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Le comportement ´ elastique

Dans le document Mécanique des Milieux Continus I (Page 81-98)

Essai brésilien

3.3 Le comportement ´ elastique

Cette section est d´edi´ee `a une ´etude d´etaill´ee du comportement ´elastique. On commence par pr´esenter une exp´erience fondamentale qui permet de mettre en ´evidence la dualit´e entre les efforts int´erieurs et les variables de d´eformation. On justifie ensuite l’existence d’un potentiel ´elastique `a partir d’un principe physique naturel. On propose enfin une construction de ce potentiel ´elastique en s’appuyant sur analyse tridimensionnelle simplifi´ee qui permet de distinguer les d´ependances du comportement `a la g´eom´etrie et au mat´eriau.

3.3.1 Justification de l’existence d’une ´energie ´elastique

Le processus de d´eformation envisag´e. Imaginons l’exp´erience suivante :

1. On consid`ere un milieu continu curviligne ´elastique homog`ene dans une configuration de r´ef´erence naturelle de longueur `Ret de courbure constante CR. Le milieu est homog`ene au sens o`u les relations de comportement ´elastique N = Ne(ε, κ) et M = Me(ε, κ) donnant l’effort normal et le moment fl´echissant en fonction des d´eformations d’extension et de flexion par rapport `a cette configuration de r´ef´erence ne d´ependent pas explicitement du point S5. La configuration de r´ef´erence est naturelle au sens o`u elle n’engendre pas d’efforts int´erieurs et donc Ne(0, 0) = 0, Me(0, 0) = 0.

2. On lui fait subir un trajet de d´eformation homog`ene6 le faisant passer de la configuration de r´ef´erence `a l’´etat de d´eformation homog`ene (ε, κ). Les ´etats de d´eformation interm´ediaires, tous ho-mog`enes, seront not´es (εt, κt). Ils ne d´ependent donc pas de S et leur d´ependance vis `a vis du param`etre t variant entre t0 et t1 est r´eguli`ere et telle que (εt0, κt0) = (0, 0) et (εt1, κt1) = (ε, κ). Ce processus de chargement est suppos´e “infiniment lent” de fa¸con `a pouvoir n´egliger les effets d’inertie et `a pou-voir consid´erer que le milieu est `a chaque instant t dans un ´etat d’´equilibre. Un tel processus est dit quasi-statique.

Nous nous proposons de calculer dans un premier temps l’´energie qu’il faut fournir (ou prendre) `a ce milieu pour r´ealiser ce processus de d´eformation. Nous introduirons ensuite l’hypoth`ese physique qui permet de conclure `a l’existence d’un potentiel ´elastique.

Travail des efforts ext´erieurs et travail de d´eformation

Utilisons la description lagrangienne pour d´ecrire les ´evolutions du milieu et la d´ependance par rapport `a t est indiqu´ee en indice, cf Section 1.4.1. L’´energie fournie par l’ext´erieur au milieu curviligne durant ce processus est ´egale au travail des efforts ext´erieurs. Par d´efinition, ce travail est l’int´egrale en temps de la puissance des efforts ext´erieurs,

W = Z t1

t0

Ptdt.

5. Ceci veut dire que les fonctions Neet Mesont ind´ependantes de S, mais ´evidemment les arguments ε et κ d´ependront

de S d`es lors que les d´eformations ne sont pas homog`enes.

La puissance Pt des efforts ext´erieurs `a l’instant t s’´ecrit Pt= Ft(0)· ˙xt(0) +Mt(0) ˙ωt(0) +

Z `R 0

(ft(S)· ˙xt(S) + mt(S) ˙ωt(S)) dS + Ft(`R)· ˙xt(`R) +Mt(`R) ˙ωt(`R) o`u (Ft(0),Mt(0)) et (Ft(`R),Mt(`R)) repr´esentent les efforts ext´erieurs aux extr´emit´es (`a l’instant t), (ft(S), mt(S)) sont les efforts lin´eiques par unit´e de longueur de la configuration de r´ef´erence, ˙xtet ˙ωt sont les champs de vitesse et de vitesse de rotation en repr´esentation lagrangienne, cf Chapitre 1. Cette expression de la puissance des efforts ext´erieurs peut ˆetre consid´er´ee comme une d´efinition, mais elle est naturelle : les forces travaillent dans les vitesses de leur point d’application, les moments dans les vitesses de rotation de la tangente `a leur point d’application et la puissance totale est la somme de toutes les puissances ´el´ementaires.

