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1. LE CADRE CONCEPTUEL ET MÉTHODOLOGIQUE

1.2 L ES ORIENTATIONS MÉTHODOLOGIQUES

1.2.2 La stratégie de recherche

Pour répondre à ces questions de recherche, nous avons choisi de réaliser une étude d‟orientation qualitative, et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, comme le

14 Il est à noter que, dans les premiers écrits de Bourdieu, le « sens pratique » des agents ne fait pas référence

à leur subjectivité, mais plutôt aux récurrences et aux logiques sous-jacentes qui guident leur action. Toutefois, dans ses écrits ultérieurs, Bourdieu a reconnu l‟importance des représentations que se font les agents de leur position sociale et donc, de l‟importance d‟analyser leur subjectivité. C‟est pourquoi il nous apparaît pertinent d‟utiliser l‟approche bourdieusienne des formes de capitaux pour analyser le sens qu‟ils donnent à leurs pratiques migratoires.

21 mentionnent Deslauriers et Kérisit (1997), la recherche qualitative répond mieux à certaines questions de recherche, dont celles qui visent à explorer et décrire un phénomène. De plus, une recherche de type qualitatif permet au chercheur de mieux comprendre les phénomènes transitoires et de mieux rendre compte du sens que les agents sociaux donnent à leur expérience. Bien qu‟une analyse statistique à partir d‟un large échantillon aurait pu être utile pour adopter une perspective macrosociologique par rapport à la migration transnationale, elle ne donnerait aucune information en lien avec les processus subjectifs qui nous intéressent dans le cadre de la présente étude. En outre, une enquête statistique ne permettrait pas d‟analyser la finesse des discours, de faire des observations détaillées et de comprendre en profondeur la subjectivité des individus. En revanche, les méthodes qualitatives permettent d‟aborder la vie d‟un groupe dans toutes ses dimensions et de comprendre comment chaque individu interprète une situation particulière et tire des apprentissages de ses expériences (Gauthier, 1997). Pour toutes ces raisons, nous pensons que les méthodes qualitatives sont les plus adéquates pour fournir des éléments de réponse aux questions de recherche qui nous intéressent dans le cadre du présent mémoire.

Parmi l‟ensemble des stratégies qualitatives de recherche, la méthode ethnographique est particulièrement pertinente pour aborder un phénomène multi-situé et multidimensionnel comme celui de la migration transnationale. Comme le souligne Marcus (1995), la recherche ethnographique s‟est adaptée aux changements liés à la mondialisation tels que la circulation des objets, des identités et des pratiques culturelles. Ainsi, il ne s‟agit plus seulement de documenter minutieusement les éléments culturels propres à un village ou à une région, mais de faire des liens entre ce qui se passe entre plusieurs sites d‟observation et les structures économiques et politiques mondiales.

Ce mémoire de maîtrise s‟inscrit particulièrement bien dans cette conception de la recherche ethnographique puisqu‟il découle de deux périodes de pré-terrain réalisées à l‟Ile d‟Orléans au cours des étés 2010 et 2011. Ces pré-terrains ont donné lieu à une collecte de données par l‟entremise de trois techniques, soit l‟observation ethnographique directe, les entretiens semi-dirigés et la recherche documentaire. À la suite de l‟été 2011, nous avons pu formuler quelques pistes de recherche qui ont mené à l‟élaboration d‟un projet de

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mémoire lors de l‟année universitaire 2011-2012. Ce projet de mémoire contenait une question de recherche qui interrogeait les motifs de la migration transnationale des travailleurs agricoles mexicains à partir de leur lieu d‟origine. Nous avons donc décidé de changer de site ethnographique à l‟été 2012 afin de réaliser notre terrain dans le village de Dzidzantún au Yucatán, un des lieux d‟origine de ces travailleurs.

