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Devenir des composés phénoliques de thé dans l’organisme

1. Camellia sinensis

1.3. Devenir des composés phénoliques de thé dans l’organisme

Afin de comprendre l’impact du thé sur la NAFLD, il est nécessaire de connaître le devenir (biodisponibilité et métabolisme) de ses principales molécules bioactives ainsi que les facteurs influençant ces mécanismes. Les études de biodisponibilité s’intéressent principalement aux molécules majoritaires des thés fermentés et non fermentés, les catéchines et les théaflavines ainsi qu’à leurs métabolites (flavan-3-ols conjugués). La concentration de ces molécules dans la circulation sanguine et au niveau hépatique va dépendre de leur absorption au niveau du tractus digestif et des modifications chimiques qui interviennent durant leur métabolisme (Lewandowska et al., 2013). Une représentation schématique de l’absorption, du métabolisme des composés phénoliques et des concentrations plasmatique et hépatique est proposée en Figure 14.

1.3.1. Absorption intestinale

Chez l’Homme, la concentration plasmatique maximale des polyphénols de thé et notamment celle des flavonoïdes (catéchines et théaflavines) est atteinte environ 2h après ingestion ce qui indique une absorption intestinale des molécules (Clifford et al., 2013). Les flavonoïdes sont généralement glycosylés ce qui limite leur diffusion passive à travers la paroi intestinale (Kay, 2006). Les mécanismes d’absorption des flavonoïdes n’ont pas encore été clairement établis, et la diffusion passive des flavonoïdes glycosylés reste très controversée à ce jour. Suite à quelques études publiées, il est suggéré que i) soit les flavonoïdes glycosylés sont transportés tels quels à travers la membrane apicale via un sodium-glucose co-transporter (SGLT), ii) soit l’unité glucidique est clivée par l’enzyme lactase phlorizin hydrolase (LPH) et le flavonoïde aglycone peut alors traverser la membrane par diffusion passive (Kay, 2006). Au sein des entérocytes, l’unité glucidique peut également être clivée par l’enzyme cytosolique β-glucosidase (CBG) (Hollman et al., 1999; Kay, 2006). L’absorption intestinale des flavonoïdes de haut poids moléculaires, tels que les théaflavines des thés fermentés, est très limitée (Scalbert et al., 2002). Les flavonoïdes non absorbés au niveau de l’intestin grêle, ou ceux qui sont absorbés, métabolisés par le foie puis excrétés dans l’intestin via la bile, telles que les catéchines, vont atteindre le gros intestin. Ils sont alors métabolisés par le microbiote colique produisant des composés plus simples comme des acides phénoliques qui seront absorbés (Sang et al., 2011; Scalbert and Williamson, 2000).

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Il a par exemple été montré chez la souris que la théaflavine-3-3’-gallate était dégradée par le microbiote du côlon pour former de l’acide gallique, de la théaflavine et de la théaflavine mono-gallate (H. Chen et al., 2012). A noter cependant qu'aucune étude n'indique le pourcentage d'absorption intestinale des polyphénols.

1.3.2. Métabolisme et élimination

Au sein des entérocytes, les flavanoïdes subissent des réactions de conjugaison, principalement de glucuronidation par l’enzyme uridine 5’-diphospho glucuronosyltransférase (UDPGT) avant d’entrer dans la circulation systémique. Des réactions de méthylation et de sulfation ont également lieu et sont régulées par les enzymes catéchol-O-méthytransférase (COMT) et phénolsulfotransférase (SULT) (Kuhnle et al., 2000; Kay, 2006; Lewandowska et al., 2013). Les composés conjugués se retrouvent généralement en quantité supérieure (~30%) dans le plasma et les urines par rapport à leur forme libre (<1%) (Meng et al., 2001; Lee et al., 2002; Stalmach et al., 2009) (Figure 14). Les produits conjugués et les formes libres absorbés au niveau du tractus digestif, sont transportés via la veine porte et sont captés par le foie. Ils y subissent également des réactions de glucuronidation et/ou sulfatation et/ou méthylation par les enzymes UDPGT, SULT et COMT, respectivement (Piskula and Terao, 1998). Les mêmes réactions de conjugaisons sont retrouvées au niveau des reins (Liang et al., 2014) (Figure 14). Le principal rôle de ces réactions de conjugaisons est de limiter l'action biochimique des composés et de faciliter leur élimination via la bile et l'urine (Lewandowska et al., 2013). Les formes libres et conjuguées des flavonoïdes sont toutes excrétées par voie urinaire ou par excrétion biliaire 8h après l’ingestion (Manach et al., 2005).

