• Aucun résultat trouvé

Acheter des produits de luxe et être responsable de l’organisation de fêtes communautaires

4. L’ACQUISITION DE RESSOURCES DANS LE CADRE DE LA MIGRATION

4.1 L ES RESSOURCES À ACQUÉRIR ET LE DÉSIR DE RECONNAISSANCE SOCIALE

4.1.5 Acheter des produits de luxe et être responsable de l’organisation de fêtes communautaires

Les dépenses des travailleurs agricoles migrants liés à leurs saisons de travail au Canada ne se font pas de n‟importe quelle manière. S‟il est vrai que plusieurs travailleurs investissent dans l‟éducation de leurs enfants, construisent une maison et investissent dans une terre ou dans une entreprise, ces dépenses sont aussi souvent motivées par un désir de reconnaissance sociale. Cette reconnaissance sociale se traduit entre autres par le sentiment d‟obtenir plus de respect de la part d‟autres familles du village et cela leur donne en retour plus de confiance au niveau familial.

Pues, las personas que se han ido van y cuando vienen pues, como ya tienen un poquito más elevado el nivel económico, eso brinda más confianza familiar porque la mayoría de los problemas acá en México son por la escasez de dinero.

108

O sea, ir a Canadá le dan un poco más de estatus económico. Hay más respeto, más disciplina, más cordialidad150 (Alfonso, travailleur).

No lo podría decir con exactitud cómo la gente me puede haber visto, pero pienso que hay quienes sí, me hayan visto un poco diferente porque ven que uno prospera, ven que uno sale adelante y pues pienso yo que hay gente que sí, te ven diferente. [...] Lo único que ha cambiado es en mi casa, en mi vida personal. Pero en cuanto a la población, es igual. Tengo un mejor nivel de vida. Es el único cambio151 (Felipe, travailleur).

Le fait d‟avoir un « meilleur niveau de vie » que les autres travailleurs et de minimiser l‟importance sociale d‟une telle différence n‟est pas aussi anodin que Felipe l‟affirme. Bien que la plupart du temps, les travailleurs nous ont mentionné ne pas se sentir différents des autres travailleurs journaliers du village, leurs pratiques économiques révèlent une toute autre logique, soit celle de chercher, jusqu‟à un certain point, à se distinguer par les ressources économiques acquises à l‟étranger, si minimes soient-elles. Sur le terrain, nous avons pu observer que certains de leurs achats sont parfois orientés vers des produits qui se distinguent par leur caractère ostentatoire. Le problème, comme l‟explique Miguel, c‟est de s‟assurer que ces produits achetés au Canada à des prix parfois beaucoup moins élevés que leur équivalent au Mexique traversent les douanes sans que les agents mexicains les leur confisquent ou que le personnel des compagnies de transport aérien les brise.

Pero así gasto mi dinero, no más... ese aparato, lo traje de allá. Lo que puedo traer, lo traigo… ese teatro de casa en la Walmart lo compré hace dos años, ese… una tele que sale más barata allá. [...] Una tele de plasma de treinta y dos pulgadas ahí te vale cuatrocientos dólares, aquí te viene saliendo siete mil pesos. Hay diferencia… claro que es en dñlares… te viene costando como cinco mil pesos. A comparación de acá que te viene costando siete mil u ocho mil, te arriesgas a traerla de allá, pero ya viste en los aeropuertos cómo te tiran tu maleta… cachitos te quedan. Así le pasñ a un chavo. Sí, uno de Tlaxcala. Pero lo que pasó es que él no forró bien la tele152 (Miguel, travailleur).

150 Eh bien, les gens qui sont partis y vont et quand ils reviennent, étant donné que leur situation économique

s‟est un petit peu améliorée, ça leur donne un peu plus de confiance au sein de leur famille, parce que la plupart des problèmes ici au Mexique sont liés au manque d'argent. Alors, aller au Canada leur donne un peu plus de statut économique. Il y a plus de respect, plus de discipline, plus de cordialité.

151 Je ne pourrais pas dire avec exactitude comment les gens ont pu me percevoir, mais je pense que certaines

personnes oui, m‟ont perçu de manière un peu différente parce qu'ils voient qu‟une personne prospère, ils voient qu‟une personne va de l'avant, donc je pense que certaines personnes te perçoivent différemment. [...] La seule chose qui a changé, c'est dans ma maison, dans ma vie personnelle. Mais par rapport aux gens du village, c'est la même chose. J'ai un meilleur niveau de vie. C'est le seul changement.

