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Structure de l’enquête aux investisseurs : un volet sur l’accès au foncier et un autre sur l’ensemble des coûts et bénéfices du projet

A - Acquisitions foncières et diversité du « capital agraire »: une typologie représentée par des modélisations de projet

Encadré 7: Le choix de centrer l'analyse sur les investisseurs étrangers

3) Structure de l’enquête aux investisseurs : un volet sur l’accès au foncier et un autre sur l’ensemble des coûts et bénéfices du projet

Suite à l’élaboration de la typologie d’acquisitions foncières à grande échelle et à l’analyse des caractéristiques organisationnelles des projets, la seconde étape de notre travail a résidé dans l’analyse économique plus poussée du fonctionnement des projets et de leurs résultats. Cette étape passe nécessairement par la réalisation, dans les cas où c’est possible, d’une quantification de l’ampleur des coûts et bénéfices des projets pour les différents acteurs impliqués. Cette étape permet d’apporter des éléments de réponse aux questions soulevées par l’hypothèse (3) sur les liens entre les investissements fonciers à grande échelle et les différents groupes de population, via la création d’emplois et la redistribution de la valeur ajoutée entre les différents facteurs de production (capital, terre, travail).

Nous avons donc cherché à pousser plus loin l’analyse de cette diversité en développant, pour des études de cas de chaque type d’acquisition foncière à grande échelle, une quantification des coûts et bénéfices et de leur répartition entre les différents acteurs impliqués. Pour cela nous nous sommes servis des études de cas et des enquêtes systématisées sur l’organisation des projets utilisées pour élaborer la typologie d’investissements fonciers à grande échelle pour développer un questionnaire fermé pour les investisseurs. Nous avons alors collecté ces informations auprès des investisseurs de

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notre échantillon (Annexe 2). Les informations recueillies auprès des investisseurs couvrent différents domaines et peuvent être réparties en trois parties principales :

— Une partie du questionnaire porte sur les modalités d’accès au foncier et son coût : les modalités d’identification et de sélection de la zone acquise, la réalisation des consultations communautaires et les termes des négociations avec les communautés locales.

— Une autre partie traite des coûts et processus de mise en place du projet : l’ensemble des infrastructures établies par le projet et leur coût, la liste et le coût du matériel acquis par le projet, la répartition des activités de développement du projet durant les 10 premières années du projet.

— Enfin, la majeure partie de ces enquêtes portent sur le système, les coûts et résultats de production: la rotation des cultures, les itinéraires techniques de production, la quantité d’intrants et de main d’œuvre nécessaire pour chaque activité, les rendements, les canaux de commercialisation.

Ces enquêtes nous ont permis d’obtenir des informations qui seront utiles pour apporter des éléments de réponses à nos hypothèses de recherches. La partie du questionnaire sur l’accès au foncier nous permettra, en confrontant ces informations avec celles obtenues durant d’autres séries d’enquêtes auprès des autres acteurs impliqués dans l’accès au foncier et d’observations, de répondre à notre hypothèse (1) sur les interactions entre les acquisitions foncières à grande échelle et la gouvernance foncière. Les autres parties, qui sont centrées sur le processus de production du projet nous ont permis, quant à elle, de répondre aux hypothèses (2) et (3) sur les facteurs déterminant le choix pour un type de modèle d’entreprise ainsi que sur le développement de certaines formes d’agriculture capitaliste nationale et sur l’équité des projets.

Les informations sur les coûts de développement et de production des projets ont ainsi été utilisées pour réaliser une modélisation économique de chacun des types d’investissements fonciers à grande échelle identifiés lors du travail de typologie. Le tableau 9 ci-dessous présente les caractéristiques des différents cas modélisés.

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Tableau 9: Description rapide des exploitations modélisées

Nom du type de projet Culture Caractéristiques

Agriculteurs entrepreneurs indépendants

Horticulture (banane – litchi)

Une exploitation produisant « Banane-Litchi » sur environ 90 ha

Firme de « transformation

foncière » Jatropha

Développement d’une plantation test de jatropha sur quelques centaines d’hectare jusqu’à l’arrivée

en production. Il y a ensuite valorisation pour l’investisseur via la revente des infrastructures et

des terres restantes pour un développement potentiel.

Agri-firme et sociétés de

gestion d’actif Jatropha

Développement d’une plantation de jatropha sur une surface de 2000 ha. Il y a ensuite une réduction

drastique de l’activité en raison d’une situation de « trappe financière » qui fait chuter l’activité et

l’emploi Exploitation industrielle

avec contrats de production

Soja

Modèle de type « nucleus estate » de production de soja avec une surface de production en propre

de 1500 ha et des contrats de production sur environ 1000 ha.

Agro-industrie de

plantation Jatropha/soja

Plantation de soja et modélisation d’une plantation de jatropha

Comme le démontre le tableau, nous n’avons pas fait un choix de travail sur uniquement un type de culture. Au contraire, nous avons choisi de développer ces modèles pour trois types de culture représentant une majorité de projets dans notre zone d’étude. Nous avons choisi d’intégrer la diversité des productions choisies par les investisseurs car les caractéristiques de celles-ci peuvent constituer dans certains cas des éléments discriminants pour un choix organisationnel. En choisissant uniquement un type de culture, nous n’aurions donc pas pu observer la diversité des projets ni pu comparer les créations d’emplois pour différents types de culture.

Nous avons utilisé ces modélisations issues d’études de cas pour simuler et analyser les performances techniques, économiques et financières des projets sur leur durée de vie. Suivant les travaux de Dufumier (1996), Campbell et Brown (2003) et plus récemment ceux de Cramb et Ferraro (2010), nous avons réalisé une évaluation financière ex ante des différents types de projet afin

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d’analyser certains critères liés à l’emploi ainsi qu’aux mécanismes de distribution de la valeur ajoutée créée par ces projets (Annexe 3).

