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Stratégies nutritionnelles de lutte contre la NAFLD

II. P HYSIOPATHOLOGIE DE LA NAFLD

3. Stratégies nutritionnelles de lutte contre la NAFLD

Au travers de l’ensemble des travaux de recherche, il apparait que la physiopathologie de la NAFLD est complexe, multifactorielle, et que les mécanismes moléculaires impliqués dans sa pathogenèse ne sont pas entièrement compris, rendant difficile sa prise en charge.

Au delà des interventions hygiéno-diététiques classiques (régime hypocalorique limité en graisses et en saccharose associé à la pratique d'une activité physique), des stratégies nutritionnelles préventives ou thérapeutiques spécifiques à la NAFLD commencent à émerger. Pour ne citer que les exemples de pistes de recherche les plus prometteuses, et de façon non exhaustive, on peut évoquer l’utilisation d’oméga 3, de protéines et d’acides aminés, de probiotiques et d’antioxydants (Fan and Cao 2013; Oliveira et al. 2015). Cependant ces travaux sont relativement récents et de ce fait aucun consensus n’a été établi à ce jour quant à leur degré d’efficacité et aux doses à recommander chez l’Homme (Oliveira et al. 2015).

Comme précédemment évoqué, la composition en acides gras des lipides consommés joue un rôle important dans le développement de la NAFLD, notamment un excès en acides gras saturés, et un apport déséquilibré en acides gras polyinsaturés omega 6 et omega 3 avec un rapport nettement supérieur (de 10/1 à 20/1) à celui recommandé (5/1) (Fan and Cao 2013; Fardet and Chardigny 2013). Le rapport omega 6 / omega 3 des lipides du foie s’en trouve lui aussi augmenté chez les patients NAFLD (Fardet and Chardigny 2013) favorisant, via les acides gras omega 6, la production de lipides aux détriments de la β-oxydation et de la sécrétion. Les acides gras oméga 3 à longue chaîne (acide eicosapentaénoïque ou EPA et acide docosahexaénoïque ou DHA) sont connus pour diminuer la synthèse des lipides par l’entérocyte et par l’hépatocyte chez l’Homme (Harris et al. 1988), et l’idée d’une supplémentation en oméga 3 constitue donc une approche nutritionnelle intéressante de lutte contre la NAFLD (Fardet and Chardigny 2013; Scorletti and Byrne 2013). La supplémentation en EPA (1 g ou 2,7 g/j sur 12 mois) permet de diminuer la stéatose hépatique chez le patient, comme la supplémentation en EPA+DHA (2 à 6 g/j sur 6 mois) qui améliore aussi le niveau d'ALT (Scorletti and Byrne 2013). Une méta-analyse publiée récemment (9 études et 355 patients) confirme que la supplémentation en oméga 3 (de 0,8 à 14 g/jour d’EPA+DHA sous forme d’huiles de poisson, pendant 8 semaines à 12 mois) permet d’améliorer la NAFLD principalement via la diminution du taux de lipides hépatiques (Parker et al. 2012). L'ensemble des données expérimentales obtenues chez le rongeur montrent que

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les acides gras omega 3 à longue chaîne favorisent, entre autres, la dégradation des acides gras via la β-oxydation (activation de l’expression des PPARs et des enzymes impliquées dans l’oxydation) et l'excrétion de cholestérol par voie biliaire, et diminuent la lipogenèse hépatique (inhibition de l’expression de SREBP1 et de différentes enzymes lipogéniques) ainsi que l'inflammation du tissu adipeux réduisant ainsi la libération de cytokines pro-inflammatoires dans la circulation sanguine (Scorletti and Byrne 2013; Fardet and Chardigny 2013).

D’autre part, l’utilisation d’un régime alimentaire hypocalorique et riche en protéines (35% de l'énergie totale) pendant 75 jours permet de diminuer le ratio AST/ALT chez des patients atteints de NAFLD et d’augmenter la teneur plasmatique en HDL-cholestérol (Bezerra Duarte et al. 2014). Une très récente étude réalisée chez le rat a mis en évidence l'impact bénéfique de la supplémentation d'un mélange d'acides aminés non-essentiel (alanine, glycine, proline, aspartate, histidine et sérine) et d'un acide aminé seul, la citrulline (1g/kg de poids corporel/j/pendant 8 semaines) sur la NAFLD induite par un régime enrichi en fructose (60%) (Jegatheesan et al. 2015). Cette amélioration de la NAFLD était marquée par une baisse du taux de TG hépatique, via une diminution de la transcription des gènes de la lipogenèse (diminution de FAS via baisse expression SREBP1c et CHREBP) et une augmentation de la transcription des gènes de la β-oxydation (via augmentation expression de PPAR-α), une diminution du taux d'ALT, de glucose et de TG plasmatiques ainsi qu'une amélioration de l'insulino-résistance (baisse de l'HOMA-IR). Une autre étude réalisée chez la souris a montré que la supplémentation en glutamine (2,1g/kg de poids corporel/jour pendant 6 semaines) permettait de diminuer l’inflammation hépatique induite par une régime hypercalorique (25% de l’énergie totale sous forme de lipides, 60% sous forme de glucides et 15% sous forme de protéines, avec un apport de 50% de fructose) (Sellmann et al. 2015). Cette diminution de l'inflammation était marquée par une baisse des cytokines pro-inflammatoires hépatiques (IL-6, PAI, TNF-α) conduisant à une diminution de la peroxydation lipidique et une diminution de l'activation de la forme inductible de l'oxyde nitrique synthase (iNOS) impliquée dans la réponse inflammatoire. Dans cette étude, la glutamine n'a pas eu d'impact sur la diminution du taux protéique d'occludines au niveau de la barrière intestinale, ni sur le taux plasmatique d'endotoxines. Dans une autre étude réalisée chez la souris, la supplémentation en tryptophane (0,4g/kg de poids corporel/j pendant 8 semaines) améliorait la stéatose hépatique suite à une baisse de l'accumulation de lipides totaux et des triglycérides hépatiques, parallèlement à la prévention de la baisse du taux protéique d'occludines dans le duodénum induite par le régime

