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PARTIE I : BIOLOGIE DE L’ABEILLE

CHAPITRE 4 : ELEVAGE DE L’ABEILLE : COMPRENDRE L’APICULTURE

C. Panorama de la filière française

Pour comprendre l’intérêt que peut avoir un programme de sélection en apiculture, il est primordial de connaître les enjeux de la filière et ses principaux intervenants. Pour cette raison, nous allons nous intéresser dans cette partie à la filière apicole afin d’en faire ressortir les éléments structurants. Les chiffres utilisés s’appuient en totalité sur les audits successifs réalisés par FranceAgriMer en 1994, 2004 et 2011 (FranceAgriMer, 2012). Leur comparaison permet en outre de dégager les dynamiques qui opèrent à l’heure actuelle.

a. Dénombrement et profil sociologique des apiculteurs

En 2010, la France comptait 41 850 apiculteurs, possédant 1 074 200 ruches pour une production en miel estimée à 18 330 tonnes. On distingue 3 types d’apiculteurs :

 Les apiculteurs amateurs visant une production familiale (1 à 30 ruches)

 Les apiculteurs pluri-actifs qui ne vivent pas que de l’apiculture (31 à 150 ruches)  Les apiculteurs professionnels (>150 ruches)

Les chiffres concernant le nombre d’apiculteurs de chaque type, le nombre de ruches qu’ils possèdent et la production de miel associée sont regroupés dans le tableau 1.

Tableau 1 : Poids relatif des différents types d’apiculteurs en France en 2010 (Audit économique de la filière apicole française, FranceAgriMer, septembre 2012).

Année 2010 Apiculteurs Ruches Production de miel

Nombre % Nombre % Nombre %

Apiculteurs producteurs familiaux (1 à 30 ruches) 37 326 91,0 294 206 27,0 3 495 19,0 Apiculteurs pluri-actifs (31 à 150 ruches) 2 877 5,0 195 487 18,0 3 227 18,0

Apiculteurs professionnels (plus de 150 ruches)

1 633 4,0 584 525 55,0 11 604 63,0

Le premier chiffre remarquable est que 91% des apiculteurs sont des amateurs pratiquant l’apiculture pour le loisir et la consommation familiale. Inversement, seulement 4% des apiculteurs sont des professionnels. Pour autant, ces derniers possèdent 55% des ruches et produisent 63% du miel français. On a donc à faire à une filière très peu professionnalisée où une petite minorité d’apiculteurs possèdent une grande majorité des ruches et produisent les 2/3 du miel.

b. Localisation

Les 5 anciennes régions du sud de la France (Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, PACA et Rhône-Alpes) comptent 43% des apiculteurs français pour 51% des ruches et 52% de la production de miel, la palme du nombre de ruches et d’apiculteurs revenant à la région Rhône-Alpes. Ces chiffres se comprennent facilement : l’apiculture est une activité plus rentable et plus facile dans les régions ensoleillées où les floraisons sont abondantes et variées. En effet, les abeilles ne sortent pas butiner lorsqu’il pleut ou lorsque la température est trop faible.

c. Évolution sur la période 1997-2010

L’évolution du nombre d’apiculteurs de chaque type, du nombre de ruches qu’ils possèdent et de leur production en miel sont consignés dans le tableau 2.

Apiculteurs Ruches Productions (tonnes)

1994 84 215 1 351 991 / 2004 69 237 1 346 575 25 500 2010 41 836 1 074 218 18 326 -28% Évolution 1994-2010 -50% -21% / Évolution 2004-2010 -40% -20%

Tableau 2 : Evolution des chiffres-clés sur la période 1994/2004/2010 (Audit économique de la filière apicole française, FranceAgriMer, septembre 2012).

Dans le détail, on se rend compte que cette diminution du nombre d’apiculteurs s’est nettement accélérée sur la période 2004-2010 en comparaison avec la période 1994-2004. Cette baisse touche surtout les apiculteurs familiaux qui sont plus sensibles que les autres à la perte de cheptels en raison de leur faible nombre de ruches d’où une professionnalisation qui s’accentue.

d. Chiffres d’affaire de la filière

Le dernier audit de FranceAgriMer datant de 2011, le chiffre d’affaire de la filière le plus récent date donc de 2010. Cette année-là, il était estimé à 133,5 millions d’euros. Ce montant est basé sur la somme des valeurs, estimées par les apiculteurs, des produits et services qu’ils produisent, en prix de vente hors taxes. La répartition de ces montants est représentée sur le tableau 3 suivant :

Tableau 3 : Chiffre d’affaires de la filière apicole en 2010 et répartition par produits et services (Audit économique de la filière apicole française, FranceAgriMer, septembre 2012).

