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4. L’ACQUISITION DE RESSOURCES DANS LE CADRE DE LA MIGRATION

4.1 L ES RESSOURCES À ACQUÉRIR ET LE DÉSIR DE RECONNAISSANCE SOCIALE

4.1.3 Améliorer ses conditions de logement

Parmi l‟ensemble des dépenses effectuées par les travailleurs, la construction d‟une maison se retrouve la plupart du temps en tête de liste.

138 Et en vérité, en fait, ce n'est pas pour rien, mes enfants sont de bons élèves, ils sont parmi les meilleurs de

leur école et quand ils, maintenant ils commencent, arrivent en dernière année, c‟est à ce moment-là que ça devient le plus cher parce qu‟ils présentent... pendant qu‟ils étudient, ils doivent suivre des cours de propédeutique et ces cours coûtent 3000-5000 pesos et vous devez payer leur billet pour qu‟ils y aillent parce que c'est à Mérida. Vous devez payer l'aller, le retour, la nourriture et donc, ça coûte très cher. Très cher. En plus, vous devez payer l'examen, le droit à passer l‟examen. Ils doivent demander une admission à plusieurs endroits avant de savoir où ils iront. Mais oui, c'est cher.

139 Mes enfants n'avaient pas terminé leurs études. Quand je suis entré dans le programme, je vais être

honnête, j'ai dit à mes enfants: « Si vous êtes d‟accord et que ça va bien, je vais y aller pendant cinq ans. » Ensuite, je suis allé cinq années consécutives, Marco. La sixième année, ma famille, mes enfants et ma femme m‟ont parlé et m‟ont dit: « Tu avais dit cinq ans et ça fait déjà six ans, que vas-tu faire? ». Alors je leur ai dit : « On va se reposer ».

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Sí, se podría [comprar una camioneta] pero hay otras cosas en las cuales invertir. Mi casa, la estoy empezando y todo. Todo le falta. Falta levantarla. Todo le falta140 (Guillermo, travailleur).

Avant leur participation au programme, certains travailleurs ont déjà hérité d‟un terrain et ont construit les fondations de leur maison, mais celles-ci restent parfois très rudimentaires. La participation au PTAS leur permet ainsi de compléter certains éléments souhaités, tels qu‟un second étage, des chambres ou un puits artésien.

[Yo usé el dinero que gané en Canadá] pues, aquí en mi casa. [...] terminé mi baño, terminé mi cisterna, terminé mi pozo. Así como está, tengo agua potable, tengo mi pozo. Si no hay agua potable, conecto mi motor y así. Eso es lo bueno de aquí, que si no tienes agua, pues tienes de donde y no te quedas sin agua, sin bañarte141 (Miguel, travailleur).

Au-delà de l‟aspect purement fonctionnel de ces rénovations, il s‟agit notamment de permettre à leur famille de pouvoir se comparer avantageusement avec leurs voisins qui n‟ont pas migré et de ressentir une certaine fierté par rapport aux autres villageois. En effet, bien que peu d‟entre eux n‟aient voulu en faire état dans les entretiens réalisés, nous avons pu observer sur le terrain que les maisons des travailleurs agricoles migrants ont parfois une apparence plus luxueuse que celles des autres travailleurs journaliers de Dzidzantún.

En outre, la construction d‟une maison permet de gagner une autonomie, généralement en se séparant de la maisonnée des parents du mari. En effet, avant la migration, plusieurs jeunes travailleurs journaliers de Dzidzantún n‟ont pas les moyens de construire leur propre maison et d‟ainsi pouvoir quitter le domicile de leurs parents. Même lorsqu‟ils se marient, ils doivent fréquemment demeurer chez leurs parents ou chez les parents de leur conjoint(e) faute de revenus suffisants. Contrairement à plusieurs autres travailleurs journaliers qui restent au village, les travailleurs agricoles migrants ont donc la possibilité d‟accélérer leur processus d‟autonomisation.

Cuando empecé en Canadá, lo que mandaba yo, se empezó a invertir en la casa. Así, empecé. Porque cuando trabajas así de jornalero, no se puede. [Mis

140 Oui, vous pourriez [acheter un camion], mais il y a d'autres choses dans lesquels investir. Je commence ma

maison et tout. Il lui manque de tout. Il faut la construire. Il lui manque de tout.

141 [J'ai utilisé l'argent que j‟ai gagné au Canada], ici dans ma maison. […] j'ai fini mon bain, j'ai fini ma

citerne, j'ai fini mon puits. Dans l‟état où c‟est actuellement, j‟ai de l'eau, j'ai mon puits. S'il n'y a pas d'eau potable, je connecte mon moteur. C'est ce qu‟il y a de bien ici, si tu n‟as pas d'eau, bien il y a toujours une alternative et tu n‟es pas à court d'eau sans pouvoir te laver.

103 compañeros que nunca fueron a Canadá] viven con sus papás. La mayoría que se casan así y todo, pues con sus papás viven. O compran un terrenito y van construyendo su casa y todo, pero poco a poco. No así que lo hacen rápido porque está caro142 (Guillermo, travailleur).

