse ». Ainsi la ruche se peuple progressivement de mâles à mesure qu’elle se dépeuple d’ouvrières. À ce stade il devient très difficile d’espérer récupérer cette colonie en lui greffant une nouvelle reine.

La reine possède un dard atrophié de forme courbe qui, à sa naissance, lui sert à tuer ses rivales. En effet, lorsqu’une ruche prépare un essaimage ou lorsqu’elle se retrouve orpheline, le processus de création d’une nouvelle reine met en jeu plusieurs cellules royales donc potentiellement plusieurs reines. Or, dès que la première cellule royale éclot, la reine vierge qui en est issue se débarrasse de toutes les autres cellules (Tarpy et al., 2004). Bien que son dard soit atrophié, l’aiguillon de la reine est fortement accroché si bien qu’à l’inverse des ouvrières elle ne meurt pas d’avoir piqué mais au contraire peut piquer plusieurs fois. En outre, il semble

b. Les mâles ou faux-bourdons

Ils sont quelques milliers dans la ruche mais ne sont produits qu’à la belle saison, c’est-à-dire à partir du début du printemps jusqu’à la fin de l’automne (Allen, 1958 ; Winston, 1991). Ils vivent environ 6 mois.

Ils possèdent 2 rôles principaux. Tout d’abord, ils sont responsables de la fécondation de la reine vierge lors du vol nuptial (Hrassnigg et Crailsheim, 2005). Ensuite, ils participent à la thermorégulation de la ruche en brassant l’air avec leurs ailes (Harrison, 1987).

Par contre, ils se nourrissent des réserves sans participer aux autres activités de la ruche. Pour cette raison, dès que la colonie prépare la rentrée en hibernation, les mâles sont soit chassés, soit tués pour limiter la consommation de la ruche (Morse et al., 1967). A contrario, si on trouve des mâles en hiver, la ruche a vraisemblablement un problème.

Les mâles sont les individus dont la période immature est la plus longue puisqu’il faut en effet 24 jours pour passer de l’œuf à l’adulte (Hrassnigg et Crailsheim, 2005). Alors que des ouvrières sans réserve sont généralement mal accueillies par une colonie voisine, ce n’est pas le cas des mâles qui peuvent facilement s’introduire de ruche en ruche car ils sont tolérés.

c. Les femelles ouvrières

Elles sont les plus nombreuses et ce sont elles qui travaillent dans la ruche. D’une taille inférieure à celles de la reine et des faux bourdons, elles possèdent un appareil génital atrophié mais un dard fonctionnel. Les ailes sont légèrement plus grandes que l’abdomen, les yeux sont non jointifs et leur allure svelte. Leur durée de vie dépend de la saison. L’été, elle est de 30 à 40 jours alors qu’elles peuvent vivre plusieurs mois l’hiver (Maurizio, 1953). Il faut 21 jours pour passer de l’œuf à l’adulte (Hrassnigg et Crailsheim, 2005).