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Statique des tiges et arcs ´ elastiquement flexibles

Dans le document Mécanique des Milieux Continus I (Page 148-184)

Statique des milieux curvilignes

4.5 Statique des tiges et arcs ´ elastiquement flexibles

4.5.1 Le probl`eme du flambement d’Euler

Le flambement est un ph´enom`ene qui peut conduire brutalement `

a la rupture d’une structure ´elanc´ee sans qu’il y ait eu de signes avant-coureurs. Le probl`eme-type est celui de l’elastica trait´e pour la premi`ere fois par Euler (portrait ci-contre) en 1744. Il s’agit d’une tige droite ´elastiquement flexible et inextensible soumise `a une force de com-pression. Tant que la force reste en dessous d’une valeur critique F0 la tige reste droite sans se d´eformer, mais au-del`a de cette valeur critique elle fl´echit et ce d’autant plus que la charge critique a ´et´e d´epass´ee. C’est l’exemple-type de bifurcation d’´equilibre super-critique. La cons´equence de cette flexion post-flamb´ee pour des structures r´eelles est qu’elles sont alors ´egalement sollicit´ees en traction et elles peuvent rompre si elles n’ont pas ´et´e dimensionn´ees en cons´equence.

Portrait de Leonhard Euler par Jakob Emanuel Handmann (1753)

Figure 4.12 – Le ph´enom`ene de flambement : `a gauche, configuration d’´equilibre rectiligne tant que la force de compression ne d´epasse pas une valeur critique ; `a droite, configuration d’´equilibre fl´echie quand la force de compression a d´epass´e la valeur critique.

Le probl`eme de l’elastica : tige inextensible, ´elastiquement flexible, encastr´ee-charg´ee L’objectif de cette section est de traiter de fa¸con compl`ete le probl`eme mod`ele de l’elastica qui est celui que consid´era Euler.

1. Sa formulation initiale. On consid`ere une tige inextensible de longueur `R, ´elastiquement flexible avec un module de rigidit´e `a la flexion EI dont la configuration de r´ef´erence naturelle rectiligne est xR(S) = Se1, S ∈ (0, `R). Son extr´emit´e S = 0 est encastr´ee en O dans la direction e1 alors que son extr´emit´e S = `R est soumise `a la force F = −Fe1 de direction fixe et dont l’intensit´e sera prise comme param`etre de chargement, le signe moins ´etant introduit de fa¸con `a ce queF > 0 corresponde `

a une compression. La pesanteur est n´eglig´ee. Le probl`eme aux limites se formule donc de la fa¸con suivante :

D- 4.9 (Le probl`eme aux limites de l’elastica). Pour F ∈ R donn´e, trouver S 7→ (x(S), α(S)) et S 7→ (R(S), M(S)) v´erifiant

• les relations g´eom´etriques dans (0, `R) : x0(S) = cos α(S)e1+ sin α(S)e2 • les efforts int´erieurs dans (0, `R) : R(S) = N (S)x0(S) + T (S)e3∧x0(S)

• les ´equations d’´equilibre dans (0, `R) : (

R0(S) = 0

M0(S) + T (S) = 0

• les conditions aux limites en 0 et `R : ( x(0) = 0 α(0) = 0 , ( R(`R) =−Fe1 M (`R) = 0 • la relation constitutive dans (0, `R) : M (S) = EIα0(S)

On notera que la condition d’inextensibilit´e est automatiquement v´erifi´ee puisque kx0(S)k = 1. 2. Sa formulation r´eduite. L’´equation locale d’´equilibre des forces dit que la force int´erieure R(S) doit ˆetre constante. La condition `a la limite en `R dit que cette constante est la force appliqu´ee. En projetant suivant la tangente et la normale on obtient donc

R(S) =−Fe1, N (S) =−F cos α(S), T (S) = F sin α(S) ∀S ∈ (0, `R).

En reportant dans l’´equation locale d’´equilibre des moments et en utilisant la condition d’encastrement en 0 et de moment nul en `R, on obtient le syst`eme diff´erentiel r´egissant l’angle tangent S7→ α(S) :

(Le probl`eme r´eduit de l’elastica) (

EIα00(S) +F sin α(S) = 0, ∀S ∈ (0, `R)

α(0) = 0, α0(`R) = 0 (4.15)

Une fois ce probl`eme r´esolu, on obtient la configuration d’´equilibre par une simple int´egration : x(S) = Z S 0 cos α(ζ)dζe1+ Z S 0 sin α(ζ)dζe2. Tout se ram`ene donc `a la r´esolution de (4.15).