La collecte de données s‟est déroulée sur une période de deux mois et demi entre les mois de juin et août 2012. Dzidzantún a été sélectionné à la suite d‟une première série d‟entrevues réalisées par notre co-directrice lors de l‟été 2011. Celle-ci nous a confirmé la présence dans ce village d‟un nombre relativement élevé de travailleurs agricoles migrants qui avaient déjà participé au Programme canadien de Travailleurs Agricoles Saisonniers (PTAS). Lors de notre séjour sur le terrain15, nous avons priorisé les trois mêmes techniques de collecte de données que lors de nos deux pré-terrains, soit les entretiens semi- dirigés, l‟observation directe et la collecte documentaire.

1.2.2.1 Les entretiens semi-dirigés

Bien que nos données proviennent en partie de périodes d‟observation directe, nous avons choisi de prioriser les données issues des entretiens semi-dirigés, car ces données nous ont permis de répondre plus directement à nos deux sous-questions de recherche. En tout, nous avons réalisé des entretiens semi-dirigés avec vingt travailleurs agricoles migrants. Le schéma d‟entretien que nous avons utilisé était divisé en quatre sections : 1) avant la première migration au Canada, 2) pendant la première migration au Canada, 3) lors des migrations subséquentes à la première migration au Canada et 4) un bilan de l‟ensemble du parcours migratoire. De manière générale, les entrevues avaient pour objectif de mieux comprendre le sens que ces travailleurs donnent à leur expérience de migration transnationale contractuelle sein du PTAS. De manière plus spécifique, elles visaient à : 1) identifier et décrire les formes de capitaux mobilisés par les travailleurs agricoles migrants

15 Nous tenons ici à mentionner que le travail de terrain de ce mémoire de maîtrise s‟est inscrit dans le cadre

d‟un projet de recherche dirigé par notre co-directrice, Marie-France Labrecque, intitulé « Perspectives de genre, classe et « race » sur la migration temporaire transnationale». Cette recherche a été financée par le Conseil de Recherches en Sciences Humaines du Canada. Nous tenons aussi à souligner que, lors de notre séjour sur le terrain, nous avons eu la chance de bénéficier d‟échanges avec deux collègues étudiants- chercheurs du département d‟anthropologie de l‟Université Laval de même que de nombreux échanges avec notre co-directrice.

23 et 2) identifier et décrire les formes de capitaux recherchés par ces travailleurs dans le cadre de leur processus de migration transnationale contractuelle.

Les entretiens ont été réalisés auprès de vingt travailleurs agricoles migrants mexicains originaires du village de Dzidzantún16 et de dix informateurs-clés17. Parmi les dix informateurs-clés, mentionnons qu‟il y avait deux prêtres, trois professeurs-chercheurs, deux ex-enseignants, un maire, un leader communautaire et un ingénieur agronome. Pour ce qui est des vingt travailleurs, il s‟agissait d‟individus qui, au moment où ils ont été sélectionnés pour participer au PTAS, respectaient théoriquement les critères de sélection imposés par le programme : être jeune (avoir entre 22 et 45 ans), avoir une occupation en lien avec l‟agriculture, vivre dans une zone rurale, avoir une scolarité minimale de troisième année de primaire et maximale de troisième année de secondaire, être marié et, préférablement, avoir des enfants.

Parmi les caractéristiques sociodémographiques des travailleurs interviewés, mentionnons que seize étaient de sexe masculin et quatre étaient de sexe féminin18. Leur âge au moment

de l‟entrevue variait entre 31 et 52 ans. Ils avaient tous migré d‟une à huit fois au Canada dans le cadre du PTAS. Ils avaient entre 26 et 44 ans au moment de leur première migration. Le nombre d‟enfants par travailleurs variait d‟un à cinq. Pour ce qui est du niveau de scolarité, cinq d‟entre eux avaient atteint un niveau de scolarité primaire, sept avaient atteint un niveau de scolarité secondaire, quatre avaient terminé la preparatoria19 et quatre possédaient un diplôme universitaire. Enfin, en ce qui a trait aux principales activités économiques, mentionnons que cinq de ces travailleurs pratiquaient principalement la pêche commerciale, deux se dédiaient à la construction, huit à l‟agriculture, quatre effectuaient un travail d‟employée domestique tandis qu‟un seul d‟entre eux travaillait pour une entreprise de moto-taxi.

