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Pour saisir les nuances économiques et institutionnelles des différentes composantes des investissements fonciers à grande échelle proposées dans le cadre théorique (chapitre II) et leurs liens avec les restructurations agraires, il nous faut des outils méthodologiques adaptés aux multiples facettes des projets. Pour cela nous avons choisi une approche micro-analytique d’études de cas réalisées à l’aide de différents types d’enquêtes. Cette approche méthodologique doit nous permettre

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de comprendre la nature des restructurations agraires locales engendrées par les projets ainsi que les évolutions à des niveaux plus globaux.

La démarche que nous adoptons ici est proche de celle présentée par Colin (2002, p5) pour l’analyse des contrats agraires, dans le sens où elle « pose comme objectif de recherche moins la production de théories « générales » que de modèles explicatifs « partiels », contextualisés. Par ailleurs et surtout, elle se veut « compréhensive », dans la tradition weberienne : comprendre les pratiques d’acteurs nécessite de prendre en compte la perception que ces derniers ont de leur situation et des options qui leur sont offertes (Simon 1986), leur vision du monde. Dès lors les logiques d’acteurs ne sont plus postulées, ou inférées à partir d’une analyse économétrique, mais sont objet direct d’investigation ». Cette orientation de recherche accorde donc une importance majeure au « rapport au terrain » et à la création d’information. Le matériau empirique ne peut se réduire à des séries statistiques ou à des données produites par le passage de questionnaires standardisés mais demande une combinaison de méthodes (questionnaires, guides d’entretien, entretiens informels, observation) qui renvoie à une pratique du terrain qui sort des pratiques dominantes de l’économie. C’est de cette manière que l’on peut ouvrir la « boîte noire », c’est à dire définir les logiques de fonctionnement des acteurs et « défricher » ce phénomène qui nécessite encore d’être défini. La mise en place de l’étude nécessite donc des entretiens prolongés avec les acteurs impliqués dans les projets sur les différents objets de la recherche que sont les modalités d’accès au foncier et la structuration des modèles d’entreprise. Pour chacun de ces objets d’analyse, une combinaison de méthodes d’accès à l’information auprès de l’ensemble des acteurs impliqués dans la mise en place et le développement de ces projets (investisseurs, managers, représentants des différents organismes d’Etat, membres des communautés locales, agriculteurs locaux, etc.) (encadré 6).

Encadré 6: Déroulement de l’ensemble des travaux de terrain

Cette période inclue la phase de prise de contacts sur place, la collecte des informations disponibles et la définition de l’échantillon de projets à enquêter. En raison de la sensibilité du sujet, qui est liée au manque de transparence et à la mauvaise opinion publique autour de certains projets, l’accès à l’information est souvent complexe.

Ainsi, nous avons bâti notre recherche sur un travail de terrain prolongé (12 mois), réparti en deux périodes distinctes. La première période a été réalisée durant cinq mois au court de la première année de thèse et la seconde a eu lieu durant sept mois dans le cours de la deuxième année de thèse. Ce

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découpage du travail de terrain en deux sessions d’assez longues durées nous a permis de capitaliser sur l’aspect exploratoire de la première session afin de construire notre méthodologie d’analyse des projets. Nous avons donc réalisé notre travail par étapes pour les trois facettes de notre analyse: i) comprendre la diversité des formes de capital agraires développées dans le cadre des acquisitions foncières à grande échelle; ii) analyser la question de l’emploi et des relations entre les projets et les agriculteurs mozambicains locaux; et iii) comprendre le lien entre le développement de ces projets et la gouvernance foncière nationale et locale. La réalisation des travaux de terrain sur deux périodes distinctes a également permis de refaire plusieurs entretiens avec la plupart des investisseurs afin de compléter les informations obtenues, questionner les logiques d’action au fil de la compréhension des processus en place et analyser l’évolution des projets. Ensuite, l’ensemble des informations obtenues durant la première session de terrain nous a permis d’élaborer des questionnaires fermés soumis aux investisseurs concernant les coûts et bénéfices obtenus et attendus de leurs projets.

Concernant la prise de contact avec les investisseurs, tout un travail de préparation a dû être réalisé en amont. En effet, en raison de la structure de ces projets, il ne suffit pas d’aller sur le site de l’exploitation pour pouvoir rencontrer les personnes en charge et obtenir une autorisation pour la réalisation des enquêtes. Ceci étant dit, la réalisation d’une étude pour la Southern African Confederation of Agricultural Union (SACAU) et pour le NEPAD avec l’Université de Pretoria a permis d’obtenir une liste d’investisseurs Sud-Africains implantés au Mozambique. Ces derniers ont ensuite facilité la prise de contact avec les autres investisseurs établis, notamment dans le corridor de Beira. D’autres personnes ressources ont également été d’une aide précieuse dans la localisation des projets et l’obtention de contacts investisseurs.

Enfin, l’autre partie de l’analyse nécessitait la réalisation d’enquêtes de type « focus group » avec des membres de « communautés locales » ayant participé aux négociations avec les investisseurs pour l’accès au foncier. Ainsi dans chacune des trois zones d’étude nous avons travaillé en collaboration avec des techniciens d’ONG implantées localement et disposant d’une très bonne connaissance des problématiques. Dans la province de Sofala, nous avons travaillé avec les représentants de l’ONG ORAM qui réalisent un soutien aux communautés locales dans le cadre des processus de délimitation des communautés locales. Dans la province de Manica, nous avons travaillé avec un technicien de l’ONG Magariro. Ces deux organisations de la société civiles étaient également impliquées dans la mise en place du projet Pro Parcerias auquel nous étions institutionnellement rattachés. Enfin dans la zone de Gurué, ce sont les représentants de l’ONG américaine Technoserve

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qui nous ont permis d’entrer en contact avec les représentants des associations de producteurs de soja qui ont ensuite facilité nos enquêtes. En effet, après leur avoir fourni la liste des personnes que je souhaitais interroger ils ont facilité l’organisation des entretiens et le secrétaire de l’association a servi de traducteur lorsque c’était nécessaire.

Figure 17: Liens entre le cadre conceptuel, les ancrages théoriques et les objets d'étude

La figure 17 ci-dessus montre les liens existants entre le cadre conceptuel que nous avons défini, les choix d’ancrage théorique et les éléments que nous devons mesurer sur le terrain afin de pouvoir répondre aux hypothèses de recherche que nous avons élaborées. Aux trois ancrages

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théoriques pour lesquels nous avons optés correspondent trois groupes d’objets de recherche sur lesquels nous nous sommes penchés. Le premier groupe concerne la diversité des investissements fonciers à grande échelle et le statut de ces projets. Ensuite, le second groupe relève des modalités d’accès au foncier utilisées par les investisseurs et les implications qu’ont celles-ci sur la gouvernance foncière. Enfin, le troisième groupe d’objets de recherche concerne différents indicateurs de restructurations agraires potentiellement engendrées par les projets.

A - Acquisitions foncières et diversité du « capital agraire »: une

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