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enrichi en fructose (30%), ainsi qu'une diminution du taux de LPS plasmatique (Ritze et al. 2014). Ces études mettent en évidence l'action des protéines et des acides aminés à différents niveaux de l'organisme concourant à un impact bénéfique sur la NAFLD.

Comme indiqué plus haut, l’axe microbiote intestinal-foie devient une piste majeure d’étude dans la compréhension de la pathogénèse des NAFLD (Miura and Ohnishi 2014). De ce fait des stratégies de supplémentation en probiotiques (bactéries ou levures vivantes bénéfiques pour l’hôte) visant à rétablir l’équilibre du microbiote intestinal ont été envisagées (Alisi et al. 2014; Iacono et al. 2011; Miura and Ohnishi 2014; Wong et al. 2013). Plusieurs études ont été conduites chez le rongeur (souris ou rat) avec soit un mélange de probiotiques (VSL#3 : 8 souches de bactéries incluant des lactobacilles et des bifidobactéries), soit une souche unique (Lactobacillus rhamnosus, Lactobacillus plantarum, Lactobacillus

acidophilus, Lactobacillus casei, Bifidobacterium lactis, Bacillus polyfermenticus) à des doses variant de 106 à 1011cfu/animal/jour pendant 4 à 9 semaines. Les différents effets observés concernent une amélioration de la fonction de la barrière intestinale, une diminution de l’endotoxémie, et plusieurs types d’améliorations au niveau du foie (réduction voire résolution de la stéatose, amélioration de la fibrose, réduction du stress oxydant et de la peroxydation lipidique, atténuation de l’inflammation et de l’insulino-résistance, amélioration du taux d’ALT plasmatique) (Iacono et al., 2011; Miura & Ohnishi 2014). Le bénéfice d’une telle stratégie a aussi été rapporté chez le sujet atteint de NAFLD (Alisi et al. 2014; Wong et al. 2013). En effet chez des enfants obèses, présentant une NAFLD de modérée à sévère, la supplémentation avec VSL#3 pendant 4 mois contre placebo diminue significativement la sévérité de l’atteinte hépatique examinée par échographie et biopsie (Alisi et al. 2014). Chez des adultes atteints de NASH, une supplémentation avec un mélange de probiotiques (Lactobacillus plantarum, Lactobacillus acidophilus, Lactobacillus rhamnosus, Lactobacillus

delbrueckii ssp bulgaricus, Bifidobacterium bifidum, 2x108cfu/jour) pendant 6 mois a permis de réduire le contenu intra-hépatique en triglycérides, déterminé via l’imagerie par résonance magnétique du proton, en association avec une correction de la dysbiose du microbiote intestinal (diminution des Firmicutes et augmentation des Bacteroidetes) (Wong et al. 2013).

Le stress oxydant joue un rôle majeur dans le développement de la NAFLD, et de façon logique des stratégies nutritionnelles de supplémentation en antioxydants ont également été étudiées. La vitamine E (α-tocophérol), molécule antioxydante reconnue, diminue la stéatose hépatique, l’inflammation et le taux d’ALT mais reste sans effet sur la fibrose hépatique.

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Les résultats des études cliniques restent cependant encore très hétérogènes (Le and Loomba 2012). L’organisation américaine de gastro-entérologie recommande néanmoins la consommation de 800 UI de vitamine E par jour chez les personnes atteintes de NAFLD non-diabétiques mais pas chez les personnes NAFLD non-diabétiques, aucune étude clinique n'ayant rapporté l'efficacité de la vitamine E dans cette dernière population (Chalasani et al. 2012). D’autre part, la consommation de polyphénols, reconnus comme de puissants antioxydants, particulièrement présents dans le thé mais également dans le café, les fruits et les légumes, le vin rouge, permet de lutter contre le développement de la stéatose et l’inflammation hépatique (Oliveira et al. 2015; Sakata et al. 2013).

Parmi les différentes stratégies nutritionnelles prometteuses envisageables, les travaux de cette thèse ont porté sur l'impact des propriétés antioxydantes du thé, et notamment de ses polyphénols, sur la NAFLD. L'ensemble des mécanismes impliqués dans cette protection seront développés dans le chapitre suivant.

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