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1. LE CADRE CONCEPTUEL ET MÉTHODOLOGIQUE

1.2 L ES ORIENTATIONS MÉTHODOLOGIQUES

1.2.5 Les biais

Comme le mentionne Olivier de Sardan (2008), la crédibilité d‟une recherche anthropologique repose en grande partie sur la compatibilité entre le « réel de référence », les constructions de cette réalité par les informateurs et les constructions sociales que le chercheur leur attribue. Afin de nous assurer le plus possible de cette compatibilité, nous avons eu recours à diverses stratégies. Premièrement, malgré les difficultés dont nous avons

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fait part précédemment, nous avons tout de même fait le maximum pour nous intégrer aux activités auxquelles participaient les travailleurs et afin de diminuer l‟impact de notre présence sur la nature des données recueillies. De plus, nous avons eu recours à plusieurs techniques de collecte de données afin d‟avoir une compréhension la plus complète possible du contexte dans lequel évoluent les sujets de notre recherche (documents, transcription d‟entrevues, notes d‟observation, photos, etc.). Ensuite, lorsque nous étions sur le terrain, nous avons discuté de nos réflexions et premières interprétations avec notre co-directrice et trois anthropologues mexicains spécialistes de la migration transnationale. Nous avons aussi eu la chance de comparer notre expérience avec celle de deux collègues étudiants vivant dans deux autres villages yucatèques.

Par ailleurs, comme le souligne Olivier de Sardan (2008), un des éléments qui distingue l‟anthropologie de certaines autres disciplines est son désir de réconcilier terrain et théorie en se contraignant à une rigueur empirique qui permette la théorisation à partir d‟un travail de comparaison. Or, cette théorisation par la comparaison ne peut se faire de façon rigoureuse que si les résultats d‟une étude sont transférables d‟un contexte à l‟autre. C‟est pourquoi nous avons jugé important de décrire le mieux possible le contexte social, économique, politique et historique du village dans lequel notre séjour sur le terrain a été réalisé, et ce, par l‟entremise d‟entretiens informels, de notes d‟observation et de documents locaux. Ce travail de mise en contexte visait à permettre à d‟autres chercheurs de juger s‟il existe des points communs avec le ou les contextes qu‟eux-mêmes étudient. Sans cette description du contexte ethnographique, les résultats de notre étude permettraient beaucoup moins facilement le travail de comparaison et de théorisation qui constitue une des caractéristiques fondamentales de la discipline anthropologique.

Malgré ces précautions méthodologiques, plusieurs sources de biais ont pu influencer la nature des données recueillies et des analyses/interprétations réalisées. Parmi ces sources de biais, mentionnons que bien que nous possédions un niveau relativement élevé d‟espagnol au moment d‟entamer notre séjour sur le terrain, celui-ci était passablement dénué des expressions locales, des intonations et de la prononciation typique de l‟espagnol parlé au Yucatán. Ensuite, notre couleur de peau et notre taille nous distinguaient énormément des

29 gens du village. D‟ailleurs, certaines conversations sur le terrain nous ont confirmé qu‟en général le fait d‟avoir la peau blanche et d‟être grand est souvent associé à une certaine distance ethnique et à un statut social différent. En outre, il y avait un écart important entre notre niveau de scolarité et celui de la plupart de nos informateurs ce qui a quelquefois pu contribuer à créer une autre strate de distance entre nous et eux. Le fait de ne pas occuper une fonction professionnelle que les gens du village pouvaient facilement identifier a pu rendre certains de nos observateurs suspicieux à notre égard, du moins lors des premiers contacts. En effet, par la nature de leurs questions, nous pouvions déceler soit de la méfiance ou de l‟espoir par rapport à notre présence dans le village23.

Enfin, tous les travailleurs agricoles interviewés ont accepté que l‟entrevue soit enregistrée. La présence d‟un enregistreur audio numérique a probablement eu un impact sur la nature du discours de certains travailleurs plus craintifs. Ainsi, des informations telles que celles liées à leurs expériences au Canada ou de nature sociodémographique (le fait d‟avoir des enfants ou non par exemple) n‟ont peut-être pas toujours été entièrement dévoilées. En effet, considérant le fait que nous sommes d‟origine canadienne, il est probable que certains informateurs/trices aient pu croire que nous détenions un certain pouvoir par rapport au PTAS et qu‟en conséquence, ils aient voulu bien paraître. En outre, sans vouloir diminuer la véracité des propos tenus par les travailleurs interviewés, nous pensons qu‟il est important de conserver une distance critique par rapport à l‟ampleur du sacrifice dont ils font état dans certaines situations et qui leur permet de projeter une image favorable d‟eux- mêmes.

Mentionnons, toutefois, que nous avons tenté de minimiser l‟importance de ces différentes sources de biais en socialisant le plus possible avec les travailleurs interviewés avant de réaliser une entrevue avec eux et, dans certains cas, en participant à leurs activités quotidiennes (Poupart, 1997). Enfin, comme nous avons principalement travaillé avec des données de nature qualitative,nous avons dû faire face aux défis de l'objectivité par rapport

23 Lors de nos premiers moments sur le terrain, certains informateurs nous demandaient si nous pouvions les

aider à obtenir une place dans le PTAS cette année-là, car ils n‟avaient pas encore été sollicités. Nous devions alors leur clarifier notre rôle d‟étudiant-chercheur universitaire et leur expliquer de façon plus détaillée en quoi consistaient les objectifs de la recherche et la façon dont les résultats allaient être utilisés.

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à l‟analyse et l‟interprétation du contenu des entrevues. Ainsi, nous avons dû faire preuve d'une grande rigueur afin de minimiser les biais d‟analyse et d‟interprétation. Nous avons donc effectué plusieurs révisions des catégories et des codes choisis. Nous avons aussi tenté d‟être le plus systématique possible en prenant le soin de définir l‟ensemble des codes et des catégories de façon à ce qu‟ils soient exhaustifs et mutuellement exclusifs.