Ce processus plus rapide d‟autonomisation est d‟autant plus important qu‟il semble être de moins en moins facile de le réaliser dans un contexte économique local plus précaire. Quelques travailleurs plus âgés nous ont expliqué qu‟ils n‟avaient pas encore trouvé les moyens de s‟acheter une maison au moment où ils ont décidé de participer au PTAS. Certains devaient louer une maison alors que d‟autres devaient vivre dans celle des parents d‟une des deux personnes du couple.

Entonces, yo me vi esa necesidad de salir para trabajar porque yo no tenía nada de esto. Yo, de hecho, no tenía ni casa. Mi mamá me regaló ese pedacito y es donde hice mi casa. Entonces, el dinero que yo gané el primer año en Canadá cuando fui ocho meses, yo invertí en lo que iba a ser mi casa pero se suscitaban muchos problemas. Esta casa era de mi mamá. Cuando ella murió, se le quedó a mi padrazo y él la hipotecó. Entonces, yo fui por esa necesidad, de para no perderla, comprarla. Entonces, fue así que adquirí esta casa143 (Javier, travailleur).

Cuando pasamos aquí, no teníamos, no había ventana, no hay piso, pero siete años aquí en Dzidzantún tuvimos rentando una casa. Tuvimos que pagar renta porque no teníamos. [...] Rentábamos otra casa y compramos el terreno. Después, metimos materiales y dijimos que cuando vimos que no alcanzó ni para el piso, ni para el baðo… Esposa de Alejandro: Ni la ventana. En su primer viaje a Canadá, terminamos el baño. En el segundo año, se puso el piso144 (Alejandro, travailleur).

142 Quand j'ai commencé au Canada, ce que j‟envoyais, on a commencé à l‟investir dans la maison. J'ai

commencé comme ça. Parce que quand tu travailles comme journalier, tu ne peux pas. [Mes amis qui ne sont jamais allés au Canada] vivent avec leurs parents. La plupart de ceux qui se marient vivent avec leurs parents. Ou ils achètent un terrain et construisent leur maison petit à petit et tout, mais lentement. Ils ne le font pas rapidement parce que ça coûte cher.

143 Puis, j'ai compris la nécessité de m‟en aller pour travailler parce que je n‟avais rien de cela. En fait, je

n'avais pas de maison. Ma mère m'a donné cette petite parcelle de terre et c'est là que j'ai construit ma maison. Donc, l'argent que j‟ai gagné la première année au Canada quand j‟y suis allé huit mois, je l‟ai investi dans ce qui allait être ma maison, mais de nombreux problèmes sont arrivés. Cette maison appartenait à ma mère. Quand elle est morte, la maison est allée à mon beau-père et il l‟a hypothéquée. Ensuite, je suis parti, car je devais l‟acheter pour ne pas la perdre. Alors, c‟est comme ça que j‟ai acheté cette maison.

144 Quand on passait ici, nous n‟avions pas, il n‟y avait pas de fenêtre, pas de plancher, mais les sept dernières

années, on a loué une maison à Dzidzantún. On a dû payer le loyer parce qu‟on n‟avait rien. [...] On a loué une autre maison et on a acheté une terre. Après, on a mis les matériaux et on s‟est dit que quand on a vu que ce n‟était ni suffisant pour le plancher ni pour la salle de bains ... Épouse d'Alejandro: Ni pour la fenêtre. Dans son premier voyage au Canada, on a terminé la salle de bain. Dans la deuxième année, on a terminé le plancher.

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Plusieurs travailleurs donnent un sens particulier à la construction de leur maison – un sens lié au futur de leurs enfants. Pour eux, la construction d‟une maison plus grande et plus solide offre un meilleur cadre aux enfants pour commencer leur vie sur de meilleures bases. Jesús est un de ceux qui affirment avoir réalisé l‟importance de construire une maison pour ne plus que ses enfants « marchent directement sur la terre », faisant ainsi référence au plancher de terre battue de la maison dans laquelle sont nés ses enfants.

Pues, cuando mis hijos nacieron, ellos andaban así en la tierra. Esto no existía y la casa tampoco, no más era una casita de paja, de piedras y su techo así de paja. Yo, así, crecí. Me daba pena ver como mi hijo se arrastraba allá y digo, me puse a pensar. Así, digo, pues si yo quise tener una familia para que yo pueda vivir con ellos, no puedo permitir que mi hijo se arrastre ahí. Estoy joven, tengo fuerzas, voy a luchar145 (Jesús, travailleur).

En résumé, la construction d‟une maison est généralement liée à une volonté de devenir plus indépendant par rapport aux parents, de procurer un meilleur futur aux enfants tout en se positionnant avantageusement par rapport aux autres familles du village. À cet égard, nous avons aussi pu observer que lorsqu‟elle dure plus de trois ou quatre ans, la migration transnationale contractuelle permet généralement aux familles des migrants de procéder à des ajouts à leur maison (mobilier de plus grande qualité, appareils électroniques, deuxième étage, pièce supplémentaire, puits artésien, etc.) ou à des rénovations majeures qui les démarquent des autres familles du village.