3. La m´ethode de r´esolution. Remarquons d’abord que la configuration de r´ef´erence (correspondant `

a α(S) = 0 pour tout S) est toujours configuration d’´equilibre quelle que soit la force appliqu´ee. C’est la solution fondamentale. Le probl`eme du flambement est de trouver les autres configurations d’´equilibre. Le syst`eme diff´erentiel (4.15) ressemble `a l’´equation du pendule. L’´equation diff´erentielle est la mˆeme, l’abscisse curviligne S jouant ici le rˆole de la variable de temps. Toutefois, il y a une diff´erence essentielle qui tient aux conditions aux limites. Il s’agit ici d’un probl`eme aux limites avec une et une seule condition `a la limite en chaque extr´emit´e, alors que le probl`eme du pendule est un probl`eme de Cauchy avec deux conditions initiales en une extr´emit´e (par exemple, la donn´ee de α(`R) et α0(`R)). Alors que dans le probl`eme de Cauchy on est assur´e de l’unicit´e, ce n’est plus le cas ici. On

n’est plus assur´e que α≡ 0 soit la seule solution et le ph´enom`ene de flambement correspond justement `

a cette perte d’unicit´e. On peut toutefois se servir de cette propri´et´e d’unicit´e de la solution d’un probl`eme de Cauchy pour construire les solutions du probl`eme aux limites. C’est la m´ethode de tir. On se donne la condition manquante `a une extr´emit´e, par exemple α(`R) = α`10 et on consid`ere le probl`eme de Cauchy

(

EIα00(S) +F sin α(S) = 0, ∀S ∈ (0, `R)

α(`R) = α`, α0(`R) = 0 (4.16)

o`uF ∈ R et α`∈ [−π, π] sont donn´es. Ce probl`eme admet une solution unique qui d´epend des donn´ees F et α`. Notons-la S7→ α[F, α`](S) en faisant apparaˆıtre entre crochets la d´ependance aux param`etres F et α`. Pour qu’elle soit solution du probl`eme aux limites r´eduit de l’elastica il faut et il suffit qu’elle s’annule en 0, ce qui fournit l’´equation implicite reliant α` etF :

α[F, α`](0) = 0. (4.17)

Par cons´equent, pour un F donn´e, `a tout α` satisfaisant (4.17) on peut associer une et une seule solution du probl`eme de l’´elastica. R´eciproquement, toute solution du probl`eme de l’elastica doit satisfaire (4.17). La discussion du nombre de solutions se ram`ene donc `a l’´etude de (4.17). C’est ce que nous ferons dans les prochains paragraphes.

4. Calcul direct de la charge de flambement et des points de bifurcation. Il s’av`ere que l’on n’a pas besoin de r´esoudre le probl`eme non lin´eaire complet pour d´eterminer la charge critique de flambement. La m´ethode se base sur la remarque suivante : α≡ 0 ´etant toujours solution, les solutions se trouvant sur les branches qui bifurquent de la branche fondamentale doivent correspondre, pr`es du ou des points de bifurcation, `a des solutions o`u S 7→ α(S) est voisin de 0 sans ˆetre identiquement nul. On peut donc les trouver en lin´earisant (4.15), lin´earisation qui consiste `a remplacer sin α par α. Ce syst`eme diff´erentiel lin´earis´e est appel´e probl`eme de bifurcation. De fa¸con pr´ecise, il s’agit de trouver F ∈ R et S 7→ α(S) tels que

(Le probl`eme de bifurcation de l’elastica)

     α6≡ 0 EIα00(S) +Fα(S) = 0, ∀S ∈ (0, `R) α(0) = 0, α0(`R) = 0 (4.18)

Ce probl`eme lin´eaire est en fait un probl`eme aux valeurs propres, la force F ´etant la valeur propre et S 7→ α(S) le mode propre. Dans le cas d’esp`ece, la r´esolution est ´el´ementaire. Remarquons tout d’abord queF est n´ecessairement strictement positif. En effet, multiplions l’´equation diff´erentielle par α(S) et int´egrons sur (0, `R) pour finalement obtenir apr`es une int´egration par parties o`u les termes de bord disparaissent du fait des conditions aux limites :

F Z `R 0 α(S)2dS =− Z `R 0 EIα00(S)α(S)dS = + Z `R 0 EIα0(S)2dS > 0.