Ce type d’analyse a été utilisé récemment par Cramb et Ferraro (2010) afin de comparer les résultats de plusieurs formes d’arrangements institutionnels existants dans la filière de l’huile de palme en Malaisie. Comme le soulignent les auteurs dans le cadre de leur analyse, « étant donné la forte variabilité des performances des différents types d’arrangements, il est difficile de faire des comparaisons pertinentes basées uniquement sur des données observées, voir même impossible dans le cas d’arrangements qui ne se sont pas encore matérialisés. Ainsi, l’approche a été de synthétiser un modèle réaliste de plantation de palmier à huile à grande échelle et de faire varier les paramètres clés caractérisant les arrangements institutionnels décris » (Cramb et Ferraro 2010, p4).

La situation actuelle des acquisitions foncières à grande échelle est assez semblable à celle décrite par Cramb et Ferraro dans le contexte du développement de l’huile de palme en Malaisie. L’utilisation d’une telle méthodologie d’analyse présente donc un certain nombre d’avantage dans notre objectif de compréhension des implications des acquisitions foncières à grande échelle sur l’évolution du capitalisme agraire au Mozambique :

La méthodologie proposée constitue un outil adapté aux conditions locales d’étude des acquisitions foncières à grande échelle. Dans notre zone d’étude, la plupart des investisseurs ont eu accès à la terre dans les six dernières années et la production n’a pu démarrer que récemment après la mise en place des infrastructures. Les données de production ne sont donc pas disponibles en tant que telles et chaque projet se situe à un stade de développement différent. Une évaluation économique de projet avec observations de la pleine production et comparaison avec un scénario de développement contrefactuel est donc assez difficilement réalisable. D’autant plus, aux vues de l’échec précoce d’un certain nombre de projets.

La modélisation économique sur des études de cas permet de comprendre l’organisation sociale au sein des projets et de dépasser les visions manichéennes sur les « gagnants » et les « perdants » de ces projets. Ce type de méthodologie permet d’étudier les modalités de distribution de la valeur

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ajoutée afin de comparer les parts qui vont à la compensation du travail, au capital (actionnaires et institutions financières), et à l’Etat via le paiement de plusieurs taxes, notamment foncières (Cochet et Merlet 2011).

Enfin, l’une des finalités de notre étude est de comprendre dans quelle mesure il existe des retours de ces projets pour les différentes catégories de populations locales. A l’aide de cette méthodologie il est possible d’analyser non seulement la quantité d’emplois créés au moment des enquêtes mais également les estimations de création et d’évolution des emplois sur la durée de vie des projets. Ces estimations construites nous permettent notamment de comprendre les logiques d’efficience financière des investisseurs. Enfin, au-delà de la quantité totale d’emplois créés, les enquêtes réalisées et la méthodologie adoptée permettent d’aborder la question des caractéristiques de ces emplois et de leur pérennité.

Nous avons donc opté pour une méthodologie de modélisation similaire à celle de Cramb et Ferraro (2010). Ainsi, nous avons été en mesure de reconstituer des modèles d’entreprise à partir des enquêtes réalisées sur certaines études de cas d’acquisitions foncières à grande échelle et d’en effectuer une analyse quantitative basée sur une évaluation financière de projet et sur l’étude de certains indicateurs tels que la répartition de la valeur ajoutée.

Tous ces modèles sont développés en utilisant le système de prix en vigueur au Mozambique en 2012. Certains prix ayant été donnés en US$ et d’autres en Meticals nous avons utilisé le taux de change moyen de 2012 entre les deux monnaies donné par la Banque Centrale Mozambicaine. Enfin, le taux d’actualisation retenu pour l’année 2012 était de 11%. Néanmoins, nous discuterons de cet aspect à la présentation des résultats, car les investisseurs ne sont pas tous soumis au même coût du capital.

Pour chacun des modèles construits, le bénéfice net actualisé (BNA) et le taux de retour sur investissement (TRI) sont calculés pour l’ensemble du projet en utilisant les prix du marché et sans tenir compte des aspects de répartition des bénéfices (Campbell et Brown 2003). Il s’agit donc d’une mesure relative d’efficience des projets sans prise en compte des arrangements financiers et des

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considérations de distribution. Cette analyse financière permet d’étudier la rentabilité de ces projets et d’appréhender les facteurs explicatifs du succès ou de l’échec des différents types d’exploitation. Nous porterons également une analyse de l’équité de ces différents projets en comparant pour chacun d’entre eux la répartition de la valeur ajoutée entre les différents acteurs pour la rémunération des facteurs de production, terre (au gouvernement via la taxe foncière), capital (à l’investisseur privé) et travail (travailleurs locaux, équipe de management, travailleurs étrangers)25.

Comme nous l’avons présenté auparavant, la typologie des investissements fonciers à grande échelle, qui a constitué l’étape préliminaire de notre travail, a été faite à partir des informations collectées sur un échantillon total de 37 projets. En revanche, il n’a pas été possible d’obtenir des informations complètes sur les coûts et bénéfices de production pour l’ensemble de ces 37 projets, mais uniquement sur 16 projets. La construction des modélisations économiques des modèles d’entreprise présentés dans le tableau 9 se base donc sur les informations obtenues des managers de ces 16 projets. Ces entretiens ont ensuite été complétés par des moments de discussion avec les techniciens en charge de certaines activités ainsi qu’avec les comptables des projets.

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