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2. LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE DES TRAVAILLEURS JOURNALIERS DE DZIDZANTUN

2.5 L A MIGRATION COMME STRATÉGIE ÉCONOMIQUE PRIVILÉGIÉE

2.5.1 La migration interne

À partir des années 1970, la migration interne est devenue une solution majeure aux difficultés économiques qu‟expérimentaient les travailleurs journaliers du Yucatán. Cancún, Cozumel et plus tard, la Riviera Maya sont alors devenus des aimants pour les travailleurs yucatèques, lesquels ont massivement migré vers ces destinations pour y tenter leur chance. Ces mouvements migratoires internes ont accéléré la diminution des activités agricoles dans l‟ensemble de la péninsule du Yucatán (Dufresne, 1999 : 247). Se référant à Yaxbe, un village du Yucatán situé près de Mérida, Hull (2007) décrit comment le tourisme

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du Quintana Roo est ainsi devenu le facteur le plus important de la migration interne, particulièrement pour les jeunes hommes.

In the 1970s, when Cancun and the tourist islands of Cozumel and Isla Mujeres were being developed, many opportunities were available for men in carpentry, masonry and other skilled and semiskilled trades. Many men, young and middle aged learned valuable skills during these years that they were able to apply when they returned to the village. Now, the resorts continue to draw young people and families who seek employment in the restaurants, hotels, and tourist shops there. Cancun and Cozumel are only a one-day journey from Yaxbe, so workers frequently return home on the weekends and for special occasions. They are able to maintain ties with the village, and also procure jobs for their relatives, resulting in a continuous flow of people back and forth (Hull, 2007: 193-194).

Or, comme le mentionne Hull, contrairement à la migration transnationale, la migration interne permet aux travailleurs de conserver des liens plus étroits avec leur réseau primaire (famille, amis). En effet, plusieurs migrants choisissent de revenir dans leur village d‟origine de façon intermittente. Dans plusieurs cas, les cycles de la saison touristique et ceux de la saison agricole sont complémentaires, ce qui permet de combiner le travail agricole au travail dans l‟industrie touristique. En effet, comme la saison touristique atteint son apogée entre les mois de décembre et mars, mois durant lesquels le travail agricole est à son plus bas, les agriculteurs du nord du Yucatán peuvent passer quelques mois à travailler en ville sans trop compromettre leur travail agricole. Comme la partie plus intense du travail agricole correspond avec la baisse de l‟activité touristique au Quintana Roo, il est alors possible de combiner les deux types d‟activités (Dufresne, 1999 : 261).

Dans le village de Dzidzantún, il existe aussi ces mouvements migratoires vers les zones touristiques du Quintana Roo. Cependant, selon un de nos informateurs, ce mouvement migratoire serait limité aux travailleurs faiblement scolarisés puisque la majorité des emplois disponibles dans ces zones touristiques sont manuels. Ainsi, étant donné la situation difficile de l‟emploi dans les secteurs primaires du village (pêche, construction, agriculture, etc.), de nombreux travailleurs peu scolarisés quittent Dzidzantún afin de trouver un emploi dans l‟industrie touristique au Quintana Roo.

Esa gente que no tiene educación, mayormente se va, por ejemplo, a la Riviera Maya. ¿Por qué? Pueden ser jardineros, pueden ser afanadores y algunas de las veces, cuando ellos se ponen así, como decimos acá, abusados, aprenden el

57 inglés, aprenden otro idioma y muchas veces se pueden convertir en taxistas, se pueden convertir en guías de turistas. Yo tengo un primo que hace veintidós años, se fue a vivir a Cozumel. Hoy en día, ya después de diecisiete años, es un guía de buceo, es un guía de turistas pero en buceo. Él enseña en los arrecifes de Cozumel y todo y a él le va bien porque mayormente, bucea mucha gente extranjera. Entonces, él ya domina al ciento por ciento el inglés, pero, ¿por qué le hizo emigrar? Por lo mismo. Porque la economía de sus padres no era suficiente, porque no tenía las oportunidades. Entonces, eso hizo de que se vaya67 (Domingo, chercheur universitaire).