10. On pourrait tout aussi bien se donner α0(0) = κ0 et r´esoudre le probl`eme de Cauchy associ´e aux deux conditions

DoncF > 0. La solution g´en´erale de l’´equation diff´erentielle est α(S) = a cos r F EIS ! + b sin r F EIS ! , la condition `a la limite α(0) = 0 donne a = 0 et la condition α0(`R) = 0 donne

b cos r F EI`R ! = 0.

Mais comme α 6≡ 0, on doit avoir b 6= 0 et c’est donc le cosinus qui doit s’annuler. Cela donne la famille de valeurs propres possibles

Fn= (2n + 1)2π

2EI 4`2

R

, n∈ N. Le mode propre associ´e s’´ecrit

αn(S) = α`sin  (2n + 1)πS 2`R  , α`∈ R, l’amplitude α` ´etant arbitraire. En r´esum´e, on a donc obtenu11

P-4.6 (Charge de flambement, mode de flambement et points de bifurcations). Le probl`eme de bi-furcation montre qu’il existe une suite croissante de points de bibi-furcation sur la branche fondamentale, les forces et modes de bifurcation correspondant ´etant donn´es par

Fn= (2n + 1)2π 2EI 4`2 R , αn(S) = α`sin  (2n + 1)πS 2`R  , α`∈ R, n∈ N.

Le premier point de bifurcation correspond `a la charge de flambement F0 et au mode de flambement α0(S) : F0= π 2EI 4`2R , α0(S) = α`sin πS 2`R 

dont l’amplitude α` reste arbitraire dans cette ´etude lin´earis´ee.

On peut aussi calculer la configuration d’´equilibre associ´ee `a chaque mode propre par simple int´egration. Sachant que les expressions pr´ec´edentes ne sont en fait de bonnes approximations que pour des valeurs de α` faibles, on peut approcher cos αn(S) par 1 et sin αn(S) par αn(S). On en d´eduit

xn(S)≈ Se1+ ` (2n + 1)π  1− cos  (2n + 1)πS 2`R  e2. (4.19)

11. Insistons sur le fait que ces branches bifurqu´ees et les modes de bifurcation ne sont que des approximations (du fait de la lin´earisation) des vraies branches bifurqu´ees et des vrais modes de bifurcation. Seuls les points de bifurcation sont

exacts. De plus, il n’est pas possible de savoir `a ce stade de la r´esolution quelle est la bonne configuration d’´equilibre,

Le mode de flambement donne seulement l’allure de la forme flamb´ee au voisinage de la charge de flambement. L’amplitude et la forme exactes de la forme flamb´ee ne seront d´etermin´ees qu’une fois le probl`eme non-lin´eaire enti`erement r´esolu.

(i) Diagramme de bifurcation lin´earis´e (ii) Modes de flambement lin´earis´es

Figure 4.13 – A gauche : diagramme de bifurcation dans le plan (F, α`) au voisinage de la branche fondamentale pour le probl`eme de l’elastica ; `a droite : configuration d’´equilibre de l’elastica dans les modes de flambement associ´es. Les modes sont normalis´es de fa¸con `a ce que|αn(`R)| = π/4 pour tous les n.

5. Calcul exact des branches bifurqu´ees. On adopte la m´ethode de tir pr´esent´ee `a l’´etape 3. Par sym´etrie on a α[F, −α`] =−α[F, α`] et donc si α` est solution de α[F, α`](0) = 0 pour un certainF alors −α` l’est ´egalement pour ce mˆeme F. Comme α` = 0 correspond `a la branche fondamentale, on peut ne consid´erer que le cas o`u α`∈ (0, π]. La premi`ere ´etape consiste `a construire une int´egrale premi`ere de l’´equation diff´erentielle (4.16). Pour cela on la multiplie par α0(S) et on remarque que l’on obtient une diff´erentielle exacte :

0 = EIα00(s)α0(S) +F sin(α(S))α0(S) = d dS

1

2EIα0(S)2− F cos(α(S)) , ∀s ∈ (0, `R).

La constante d’int´egration s’exprime en fonction des donn´ees en `Ret on obtient une ´equation du type α02= ϕ(α) :

EIα02= 2F cos α − cos α`, (4.20)

qui est une ´equation diff´erentielle du premier ordre `a variables s´epar´ees. On peut la repr´esenter dans l’espace des phases (α, α0), la relation entre α et α0 donnant un point qui doit se trouver sur une courbe ferm´ee qui d´epend du param`etre de tir α` et de la force F, cf Figure 4.14.