Les d´eformations ´etant homog`enes et le milieu ´etant lui-mˆeme homog`ene, les relations de compor-tement ´elastiques permettent de conclure que l’effort normal et le moment fl´echissant sont ´egalement homog`enes et donn´es par

Nt= Net, κt), Mt= Met, κt).

Par contre l’effort tranchant n’est pas donn´e par la loi de comportement. Comme le processus est quasi-statique, les efforts ext´erieurs et l’effort tranchant vont devoir s’ajuster de fa¸con `a ce que les ´equations d’´equilibre locales soient satisfaites. On a donc, en tenant compte du fait que Mt est homog`ene :

ft(S) =−R0t(S), mt(S) =−Tt(S) x0t(S) ,

le prime d´esignant la d´eriv´ee par rapport `a S. Le facteur kx0t(S)k (qui en fait est homog`ene et vaut 1 + εt) vient du fait que mt est la densit´e lin´eique de couples par unit´e de longueur de la configuration de r´ef´erence. Aux extr´emit´es, on doit avoir

Ft(0) =−Rt(0), Mt(0) =−Mt, Ft(`R) = Rt(`R), Mt(`R) = Mt.

Comme la d´eformation est homog`ene et que ˙κt= ˙ωt0(S), on a ˙ωt(`R)− ˙ωt(0) = ˙κt`R. De plus, cf (1.39), la vitesse de rotation s’exprime en terme de la vitesse de position par

x0t(S)

˙ωt(S) = ˙x0t(S)· nt(S).

En reportant dans l’expression de la puissance puis en faisant une int´egration par parties du terme R0t· ˙xt, on obtient Pt = −Rt(0)· ˙xt(0)− Z `R 0 R0t(S)· ˙xt(S) + Tt(S) ˙x0t(S)· nt(S)dS + Rt(`R)· ˙xt(`R) + Mt˙κt`R = Z `R 0 Rt(S)− Tt(S)nt(S) · ˙x0 t(S)dS + Mt˙κt`R= Z `R 0 Nt ˙x0t(S)· tt(S)dS + Mt˙κt`R.

Mais comme ˙x0t(S)· tt(S) = ˙εt, cf (1.37), et que la d´eformation et l’effort normal sont homog`enes, on obtient

En reportant dans l’expression du travail, on a finalement obtenu le r´esultat fondamental suivant P-3.3 (Travail de d´eformation). Dans un processus de d´eformation quasi-statique homog`ene, le tra-vail des efforts ext´erieurs est ´egal au travail de d´eformation qui est la somme du travail de l’effort normal dans la d´eformation d’extension et du travail du moment fl´echissant dans la d´eformation de flexion :

W = Z t1

t0

Nt˙εt+ Mt˙κtdt `R.

On ne s’est servi de la loi de comportement que pour s’assurer que l’effort normal et le moment fl´echissant ´etaient homog`enes. Cette propri´et´e se g´en´eralise donc `a tout milieu curviligne homog`ene dont la r´eponse `a une sollicitation homog`ene est homog`ene.

Ce r´esultat est fondamental puisqu’il fait apparaˆıtre que la d´eformation d’extension est bien la va-riable de d´eformation naturellement associ´ee `a l’effort normal et que la d´eformation de flexion est la variable de d´eformation naturellement associ´ee au moment fl´echissant. Un autre choix de variables de d´eformation aurait conduit `a une expression diff´erente et en g´en´eral beaucoup plus complexe du travail de d´eformation, cf Exercice 3.1.

