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La fin des Compagnies dans les années 1930 et la volonté de développer une agriculture familiale avec des colons et une classe

A - Période coloniale : des concessions d’exploration à la colonisation de peuplement

Encadré 5: Le développement des plantations sucrières dans la zone centrale du pays

2) La fin des Compagnies dans les années 1930 et la volonté de développer une agriculture familiale avec des colons et une classe

Dans le reste du territoire, l’Etat colonial portugais s’évertuait à créer un Etat avec la mise en place d’un statut de la colonie. Ainsi, en 1901, une loi fut promulguée déclarant toute terre non occupée comme domaine de l’Etat. Cette loi marquait l’instauration de la domanialité de la terre qui restera un principe de base des lois foncières, jusqu’à aujourd’hui. L’administration coloniale attribuait de la même façon des concessions à des entreprises souhaitant établir des plantations dans le cadre de sa stratégie économique de gain de devises via les taxes payées principalement par l’Afrique du Sud et la Rhodésie pour l’utilisation de la force de travail et des infrastructures (ports et voies de chemin de fer).

A la suite de ces quatre changements économiques majeurs, une dissociation en trois zones agricoles aux caractéristiques différentes eut lieu. Au sud, la zone qui comprenait la capitale du pays présentait les signes d’un début de développement industriel. La population et l’économie était fortement influencée par les schémas de migration de travail vers l’Afrique du Sud (Mercandalli 2013). Dans les districts de Mozambique et Quelimane (zone centrale du pays), l’économie était structurée autour du développement de l’agriculture de plantation tandis que le Nord était encore une zone très peu développée économiquement.

2) La fin des Compagnies dans les années 1930 et la volonté de

développer une agriculture familiale avec des colons et une classe

émergente d’agriculteurs africains

A son arrivée à la tête de l’Etat portugais au début des années 1930, Salazar a fondé sa stratégie économique sur un objectif de développement autofinancé de l’économie portugaise et d’une libération des colonies de la domination des entreprises étrangères détentrices de concessions. Cette politique passait par un contrôle, voir une planification, de l’ensemble des activités visant à réduire la dette, contrôler la balance des paiements et favoriser les liens entre le Portugal et ses colonies. Les colonies devaient ainsi tenir le rôle de fournisseur de matières premières et de productions alimentaires à l’économie portugaise.

Mathieu Boche –Thèse Université Paris Sud, UMR Art ’Dev – CIRAD – 2014 116 L’une des premières mesures fut donc de mettre fin aux droits administratifs et quasi souverains des compagnies concessionnaires et de faire du Mozambique une seule entité légale, rattachée au Portugal, avec un objectif planifié d’augmenter la production de cultures tropicales. Cette politique devint la pièce centrale de la planification économique portugaise au Mozambique jusque dans les années 1960 (Pitcher 1991). La fin du système des concessions eu une influence importante sur le développement économique du Mozambique. Les compagnies ayant gérées des concessions depuis la fin du XIXème siècle agissaient en tant que seigneurs féodaux, tirant leurs profits du contrôle direct et de la taxation du travail, de la possession d’un monopole commercial et d’un droit de louer des parties de concessions (Newitt 1995). En revanche, ces stratégies étaient parfois purement rentières et certaines compagnies n’avaient réalisées aucun investissements ni établi d’entreprises productives. La fin du système de concession fut donc l’occasion pour l’Etat colonial d’écarter les investisseurs étrangers dont l’objectif était uniquement rentier et de ne conserver que les entreprises étrangères ayant réalisé des investissements productifs significatifs. Cette stratégie entraina une réduction drastique du nombre d’entreprises étrangères contrôlant des terres agricoles dans le pays afin de ne conserver que les plus grandes (la compagnie sucrière de Sena, Boror et Madal étant les plus grandes).

Comme le décrit Newitt (1995, p467), l’Etat portugais avait décidé que « l’Afrique avait besoin d’une agriculture familiale florissante et non plus d’investissements massifs dans des plantations et industries avec un fort niveau de capital ». Ce raisonnement a poussé l’Etat Portugais à appliquer deux types de mesures afin de favoriser le développement d’une classe de d’agriculteurs familiaux portugais ainsi qu’une classe émergente d’agriculteurs africains.

La première de ces mesures fut le développement d’une nouvelle stratégie de diversification des cultures, au-delà de celles traditionnellement produites dans les grandes plantations (sucre, cacao, café). Les deux cultures choisies ont été le coton et le riz. Le développement de ces cultures devait se faire en obligeant l’ensemble des agriculteurs mozambicains à produire l’une ou l’autre de ces deux cultures selon des critères géographique (Isaacman 1985). L’Etat portugais établit un système de prix d’achat garantit, et instaura l’établissement de quotas de production au niveau de chaque village et l’octroi de monopoles sur certaines zones à des entreprises agricoles pour l’achat des productions des agriculteurs africains. Ces zones étaient très majoritairement situées au nord de la vallée du Zambèze et jusque dans le district de Nyassa. Ces entreprises avaient le champ libre pour promouvoir les cultures de coton et de riz auprès des communautés de paysans africains. Celles-ci avaient ensuite l’obligation de revendre ce coton à des industries portugaises de textile. Cette stratégie d’établissement de contrats de commercialisation forcés permit d’établir en une décennie une production de coton suffisante à l’ensemble de l’industrie textile portugaise (Pitcher 1991). Les résultats furent similaires