Figure 4.14 – Espace des phases : relation entre α0 et α pour diff´erentes valeurs du param`etre de tir α`; interpr´etation graphique de l’int´egration de l’´equation diff´erentielle pour une valeur de α`. En vertu du fait que α doit croˆıtre (par rapport `a S) quand α0 est positif et d´ecroˆıtre quand α0 est n´egatif, la courbe ferm´ee doit ˆetre d´ecrite dans le sens anti-trigonom´etrique. Comme α(0) = 0, on doit partir du point A ou du point A0; comme α(`R) = α`, on doit arriver au point B. Une premi`ere solution est de d´ecrire l’arc AB en parcourant la courbe ferm´ee sur un quart de tour, une deuxi`eme est de d´ecrire l’arc A0B en parcourant la courbe ferm´ee sur trois-quarts de tour et ainsi de suite la n`eme solution consistant `a d´ecrire la courbe sur (2n− 1) quarts de tour. Chaque quart de tour dans l’espace des phases correspond `a une distance ` parcourue dans l’espace physique donn´ee par

` :=r EI FK(α`) avec K(α`) := Z α` 0 dα p2(cos α − cos α`).

L’int´egrale K(α`) est une int´egrale elliptique de premi`ere esp`ece. En faisant le changement de variable α→ θ d´efini par sin(α/2) = sin(α`/2) sin θ o`u θ varie de 0 `a π/2 quand α varie de 0 `a α`, l’int´egrale peut s’´ecrire K(α`) = Z π/2 0 dθ q 1− sin2 α` 2 sin2θ .

Sous cette forme il est facile de voir que K(α`) croˆıt de π/2 `a +∞ quand α` croˆıt de 0 `a π.

Comme on doit avoir parcouru la distance `R dans l’espace physique quand on a fait (2n + 1) quarts de tour dans l’espace des phases, la n`eme branche solution du probl`eme de l’elastica est donc telle que (2n + 1)` = `R, ce qui se traduit par la relation suivante entre la force et le param`etre de tir :

F = (2n + 1)2K(α`)2EI `2

R

o`u on a r´eintroduit les valeurs n´egatives de α` par sym´etrie. Comme K(0) = π/2 on retrouve pour α` les valeurs des points de bifurcation Fn trouv´ees au paragraphe pr´ec´edent `a partir du probl`eme de bifurcation. Mais maintenant on a obtenu les branches exactes passant par les points de bifurcation et mˆeme toutes les branches puisque notre construction par la m´ethode de tir est exhaustive. Les cinq premi`eres branches sont repr´esent´ees dans la Figure 4.15.

On peut noter quelques propri´et´es remarquables :

• Il n’existe aucune branche du cˆot´e des F n´egatifs, i.e. du cˆot´e des forces de traction. Le flambe-ment d’un milieu curviligne ne peut avoir lieu qu’en compression ;

• Chaque branche coupe la branche fondamentale au point de bifurcation trouv´e dans l’analyse lin´eaire. Le diagramme de bifurcation de la figure 4.13 issu de l’analyse lin´eaire est un “zoom” du vrai diagramme de bifurcation au voisinage de la branche fondamentale ;

• Il n’existe pas de bifurcations secondaires sur les branches bifurqu´ees ;

• Les branches sont sym´etriques, ce qui veut dire que la tige peut flamber aussi bien d’un cˆot´e que de l’autre. Seules les imperfections ou la dynamique permettront de choisir le cˆot´e.

• Toutes les branches convergent vers α`=±π quand F tend vers l’infini. Nous verrons que cela correspond `a une configuration d’´equilibre voisine de celle d’un fil inextensible.

• Il resterait `a ´etablir quelles sont les branches stables. Ceci sera fait au chapitre 5 apr`es l’intro-duction d’un crit`ere de stabilit´e ´energ´etique.

`

F

Figure 4.15 – Les cinq premi`eres branches bifurqu´ees exactes pour le probl`eme de l’elastica dans le plan (F, α`)

6. Etude des positions d’´equilibre flamb´ees. Consid´erons une valeur de F sup´erieure `a la charge de flambement F0. Il existe deux valeurs possibles ±α` de l’angle tangent `a l’extr´emit´e `R qui sont solutions de

