• Aucun résultat trouvé

La capacité d’apprentissage interactif peut contribuer aussi bien à la sur régulation qu’à la sous-régulation (références à la courbe décroissante

Chapitre 3 La base de ressources, les stratégies d’interaction et les réponses initiales

A. La capacité d’apprentissage interactif peut contribuer aussi bien à la sur régulation qu’à la sous-régulation (références à la courbe décroissante

d’efficacité des politiques publiques)

Si bien ce sont des individus qui apprennent et innovent, ils ne sont jamais les seuls à le faire. De par la définition même de l’organisation, il y a au moins deux acteurs qui peuvent potentiellement apprendre. Cela oblige à introduire la notion d’apprentissage interactif. Blankenship a résumé le cas de l’apprentissage interactif dans le cadre de la recherche sociale :

“The possibility that subjects may “learn” from the research, from observing the investigator at work, or from participation in or reading about other research and consequently, adjust their responses either in terms of what they want or what they think he wants out of study.” (L. Vaughn Blankenship, 1971, p. 195).

Stafford Beer précise la notion d’apprentissage interactif à partir du concept “d’homéostasie par auto-veto” proposé par Ashby :

“Ce que propose en fait le modèle mathématique, c’est que chaque système fasse un apprentissage auprès de l’autre, non pas pour le comprendre complètement, mais pour savoir reconnaître s’il fonctionne normalement. Que se passe-t-il alors lorsque l’un des systèmes ne fonctionne pas normalement, lorsque sa trajectoire quitte un état homéostatique, et lorsque par conséquent, un désaccord survient entre certaines caractéristiques des deux systèmes en présence? La réponse, c’est que chaque système - à supposer qu’il dispose de la variété requise - agit en contrôlant l’autre système.”(Stafford Beer, 1979, p. 151).

Cette notion d’apprentissage interactif , aussi appelée propriété de réflexivité (sur laquelle ont travaillé depuis quelques années un groupe de chercheurs de l’Université de Rotterdam) est cruciale pour l’étude de la gouvernance, puisqu’elle met en cause les prétentions de pilotage, et même les injonctions invitant à l’apprentissage : les acteurs peuvent apprendre à éviter d’avoir à apprendre à apprendre… La notion de réflexivité constitue une autre fenêtre par laquelle nous pouvons aborder l’autonomie. La réflexivité peut se produire aussi bien chez l’acteur qui tente d’appliquer une politique que chez les acteurs vers lesquels elle se projette (R.J. in’t Veld, 1991, p. 5).

“According to learning approaches, policy failures are the result of a lack of information about societal developments and the possibilities of directed change. Knowledge about the relation between policy goals and the application and effects of instruments is often inadequate. Instruments are used in unstable, unpredictable environments. These environments, which are the focus of steering attempts, pursue there own objectives. They can resist government policies or try to take counter measures. Even if policy-makers use more or less elaborated policy theories about

goals and the effects of policy instruments, these theories may become outdated, owing to learning by parts of their environment .”(J.F.M. Koppenjan, J.A.M. Hufen, 1991, p. 172)209.

Dans le champ de la conception et mise en oeuvre des politiques, la notion de réflexivité a donné lieu à des réflexions particulièrement pertinentes sur les conséquences de l’apprentissage interactif pour le cycle de vie des politiques, en particulier quand elles mettent directement en cause les valeurs des acteurs impliqués :

“The policy-maker who enters the normative debate explicitly runs the risk of being confronted with very hostile attitudes, because citizens might feel very uncomfortable with his approach. They easily feel manipulated by policy-makers that assume the role of a preacher. This hostility can destroy the support he needs in the short term to be all effective. Apart from the risk of negative side-effects there is one more major disadvantage of second-order learning oriented approaches : the time-horizon of many policy-makers is so nearby, that any feasible result of

second-order learning can only be expected to go far beyond that horizon.”

(R.J. in’t Veld, 1991, p. 10)

La réflexivité permet de mettre en valeur deux éléments particulièrement pertinents pour l’étude du pilotage des organisations de l’Etat. In’t Veld rappelle que la réflexivité est à l’origine de deux “lois” : la loi de l’efficacité décroissante des politiques et la loi de l’accumulation de politiques (des notions inspirées de la cybernétique, où l’on parle des tendance au “understeering “et au “oversteering”)210. La loi d’accumulation des politiques (ou tendance au

“surpilotage”) se réfère au cas où la politique a simplement réussi à produire ses effets et est devenue superflue. Une des raisons pour lesquelles elle peut produire des effets rapides est due à la capacité d’apprentissage interactif, qui peut donner lieu à une situation exceptionnelle : au lieu d’offrir une résistance face à une certaine politique, les acteurs peuvent accommoder leurs comportements en anticipant ainsi sur les résultats recherchés. La réflexivité contribue là aussi à la réduction du cycle de vie des politiques en rapprochant le moment de leur obsolescence (R.J. in’t Veld, 1991, p. 9).

Arvid Aulin (1986) analyse les limites entre lesquelles la régulation (externe) deviendrait nécessaire. Il identifie deux situations extrêmes : la première où une

209 Crozier et Friedberg avaient conclu :“Toute approche du problème fondée sur le raisonnement habituel

selon lequel l’échec d’une réforme est dû au manque d’information, à l’inertie, à la routine, aux intérêts particuliers, bref, à “l’irrationalité” ou à “l’aliénation” des subordonnés, des clients ou des administrés, manque donc son but.” (Michel Crozier, Erhard Friedberg, 1977, p. 387).

210 “The engine of the dynamics formulated above is the human potential for reflexivity : both policy-makers

and citizens public bodies and private organizations experience learning processes of different orders. The most general case is the dynamic interaction of two “laws”, the law of diminishing effectiveness and the law of policy accumulation : eventually they will bring about crisis as well as the death of the policy system concerned; put otherwise, in a more constructive mode, the crisis at hand opens the window for a change of frame.” (R.J. in’t Veld, 1991, p. 9).

absence de régulation constitue une menace contre l’organisation, la deuxième où la régulation contribue à une hierarchie innécessaire.

Dans ce contexte nous pourrions illustrer ainsi l’idée d’une efficacité décroissante de la régulation : EFFICACITE DU PILOTAGE E 1 Stratégie 2 Stratégie 1 Q1 coûts Q2 QUANTITE - différentiels INTENSITE de DE LA régulation REGULATION

On suppose une stratégie donnée de pilotage (avec ses caractéristiques quantitatives et qualitatives - incluant ses caractéristiques temporelles et spatiales) et un niveau donné de réflexivité. Pour une stratégie de pilotage donnée, dans une période de temps et un espace donnés, on observerait une efficacité décroissante du modèle de régulation : pour un même niveau d’efficacité E1, l’acteur gaspille des ressources additionnelles inutiles de régulation Q2-Q1. Un acteur peut déjouer cette tendance en modifiant sa stratégie (en passant de la stratégie 1 à la stratégie 2). Or, cette modification demande des capacités d’adaptation et d’innovation qui ne sont pas toujours disponibles au moment nécessaire.

B. Le phénomène d’hystérésis limite encore davantage l’efficacité des

Outline

Documents relatifs