1.3.3. Concentration plasmatique

Chez l’Homme, les catéchines et les théaflavines atteignent une concentration maximale plasmatique en 2 à 3h après l’administration de thé sous forme d’infusion ou de complément alimentaire. D’une manière générale, la concentration maximale de flavonoïdes (toutes molécules confondues) dans le plasma excède rarement 1 µM après consommation de 10 à 100 mg d’un composé seul (Scalbert and Williamson, 2000). De manière plus spécifique, les formes conjuguées des catéchines (glucuronidées, sulfatées ou méthylées) se retrouvent généralement en quantité supérieure dans le plasma et les urines (>95%) par rapport à leur forme libre (Williamson and Manach, 2005).

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Bien que les thés fermentés représentent 80% de la consommation mondiale de thé, les études de biodisponibilité des théaflavines, sont peu nombreuses. Une étude réalisée en 2001 chez une femme et un homme adultes sains montre une teneur maximale plasmatique en théaflavines de 0,5 et 1 µg/L, respectivement, et de 0,6 et 4,2 µg/L dans les urines (2h après l’ingestion), respectivement, après ingestion de 700 mg de théaflavines (équivalent d’environ 30 tasses de thé noir) (Mulder et al., 2001). Cependant, le dosage des théaflavines sous forme libre dans le plasma ne permet pas de statuer sur le devenir de ces molécules qui sont fortement métabolisées par le microbiote du côlon comme indiqué précédemment. Chez le modèle murin, il a été rapporté des concentrations de catéchines dans le plasma de l’ordre de 10 µM (Chen et al., 1997; Kim et al., 2000; Lambert et al., 2006; Piskula and Terao, 1998).

1.3.4. Concentration hépatique

D’après une étude réalisée chez le rat, les concentrations hépatiques des catéchines, ici d’EGCG, d’EC et d’EGC sous forme libre sont de 50,2, 43,5 et 20,8 ng/g de tissu, respectivement, suite à une consommation chronique de thé vert (ad libitum) durant 30 jours (Kim et al., 2000). D’après une autre étude réalisée chez la souris, au niveau hépatique les catéchines (EGC, EC, EGCG et ECG) sont en quantité supérieure sous forme conjuguées (en moyenne environ 50 ng/g foie) par rapport à leur forme libre (en moyenne environ 7 ng/g foie) (Henning et al., 2006). En revanche, les théaflavines (T, T3G, T3’G et T33’G) sont en quantité légèrement supérieure sous forme libre (en moyenne environ 100 ng/g foie) que sous forme conjuguée (en moyenne environ 75 ng/g foie) (Henning et al., 2006). Ces résultats suggèrent que la concentration des catéchines et des théaflavines sous forme libre ou conjuguée est de l’ordre de la centaine de nanogrammes par gramme de foie. Cependant, une étude menée chez le rat a permis de détecter 23 et 7 métabolites différents de catéchines dans le plasma et le foie, respectivement, suggérant une sous-estimation de la quantité des molécules dont seules la forme libre et certaines formes conjuguées sont généralement dosées (Liang et al., 2014).

Page 58 Excrétion biliaire E st o m a c

Enterocytes Veine porte Foie Vaisseaux sanguins Autres Tissus Rein Cellule du colon Urine Selles

ABSORPTION MÉTABOLISME ET CONCENTRATION PLASMATIQUE ET HÉPATIQUE

ÉLIMINATION Catéchines Catéchines Glu Sulf Théaflavines c Meth Glu Théaflavines Métabolites du microbiote Microflore du colon Acide phénolique Théaflavines c Catechins Glu Catéchines Glu Catéchines Glu Cmax≈ µM In te st in g le C o lo n Catéchines Catéchines UDPGT COMT SULT Glu C-forme libre Gly CatéchinesGly SGLT LPH CBG Flavonoïdes alimentaires Catéchines,Théaflavines ≈100mg

UDPGT, COMT, SULT

Théaflavines ~1% formes libres ~30% conjuguées Catéchines C-forme libre T-forme libre Acide phénolique C ≈ ng/g

Figure 14. Métabolisme et biodisponibilité des polyphénols de thé dans l'organisme

CBG: cytosolic β-glucosidase; Cmax: Concentration maximale; COMT: catéchol-O-methytransférase ; Glu : Glucuronidé; Gly: Glycosylé; LPH: lactase phlorizin hydrolase; Meth: Méthylé; SGLT: sodium-glucose co-transporter; Sulf: Sulfaté; SULT: phenolsulfotransferase; T-forme libre: Théaflavine forme libre; UDPGT: uridine 5’-diphospho glucuronosyltransferase.

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