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Chapitre 3 La base de ressources, les stratégies d’interaction et les réponses initiales

C. Les différentes stratégies d’interaction

Du point de vue d’un acteur, maintenir ou augmenter sa capacité de pilotage dépend en partie de sa capacité de gérer la complexité confrontée dans son environnement, c’est à dire sa capacité de gérer l’incertitude et les possibilités de conflit générées par les autres organisations.

Les stratégies d’acteurs peuvent être extrêmement variées, et la nature des stratégies dépend de chaque situation, qui peut donner lieu à une configuration spécifique d’interactions, selon la base de ressources de l’acteur, la nature du problème, le type et la capacité de réaction des acteurs impliqués, leurs intérêts (directs ou diffus157) face au problème, les respectives bases de ressources et les

savoir-faire qui y sont associés (par exemple savoir identifier les autres acteurs pertinents dans une situation donnée, la nature de leurs projets et leur capacité relative d’intervention).

Les acteurs utilisent leurs bases de ressources aussi bien pour construire le consensus que pour entrer en conflit (Amitai Etzioni, 1968, p.318; J.A de Bruijn, E.F. ten Heuvelhof, 1991, p.53). Pour ce faire, les acteurs développent généralement une combinaison des suivantes stratégies d’interaction : la

coopération volontaire basée sur l’adhésion; l’incorporation (plus ou moins

volontaire), basée sur le consensus; la neutralité; et le conflit, qui peut prendre des formes politiques ou violentes (voir entre autres Russell Ackoff, Fred Emery, 1972, p. 196; J.A de Bruijn, E.F. ten Heuvelhof, 1991, p. 48-52). A noter que, plus un acteur doit utiliser la force, en particulier la force aliénante, plus il deviendra

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Entre de nombreux travaux qui soulignent l'importance de la réflexion stratégique : du point de vue militaire : von Klausewitz, 1983 et la perspective radicalement différente de Sun Tzu (-500, 1972); du point de vue du raisonnement géopolitique : Strausz-Hupé (1945), Lacoste (1985 -orig.1976); ) dans le champ de la planification des entreprises : Ackoff (1974, 1981, 1989) , Beer (1982, 1975, 1979), Koenig (1990), Godet (1985,1991), Genelot (1992), Mintzberg, 1986, 1990, 1994); dans le champ de la planification publique : Matus (1972, 1987a, 1987b, 1989, 1992), et Friedmann (1981 -orig.1973, Benveniste (1989), Bozeman et Straussman, 1990; dans le champ de la philosophie : Sartre (1943) et Habermas (1987).

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Sur la différence essentielle entre intérêts directs et intérêts diffus voir : La planification en crises, 1987, p. 115.

prisonnier de l’engrenage de la force. Ce fait fondamental contribue à rendre plus prévisible le comportement de cet acteur et réduit considérablement sa capacité de créer de l´incertitude et de régénérer aussi bien du pouvoir que de la légitimité :

“Hence, most societal actors must choose not between getting things done voluntarily or through the exercise of power, or between exercising power or not getting things done, but rather among varying degrees and kinds of power to apply. A societal unit is more active the lower the intensity of the application of power, the more societal action is based on authentic consensus, and the less alienating the kinds of power used.” (Amitai Etzioni, 1968, p. 321).

Par ses actions, l’organisation tend à renforcer sa propre capacité d’interaction et à défendre ses objectifs propres ainsi que ceux de ses alliés. De même l’organisation cherchera à assurer la neutralité des acteurs qui ne sont ni alliés ni hostiles, et à limiter ou à réduire la capacité d’interaction des acteurs avec lesquels se sont développées des relations de conflit ouvert.

Les conflits peuvent être de nature politique (c’est là que prend toute sa signification le développement de l’analyse géopolitique civile) ou prendre un caractère violent (géopolitique militaire) (van Vliet, 1989, 1990; voir aussi Habermas, 1987). Ils génèrent souvent des crises et peuvent dégénérer en situation d’adversité158.

La typologie des stratégies et tactiques de conflit de nature violent a été amplement analysée dans la littérature spécialisée : on distingue ainsi les tactiques de la guerre de tranchées versus celle de la guerre de mouvement; la “blitz-krieg” versus la guerre du type “longue marche”; la guerre conventionnelle versus la guerre de guérilla. Dans les années quatre-vingts un nouvel élément est venu s’ajouter à cette typologie : il s’agit de la notion de conflit dit de “basse intensité”. Cette notion recouvre les conflits rampants, intermittents, souvent localisés, opposant des acteurs aux intérêts diffus et souvent enchevêtrés.

Ainsi, Jürgen Habermas (1987) introduit la différence entre deux formes d’agir. La première, “l’agir communicationnel”, correspond aux cas où les tentatives de régulation s’exercent principalement par l’information, dans le but d’obtenir le consensus. C’est dans le cadre de cet agir communicationnel que se renforcent l’entreprise et l’Etat séducteur (Régis Debray). La deuxième, “l’agir stratégique” (plus ou moins “dissimulé” ou “ouvert”), correspond aux cas où la régulation

158 "Conceptually, the term crisis is reserved for situations of time-compressed and sudden imposing events

up to calamity that require rapid decision-making; the term adversity, as qualified and elaborated by various adjectives when necessary, refers to all forms of massive difficulties facing policymaking, other than crisis as defined above." (Yehezkel Dror, 1986, p. 3). Le terme de crise peut ainsi être assimilée à la notion de désastre naturel ou technologique proposée par Ian Mitroff et Patrick Lagadec.

s’effectue principalement par l’utilisation de la force, destinée à dissuader ou arrêter l’utilisation de la force par le camp adverse.

Dans les cas de conflits de nature violente, l’acteur cherchera à affecter d’abord la capacité de décision du camp adverse plutôt que la base même des ressources physiques :

“In such situations the main attack may well be directed at first not so much against the principal material resources but rather against the decision-making capacity of the player. Through confronting his mind with a burden of decisions greater than he can manage within the limits of available time and intellectual resources, the efficiency of his decisions, and subsequently his physical position, is to be impaired or disrupted.” (Karl Deutsch, 1966, p. 62).

Cette tactique particulière peut avoir des résultats probants quand la capacité de digérer l’information de l’acteur concerné est faible :

“When the synthesizing capacity of an actor is low, the greater his input of knowledge, the greater we expect his disorientation to be. The actor’s view of the world, of himself, and of the processes and changes will be splintered-clear in spots but vague in its totality.” (Amitai Etzioni, 1968, p. 145).

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