152 Alors je dépense juste mon argent comme ça, c‟est tout ... cet appareil, je l‟ai ramené de là-bas. Ce que je

peux rapporter, je le rapporte ... ce cinéma-maison, je l‟ai acheté chez Walmart il y a deux ans, ce ... une télévision qui est moins chère là-bas. [...] Une télévision plasma trente-deux pouces là-bas vaut quatre cents

109 Les travailleurs agricoles migrants de Dzidzantún ne font pas seulement état d‟une plus grande aisance relative par l‟achat de produits de luxe. Certains d‟entre eux le font aussi à l‟occasion de fêtes communautaires comme celle de Santa Clara qui a lieu chaque année au mois d‟août. Bien qu‟en général, l‟organisation de ces fêtes ne soit l‟apanage que d‟un nombre restreint de familles, l‟analyse des entretiens et de nos notes d‟observation montre que ceux qui décident d‟y investir une partie de leurs ressources cherchent notamment à attirer une certaine reconnaissance sociale et un certain prestige. À Dzidzantún, chaque famille doit payer et organiser son propre gremio. Il s‟agit entre autres d‟une occasion pour la famille qui accepte d‟en être responsable de faire étalage de ses ressources économiques, sociales et culturelles aux yeux des invités et des autres villageois.

Aquí, cuando uno hace fiesta, él lo paga todo. En otros pueblos de México, a veces dicen: "Te voy a dar un cerdo, te voy a dar veinte mil pesos". Acá, uno no se acostumbra a eso. Acá, para la fiesta comunitaria, cada familia tiene su gremio. Cada familia tiene que pagar por el gremio. Cada familia lo costea153 (Gilberto, travailleur).

Le père d‟un travailleur nous a fait part des coûts très élevés qui découlent de l‟organisation d‟une telle journée. Selon lui, il s‟agit d‟un « grand commerce » qui n‟est accessible qu‟à certaines familles mieux nanties. De plus, certaines journées de la fête sont plus prestigieuses que d‟autres et les familles qui les organisent jouissent d‟une plus grande renommée.

Y por todo eso, tú tienes que tener dinero, porque sino, no vas a hacer nada. Cuando la gente va a venir, tú tienes que darles su comida, sus tragos, refrescos, tacos. Y así, se va girando. [...] pasa el gremio en la plaza con la música y voladores y unos que vienen de otros lados y llegan todos. Es parecido por toda la gente. Los más caros son los últimos gremios porque sacan a la imagen, le dan toda la vuelta al parque154 (Père d‟Enrique, travailleur).

dollars, ici ça coûte sept mille pesos. Il y a une différence ... c‟est clair que c‟est en dollars ... ça te coûte cinq mille pesos. En comparaison d‟ici où ça te coûte sept mille ou huit mille pesos, tu cours des risques en la ramenant de là-bas, mais tu as vu comment ils te lancent ton sac dans les aéroports ... il ne te reste que des petits morceaux. C'est ce qui est arrivé à un gars. Oui, un de Tlaxcala. Mais ce qui s'est passé, c'est qu‟il n‟a pas bien emballé sa télévision.

153 Ici, quand il y a une personne qui fait une fête, il paie pour tout. Dans d'autres villages au Mexique, ils

disent parfois: « Je vais te donner un cochon, je vais te donner vingt mille pesos. » Ici, on n'est pas habitué à ça. Ici, pour la fête communautaire, chaque famille a son gremio. Chaque famille doit payer pour son gremio. Chaque famille doit payer.

154 Et pour cela, il faut avoir de l'argent, parce que sinon, tu ne feras rien. Quand les gens viennent, il faut leur

110

Au moment où nous avons réalisé notre étude de terrain, Alfonso s‟était porté responsable de l‟organisation d‟un gremio auquel il nous a d‟ailleurs invité. Or, comme il s‟agissait du gremio du dernier jour de la fête de Santa Clara, il devait entre autres se porter garant de la procession de l‟image de la sainte.

Yo me comprometí este año, por ejemplo, a hacer un gremio. Es un gremio de la procesión. Me toca una procesión de la imagen. Entonces, de ahí, nosotros nos damos carga, de los juegos pirotécnicos. [...] A la casa, llega la gente. Los hermanos vienen a comer. A mí me toca en la noche y en la mañana. Es el día de la procesión, del día once. La procesión del once en la noche, ya es el último gremio. El gremio les toca a las personas que lo quieren hacer para una promesa155 (Alfonso, travailleur).

Nous sommes allés au gremio d‟Alfonso avec un ami. Selon le décompte que nous en avons fait, il y avait un peu plus de cinquante personnes présentes à la fête. Alfonso avait d‟ailleurs engagé plusieurs personnes pour préparer la nourriture. À notre arrivée, Alfonso nous a tout de suite présenté aux travailleurs qu‟il avait engagés pour la journée et nous a montré le repas qu‟ils avaient apprêté pour ses invités. Tout au long de notre présence à la fête, il nous a aussi parlé de ses expériences au Canada devant les gens qu‟il avait invités. La présence d‟un grand nombre de personnes à la fête d‟Alfonso était pour nous un signe manifeste de sa grande popularité au sein du village. En effet, lors de la période durant laquelle nous y avons effectué notre terrain, tout le monde nous a parlé du « fameux Alfonso » et de sa grande influence dans le village qu‟il avait entre autres acquise par sa participation au PTAS et par l‟organisation de gremios lors de la fête annuelle de Santa Clara.