F = K(α`)2EI `2

R

(Relation entre la force appliqu´ee et l’angle tangent `a l’extr´emit´e `R) (4.22) et qui se trouvent donc sur la premi`ere branche bifurqu´ee (n = 0). Retenons la valeur α` ∈ (0, π). `A cette valeur de l’angle tangent en `R est associ´ee une et une seule solution du probl`eme de Cauchy (4.16). Par construction, comme elle v´erifie aussi la condition d’encastrement α(0) = 0, c’est une configuration d’´equilibre. C’est mˆeme la seule configuration d’´equilibre associ´ee `a cette valeur de la force qui soit situ´ee sur la premi`ere branche bifurqu´ee du cˆot´e des α > 0. Il reste `a d´eterminer s7→ α(s) et s7→ x(s). Pour l’angle tangent, en se servant du diagramme (α, α0) de la figure 4.14, on voit que le point d´ecrit le quart de tour en partant de A pour arriver en B quand s croˆıt de 0 `a `R. Par cons´equent α0 > 0, α est une fonction strictement croissante de S et on tire de (4.20) et (4.22)

p2(cos α − cos α`) = K(α`) dS

`R

. (4.23)

En int´egrant et en tenant compte de la condition d’encastrement en S = 0, on obtient S en fonction α, i.e. la fonction α7→ S(α) inverse de la fonction S 7→ α(S) :

S(α) = `R K(α`) Z α 0 dβ p2(cos β − cos α`),

l’int´egrale ´etant une int´egrale elliptique de premi`ere esp`ece que l’on peut aussi transformer `a l’aide du changement de variable α → θ. Pour d´eterminer la position, on utilise la d´efinition du vecteur tangent x0 = cos αe1 + sin αe2 et l`a encore on va naturellement tomber sur une param´etrisation de la configuration d’´equilibre non pas par l’abscisse curviligne mais par l’angle tangent. En effet, en utilisant (4.23) on obtient            dx1= cos α dS = `R K(α`) cos α dα p2(cos α − cos α`) dx2= sin α dS = `R K(α`) sin α dα p2(cos α − cos α`) .

En int´egrant et en tenant compte de la condition de fixation en O, on obtient la courbe param´etr´ee par l’angle tangent :

x(α) = `R K(α`) Z α 0 cos β dβ p2(cos β − cos α`) e1+  sinα` 2 − r sin2 α` 2 − sin2 α2  e2 ! , (4.24)

la premi`ere int´egrale (qui donne x1) pouvant s’exprimer en termes d’int´egrales elliptiques de premi`ere et de deuxi`eme esp`ece. En r´esum´e, `a une valeur de la force F > F0 on associe la valeur de α` > 0 donn´ee par (4.22) et la configuration d’´equilibre param´etr´ee par α donn´ee par (4.24).

1.01 F0 £F0 1.1 F0 1.5 F0 2. F0 5. F0 15. F0 50. F0 1 1ê2 -1ê2 -1 1ê2 1 x1/`R 1.01 F0 1.1 F0 1 1ê2 1ê2 x1/`R

Figure 4.16 – `A gauche : les configurations d’´equilibre de l’elastica apr`es flambement (correspondant `

a la premi`ere branche bifurqu´ee) pour diff´erentes valeurs de la force appliqu´ee (la valeur est indiqu´ee `

a l’extr´emit´e de la courbe en proportion de la force de flambementF0). `

A droite : comparaison des configurations d’´equilibre exactes (trait plein) et approch´ees (en pointill´e) pour des valeurs de la force proches de la charge de flambement. Les configurations approch´ees sont obtenues `a partir de (4.19) en prenant pour angle tangent `a l’extr´emit´e la valeur exacte.

Sur les figures 4.16 droite et gauche sont repr´esent´ees les configurations d’´equilibre correspondant `a des valeurs croissantes de la force appliqu´ee. On peut en particulier remarquer que

• La position flamb´ee exacte est bien approch´ee par le mode de flambement calcul´e `a partir du probl`eme de bifurcation lin´earis´e lorsque la force est proche de la charge de flambement (jusqu’`a quelques pourcents au dessus), comme le montre la figure 4.16 de droite.

• La d´eflexion, i.e. la valeur de x2´evolue tr`es vite d`es que l’on a d´epass´e la charge de flambement. En effet on peut voir sur la position d’´equilibre correspondant `a une force 10% sup´erieure `a la charge de flambement que la d´eflexion de l’extr´emit´e est environ ´egale `a la moiti´e de la longueur de la tige, x2(`R)≈ `R/2.