16 Un tableau sommaire de ces vingt travailleurs est disponible en annexe 6. 17 Un tableau sommaire de ces informateurs-clé est disponible en annexe 7.

18 Même si des femmes figuraient dans notre échantillon, considérant les limites de temps et d‟espace d‟un

mémoire de maîtrise, la finesse de l‟analyse ne nous a pas permis de distinguer de manière concluante ce qui relève des dynamiques de genre dans l‟ensemble des expériences vécues par les travailleurs agricoles migrants interviewés.

19 Au Yucatán, la preparatoria correspond généralement aux deux dernières années de l‟école secondaire au

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1.2.2.2 L’observation directe

Lors de notre séjour sur le terrain, nous n‟avons pas pu nous intégrer à la vie quotidienne des familles des travailleurs agricoles migrants comme nous l‟avions prévu au départ, et ce, pour différentes raisons. En premier lieu, Dzidzantún est un grand village sur le plan démographique et, comme nous en discuterons dans le deuxième chapitre, le niveau d‟anonymat et d‟individualisme y est supérieur à d‟autres villages yucatèques, ce qui rend plus longue et plus difficile la création de liens sociaux. De plus, comme les travailleurs interviewés avaient tous un emploi du temps assez chargé, il nous était relativement difficile de nous intégrer à leur routine. Ensuite, il ne nous a pas été possible de trouver une famille d‟accueil pour la durée de notre séjour. Bien que le fait d‟habiter seul comportait certains avantages (nous n‟étions pas identifié à une famille en particulier, nous avions plus de liberté et de tranquillité pour notre travail de recherche, etc.), cela diminuait le nombre d‟occasions d‟entrer en contact de manière naturelle avec les travailleurs. Si nous avions vécu dans une famille d‟accueil, il aurait probablement été plus facile d‟être mis au courant des activités quotidiennes des membres de leur parenté, de leurs amis ou de leurs connaissances. Toutefois, nous avons tout de même pu rendre visite à certains travailleurs et à leur famille à quelques reprises lors d‟évènements plus ponctuels (sorties dans une station balnéaire, fêtes communautaires, repas de famille, etc.). Lors de ces évènements, nous avons pu faire quelques observations par rapport au contexte dans lequel évoluent les migrants que nous avons interviewés. Les notes d‟observation que nous avons prises lors de ces évènements nous ont surtout permis d‟ajouter des informations pertinentes à celles auxquelles nous avions déjà pu avoir accès dans certains documents avant notre départ. Elles nous ont aussi permis de mieux mettre en contexte les informations obtenues par l‟entremise d‟entretiens semi-dirigés.

1.2.2.3 La collecte documentaire

Lors de notre arrivée au Yucatán, nous comptions faire ce que Laperrière (2003) appelle « un grand tour » de la situation à l‟étude afin d‟en relever les grands traits. Cependant, les réalités du terrain nous ont plutôt fait comprendre l‟importance de plonger directement dans le milieu qui nous intéressait, soit le village de Dzidzantún. En effet, comme nous avions déjà été mis en contact avec une famille à notre arrivée dans la ville de Mérida, celle-ci

25 nous a rapidement mis en lien avec des membres d‟une autre famille résidant à Dzidzantún. Comme nous étions d‟abord à la recherche d‟un logement, nous avons décidé de nous rendre le plus tôt possible dans le village. Nous avons donc décidé de remettre à plus tard notre collecte documentaire. Cela s‟est avéré être une bonne stratégie puisque le fait de la remettre à plus tard nous a permis de mieux délimiter les éléments à prioriser lors de cette collecte documentaire. Notre visite de quelques centres de recherche20 a donc eu lieu à la fin de notre séjour sur le terrain. Nous y avons surtout trouvé de la documentation en lien avec certains aspects sociaux, politiques ou économiques de Dzidzantún et du Yucatán en général. La collecte documentaire a été utile pour enrichir et compléter la documentation déjà accessible au Québec.