Cependant, à Dzidzantún, il semblerait aussi qu‟il y ait de moins en moins de travailleurs qui osent faire le chemin vers les zones touristiques du Quintana Roo à cause du climat d‟insécurité qui y règne de plus en plus dans le contexte des affrontements entre les groupes armés liés au narcotrafic.

Lo que te decía, mayormente era la Riviera Maya, pero ¿por qué no va ahorita? Por el problema, el conflicto que hay, social, en el sentido de los enfrentamientos de los grupos armados. Cancún es un lugar turístico, pero que es un collage, es una mezcla de diversas culturas, de diversas nacionalidades tanto a nivel nacional como a nivel internacional que se quedaron, bajaron a Cancún a vivir. Así, como gente de Dzidzantún se fue a vivir en Cancún para buscar fuentes de empleo. Vinieron de Veracruz, de Chiapas, de Tabasco, de México, unos de otros países. Entonces, ¿qué pasa? Hoy en día, es la realidad, hace de que hayan grupos armados que se pueden involucrar en ese centro turístico y que también hayan enfrentamientos de grupos buscando poder de las plazas. “¿Para qué? Me van a matar allá, mejor me quedo en Dzidzantún aunque yo gane 100 pesos”68 (Ángel, politicien local).

En plus du haut niveau de dangerosité que plusieurs gens du village de Dzidzantún attribuent aux villes touristiques du Quintana Roo, le coût de la vie y est très élevé. Or cela

67 Ces gens qui n'ont pas d'éducation, la plupart vont, par exemple, à la Riviera Maya. Pourquoi? Ils peuvent

être jardiniers, concierges et de temps en temps, quand ils se font maltraiter, comme on dit ici, ils apprennent l'anglais, ils apprennent une autre langue et ils peuvent devenir chauffeurs de taxi, ils peuvent devenir guides touristiques. J'ai un cousin qui est déménagé à Cozumel il y a vingt-deux ans. Aujourd'hui, et après dix-sept ans, il est guide de plongée, guide touristique, mais de plongée. Il enseigne dans les récifs de Cozumel et tout et il le fait bien, car la plupart du temps, ce sont des étrangers qui plongent en apnée. Puis, il maîtrise l‟anglais à cent pour cent, mais pourquoi a-t-il émigré? Pour la même raison. Parce que les finances de ses parents n'étaient pas assez bonnes, parce qu‟il n‟avait pas d‟opportunités. Alors, c‟est cela qui l‟a amené à s‟en aller.

68 Ce que je t‟ai dit, c'était surtout pour la Riviera Maya, mais pourquoi ils n‟y vont pas en ce moment? À

cause du problème de conflit social qu‟il y a par rapport à la lutte contre les groupes armés. Cancún est un lieu touristique, mais c‟est un collage, c‟est un mélange de différentes cultures, de différentes nationalités aux niveaux national et international qui sont allés à Cancún pour y vivre. Ainsi, en tant qu‟habitants de Dzidzantún, ils sont allées vivre à Cancún pour y trouver des possibilités d'emploi. Ils sont venus de Veracruz, Chiapas, Tabasco, de Mexico et certains d'autres pays. Donc, que se passe-t-il? Aujourd'hui, c'est la réalité, ça fait que des groupes armés peuvent être impliqués dans ce centre touristique et qu‟il y a également des affrontements entre des groupes qui cherchent le pouvoir dans les places centrales. « Pourquoi aller là-bas? Ils vont me tuer là-bas. Je préfère rester à Dzidzantún même si je gagne 100 pesos ».

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diminue les possibilités d‟épargner suffisamment d‟argent pour que la migration interne en vaille véritablement la peine. En effet, plusieurs travailleurs que nous avons interviewés nous ont souligné qu‟il est très difficile d‟économiser lorsqu‟on vit dans un endroit comme Cancún. Étant donné l‟importance de ces représentations par rapport au niveau élevé de dangerosité et aux coûts prohibitifs de la vie au Quintana Roo, plusieurs travailleurs préfèrent opter pour la migration vers les États-Unis.