Mathieu Boche –Thèse Université Paris Sud, UMR Art ’Dev – CIRAD – 2014 117 pour la production rizicole, le pays passa en quinze ans du statut d’importateur structurel de riz à celui de modeste exportateur (Newitt 1995). Cependant, l’évolution de la production de riz est quelque peu différente de celle du coton car elle s’explique, dans une proportion importante, par l’implication croissante d’autres agriculteurs étrangers, les colons portugais, qui prenaient à cette époque un rôle de plus en plus important dans l’économie du Mozambique (Vail et White 1980).

La seconde mesure majeure de politique agricole de cette période fut de favoriser l’établissement de familles d’agriculteurs portugaises au Mozambique sur des zones disposant d’infrastructures d’irrigation. Ainsi plusieurs zones disposant de systèmes d’irrigation, dénommées « colonatos », furent établies dans le pays (le long des fleuves Limpopo et Incomati) et des droits fonciers furent attribués aux migrants portugais. Dans le cadre de la politique de « colonisation de peuplement » prônée par Salazar, l’Etat Portugais finançait le voyage des migrants, leur fournissait un soutien financier en plus des droits fonciers dans ces zones disposant de structures d’irrigation. Vers 1940 seulement uniquement 27 000 portugais étaient installés, mais ce nombre augmenta pour atteindre 225 000 au cours des 30 années suivantes (Jackson et Lyster 1990).

Ces modifications de politique économique envisagée par l’Etat colonial pour le Mozambique a mené à la structuration d’un secteur agricole autour de trois grandes catégories de structures de production, les grandes plantations, les exploitations de migrants et les exploitations d’agriculteurs familiaux africains (Wuyts 1981).

Wuyts (1981) et Munslow (1984) estiment qu’à la fin de la période coloniale, 55% du total de la production agricole était alloué à la subsistance des familles paysannes, le reste était commercialisé de façon proportionnelle par les plantations, colons et paysans. Les estimations de (Wuyts 1981) sur les schémas de production régionaux montrent la forte présence des structures de plantation dans la zone centrale du pays. Trois zones distinctes ont donc émergé durant cette période coloniale : une économie paysanne prédominante dans le nord où le coton était produit pour la vente, une économie de plantation dans le centre et une réserve de travail pour la migration dans le sud (tableau 3).

Mathieu Boche –Thèse Université Paris Sud, UMR Art ’Dev – CIRAD – 2014

Tableau 3: Structure de l'économie rurale coloniale au début des années 1970, Mozambique

Région Plantations Settler Farms Peasantry Dominant Aspects of Rural

Economic Historical Dvelopment

(1) Marketed Output (2) Own

Consumption (3) Sale of labour A. The North (Cabo Delgado, Niassa and Nampula) Sisal (67%) [2%] Cotton (17%) Tobacco (50%) [12%] Cashew (78%) Cotton (37%) Food crops (see 2)

[26%]

Cassava (67%) Groundnuts (56%) (also sorghum, milet and maize)

[60%]

Seasonal labour to local plantations and settler farms, and also to plantations in Tanzania

Cash cropping peasantry (in part under forced cultivation). Later, accelerated development of settler cotton farms B. The Centre

(Zambezia, Manica, Sofala and Tete) Sugar (73%) Copra (69%) Tea (100%) Sisal (33%) [28%] Potatoes (67%) Tobacco (27%) (also maize, cotton and vegetables)

[11%]

Cotton (28%) Cashew (9%) Food crops (see 2)

[9%]

Rice (28%) Maize (64%) Groundnuts (17%) Cassava (25%) (and other minor crops)

[48%]

Seasonal labour to plantations, and (particularly in Tete and Manica) contract labour to Zimbabwe and Malawi

Plantation economy in Zambezi Valley, relying on the peasantry for labour and marketed food

C. The South

(Maputo, Gaza and Inhambane) Sugar (27%) [2%] Rice (56%) Potatoes (32%) (vegetables and wheat) [39%] Cashew (13%) Food crops (see 2) [10%]

Maize (16%) Groundnuts (27%) Cassava (8%) [49%]

At any time, 20 to 30% of male adult peasants were out working in South African mines on contract periods of, on average, 11/2 years each. Seasonal and casual labour to settler farms

Labour reserve for South African mining industry and (settler-farm based) granary to feed the towns

Country [15%] [15%] [15%] [55%]

Source: Wuyts (1978)

Notes: 1. Pourcentages entre crochets renseigne la proportion de la production nationale que représentent chacune des cultures 2. Pourcentages entre crochets (au bas des cellules) représentent la proportion au niveau régional

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B - Transformation de l’économie rurale de la région mais maintien de

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