Produits ou services Montant estimé en € % de la valeur totale Miel 115 155 000 86.2% Pollen 1 709 000 1.3% Propolis 438 000 0.3% Gelée royale 3 563 000 2.7% Cire 311 000 0.2% Produits de la ruche 121 176 000 90.7% Pain d'épices 1 478 000 1.1% Nougat 525 000 0.4% Divers 2 110 000 1.6% Produits transformés 4 113 000 3.1% Essaims 4 144 000 3.1% Reines 1 065 000 0.8% Produits d'élevage 5 209 000 3.9% Pollinisation 3 048 000 2.3% Chiffre d'affaires total 133 546 000 100.0%

On observe que la vente de produits de la ruche est logiquement la source de revenus très majoritaire. Il apparaît d’autant plus facile pour les apiculteurs de vendre leur miel que la France n’est pas autosuffisante. En effet, on consomme en France plus de miel que ce que l’on produit et cet écart va en s’aggravant. Le taux d’auto-approvisionnement était de 64% en 2004, il est passé à 46% en 2010 (voir tableau 4 ci-dessous). La différence est ainsi comblée par du miel d’importation. Mais ce dernier tire les prix vers le bas si bien que les apiculteurs français sont obligés de vendre le leur à un prix peu rémunérateur. Par exemple, le miel importé d'Asie arrive en France à 1,5 €/kg en moyenne. De leur côté, les apiculteurs français doivent vendre leurs miels au moins deux fois plus chers pour assurer la rentabilité de leurs exploitations. C’est pourquoi des circuits alternatifs sont développés, tel la vente directe. Environ la moitié du miel produit en France est commercialisée de la sorte (Gerster, 2012), notamment sur les marchés de producteurs. Le miel issu de l’agriculture biologique représente 5% de la production. Enfin, le poids des signes d'identification de la qualité et de l'origine (SIQO) tels que les appellations et labels, est assez faible (5%).

Tableau 4 : Variation du taux d’auto-approvisionnement en miel entre 2004 et 2010 (Audit économique de la filière apicole française, FranceAgriMer, septembre 2012).

Tonnes 2004 2010 Variation 2004/2010 Production estimée 25 500 18 326 -28% Importations 17 051 25 395 49% Disponible apparent 42 551 43 721 3% Exportations 2 500 3 944 58% Consommation apparente 40 051 39 777 - 1% Taux d’auto-approvisionnement 64% 46% - 18 points

La diminution du nombre de colonies et de la production a conduit ces dernières années à une augmentation du prix du miel (Lacube et Clément, 2015). Ce qui fait dire à certains que le miel

Ainsi s’achève cette première partie assez généraliste visant à rassembler des connaissances diverses et actualisées sur de nombreux thèmes inhérents à l’abeille. Nous avons situé l’abeille dans le règne animal, retracé son histoire, analysé son rôle pour la société des hommes et les causes de son déclin puis l’anatomie et la physiologie de l’abeille ont été explorées avant de faire connaissance avec les produits de la ruche et la filière apicole. Un lecteur naïf trouvera probablement beaucoup d’informations nouvelles lui donnant une vision, si ce n’est exhaustive, au moins globale du monde de l’abeille. Un lecteur érudit sera lui susceptible d’y trouver quelques informations actualisées ou des pistes à explorer. Dans tous les cas, cette première partie constitue, à l’instar de la construction d’une maison, les fondations pour assimiler et appréhender la partie suivante ainsi que la dernière. Dans une seconde partie, nous allons introduire progressivement des éléments de génétique et nous intéresser à la diversité de l’abeille française Apis mellifera, car la présence d’une diversité est le préalable et la base à partir de laquelle des travaux de sélection pourront être entrepris (Pinto et al., 2014).