Exercice 3.1. Donner l’expression du travail de d´eformation en prenant pour variables de d´eformation, la d´eformation de Green-Lagrange ε = ε +˜ 12ε2 et la variation de courbureκ = C˜ − CR.

Les efforts ext´erieurs mis en jeu

Il est ´egalement int´eressant de s’arrˆeter sur les efforts ext´erieurs n´ecessaires pour r´ealiser cette exp´erience. Si on parcourt la d´emonstration pr´ec´edente, on s’aper¸coit qu’ils ne sont pas d´etermin´es de fa¸con unique par les ´equations d’´equilibre et les conditions aux limites pour un milieu et un processus de d´eformation donn´es. On peut se donner arbitrairement `a chaque instant une r´epartition S7→ mt(S) de densit´e lin´eique de couples dans la mesure o`u elle est continue et diff´erentiable (par rapport `a S). En effet, on d´eduit alors l’effort tranchant de l’´equation d’´equilibre des moments, puis la densit´e ftde forces lin´eiques de l’´equation d’´equilibre des forces :

Tt(S) =−mt(S) 1 + εt, ft(S) =−mt(S)Cttt(S) + m0 t(S) 1 + εt − (1 + εt)NtCt  nt(S),

o`u Ct est la courbure `a l’instant t de la configuration d´eform´ee qui est reli´ee aux d´eformations par Ct= κt− CR

1 + εt

. Les forces aux extr´emit´es s’en d´eduisent ´egalement

Ft(0) =−Nttt(0) + mt(0)

1 + εtnt(0), Ft(`R) = Nttt(`R)mt(`R) 1 + εtnt(`R).

Par cons´equent, si on fait une exp´erience sans introduire de densit´e de couples, i.e. avec mt(S) = 0, alors l’effort tranchant est nul et les forces ext´erieures `a exercer se r´eduisent `a

On voit qu’il faut donc exercer une densit´e lin´eique uniforme de force normale `a la configuration d’´equilibre, son intensit´e variant avec la d´eformation impos´ee de fa¸con `a ´equilibrer les efforts normaux exerc´es `a chaque extr´emit´e. Ramen´ee `a une densit´e lin´eique par unit´e de longueur de la configuration d´eform´ee, cette “pression” (ce n’est pas vraiment une pression car l’unit´e de p est le N/m et non le N/m2).

p = CN (pression normale `a exercer pour ´equilibrer la tension). (3.5)

N N

p = CN

M M

Figure 3.12 – Efforts ext´erieurs `a imposer pour r´ealiser un essai de d´eformation homog`ene. Remarque 3.1. La relation pr´ec´edente entre la pression, l’effort normal et la courbure est identique `

a la loi de Laplace qui est utilis´ee pour mod´eliser les ph´enom`enes de tension superficielles dans les fluides. Cette co¨ıncidence n’est ´evidemment pas fortuite, car la loi de Laplace d´ecoule naturellement de l’´equilibre de la surface une fois que l’on a postul´e l’existence d’une tension superficielle.

Les propri´et´es du travail de d´eformation pour les milieux ´elastiques

Dans le cas ´elastique, le travail de d´eformation s’´ecrit (par unit´e de longueur de r´ef´erence du milieu) Wdef =

Z t1

t0 

Net, κt) ˙εt+ Met, κt) ˙κtdt.