• Lorsqu’on augmente la force, la tige s’oriente progressivement vers l’axe des x1 n´egatifs. On notera qu’il subsiste toutefois toujours un ´ecart par rapport `a la configuration S 7→ x0(S) = −Se1

qui serait celle d’un fil inextensible n’ayant aucune rigidit´e `a la flexion. Cet ´ecart tient `a la condition d’encastrement et `a la non nullit´e de la rigidit´e `a la flexion comme nous allons le montrer dans le paragraphe suivant.

7. Comportement asymptotique pour des grandes valeurs de F et couche limite. Commen¸cons par comparer les r´esultats que vous venons d’obtenir pour une tige inextensible ´elastiquement flexible avec ceux donn´es par le mod`ele de fil inextensible. Pour un fil inextensible, l’´equilibre des forces donne aussi R(S) =−Fe1 et comme le moment fl´echissant est nul par d´efinition, l’´equation d’´equilibre des moments se r´eduit `a T (S) = 0. Les ´equations r´egissant l’angle tangent s’´ecrivent donc

Equilibre d’un fil inextensible : ∀S ∈ (0, `R), (

N (S) =−F cos α(S) T (S) =F sin α(S) = 0 ,

en rappelant que l’on n’´ecrit pas la condition d’encastrement pour un fil. Si l’on rajoute la condition de stabilit´e N (S)≥ 0, il ne reste plus qu’une configuration d’´equilibre possible qui est α(S) = π pour

tout S ∈ (0, `R). Du fait que le fil est fix´e au point O en son extr´emit´e S = 0, la position d’´equilibre est donc x(S) =−Se1.

Pour une tige poss´edant une rigidit´e `a la flexion, les calculs pr´ec´edents montrent que, lorsque la force appliqu´ee est grande par rapport `a la charge de flambementF0, la configuration d’´equilibre de la tige tend `a se rapprocher de celle d’un fil avec un angle tangent voisin de π partout sauf au voisinage de l’encastrement o`u la condition d’encastrement l’oblige `a partir avec un angle tangent nul, voir par exemple la configuration d’´equilibre correspondant `a F = 50F0 sur la figure 4.16. Cette transition entre α = 0 et α = π est un ph´enom`ene de couche limite que nous allons ´etudier.

Associons `a chaque valeurF de la force appliqu´ee une longueur caract´eristique ` en posant

` := r

π2EI

4F (longueur caract´eristique de la force appliqu´ee) .

Par cons´equent ` = `R quand F = F0 et donc plus la force appliqu´ee est grande devant la charge de flambement et plus la longueur caract´eristique est petite devant la longueur de la tige. R´e´ecrivons le probl`eme r´eduit de l’elastica (4.15) en faisant apparaˆıtre ` :

       4`2 π2 d2α dS2(S) + sin α(S) = 0, ∀S ∈ (0, `R) α(0) = 0 , α0(`R) = 0 . (4.25)

Math´ematiquement, quand ` est petit, on a affaire `a un probl`eme de perturbation singuli`ere, le petit param`etre affecte la d´eriv´ee d’ordre sup´erieur (ici la d´eriv´ee seconde de l’angle tangent). La solution asymptotique obtenue apr`es passage `a la limite du petit param`etre ne peut plus satisfaire certaines conditions aux limites par manque de r´egularit´e. Ici en passant `a la limite quand ` tend vers 0, on tombe sur le mod`ele de fil inextensible et si l’on ne retient que la solution α = π pour que le fil soit en tension, on ne peut plus satisfaire la condition d’encastrement. On est pass´e d’un mod`ele o`u la rigidit´e de flexion permettait de contrˆoler la courbure `a un mod`ele sans aucune rigidit´e qui autorise des discontinuit´es de la tangente. Ce qui nous int´eresse ici est d’´etudier le comportement de la solution pour des valeurs petites mais non nulles du param`etre. Partant de (4.25), en int´egrant une premi`ere fois `a l’aide de l’int´egrale premi`ere et en se pla¸cant sur la premi`ere branche bifurqu´ee avec α`∈ (0, π), on obtient        `2

π2 α02= sin2`/2)− sin2(α/2) dans (0, `R) α(0) = 0 , α0(`R) = 0, α(`R) = α`

(4.26)

avec α` reli´e `a ` par

Z π/2 0 dθ q 1− sin2 α` 2 sin2θ = π`R 2` .

Pour ´etudier le ph´enom`ene de couche limite, nous allons nous placer `a des ´echelles de longueur de l’ordre de `. (On pourrait le formaliser en faisant le changement de variable ζ = S/`, mais cela

alourdirait inutilement les notations et la pr´esentation.) Comme `R est grand devant `, l’extr´emit´e

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