Pour un milieu curviligne ´elastique donn´e, il d´epend a priori du trajet de d´eformation mais pas de la loi horaire avec laquelle il est d´ecrit. Cela tient au fait que la loi de comportement ne d´epend pas des vitesses de d´eformation. On peut le voir simplement en consid´erant deux processus de d´eformation empruntant un mˆeme trajet de d´eformation mais qui est parcouru k fois plus vite dans le deuxi`eme processus. Les vitesses sont multipli´ees par k, mais comme la dur´ee du processus est divis´ee par k le travail est inchang´e. De fa¸con g´en´erale, soit t 7→ τ = τ(t) une fonction continˆument diff´erentiable et strictement croissante et soit t7→ (ετt, κτt) un processus de d´eformation se d´eduisant du processus t 7→ (εt, κt) par le changement de loi horaire t 7→ τ(t). Il est facile de voir qu’ils donnent lieu au mˆeme travail de d´eformation (il suffit de faire le changement de variable t→ τ dans l’int´egrale). Ceci permet d’adopter les notations des formes diff´erentielles et d’´ecrire le travail de d´eformation comme la circulation de l’effort normal et du moment fl´echissant le long du trajet de d´eformation Γ :

Wdef =W(Γ) := Z

Γ

o`u Γ est la courbe orient´ee dans le plan (ε, κ) d´ecrivant le trajet emprunt´e. Il est clair que si on parcourt le trajet Γ en sens inverse, le travail le long de ce trajet r´etrograde ΓR est l’oppos´e du travail dans le trajet direct :

W(ΓR) =−W(Γ). Le principe physique invoqu´e et ses cons´equences

Enon¸cons d’abord le principe7 avant de l’´etudier.

D- 3.2 (Principe du travail de d´eformation positif). La loi de comportement doit ˆetre telle que, dans tout processus de d´eformation quasi-statique homog`ene et cyclique faisant partir et revenir le milieu curviligne au repos dans sa configuration de r´ef´erence naturelle, le travail de d´eformation est positif ou nul. Autrement dit, l’ext´erieur ne peut pas r´ecup´erer de l’´energie en lui faisant faire un cycle de d´eformation partant de son ´etat naturel.

1. Sa justification. Ce principe peut s’appliquer `a des comportements in´elastiques, mais nous nous contenterons de l’´etudier dans le cas ´elastique. Essayons d’en donner une justification dans ce cadre ´elastique. Les cycles de d´eformation envisag´es sont donc les trajets Γ dont l’´etat initial et l’´etat final est (0, 0). Si on pouvait trouver un cycle Γ tel que le travail correspondant soit n´egatif, i.e. W(Γ) < 0, alors, en r´eit´erant le cycle n fois, le travail serait ´egal `a nW(Γ), l’ext´erieur r´ecup´ererait une ´energie n fois plus grande. En faisant tendre n vers l’infini, cet ´el´ement de milieu curviligne ´elastique se comporterait comme une source d’´energie in´epuisable. Ce n’est manifestement pas r´ealiste, il faut donc supposer queW(Γ) ≥ 0 pour tout cycle Γ partant de (0, 0).

Figure 3.13 – Diff´erents trajets de d´eformation dans le plan (ε, κ). En rouge, trajet de d´eformation direct partant de la configuration naturelle ; en bleu, trajet r´etrograde permettant de faire un cycle ramenant `a la configuration naturelle ; en vert, trajet finissant par un segment de longueur h utilis´e pour montrer que l’effort normal d´erive du potentiel We.

7. Le principe tel qu’il est ´enonc´e ici ne porte pas de nom. Nous le baptisons principe du travail de d´eformation positif. On en trouve un bas´e sur la mˆeme id´ee en plasticit´e mais qui n’est pas strictement identique, il porte le nom de postulat d’Ilyushin.

2. Ses cons´equences. Nous nous proposons de montrer en plusieurs ´etapes l’existence d’une ´energie ´elastique.

(a) Il ne peut pas exister un cycle partant de (0, 0) dont le travail correspondant est strictement positif. En effet, s’il existait un tel cycle Γ, alors le travail dans le cycle r´etrograde ΓR serait−W (Γ) < 0 et le principe serait viol´e. On doit n´ecessairement avoir

W(Γ) = 0 pour tout cycle Γ partant de (0, 0)8.

(b) Montrons qu’alors le travail de d´eformation dans un trajet Γ partant de (0, 0) et arrivant `a (ε, κ) ne d´epend que de (ε, κ) et pas du chemin suivi pour y arriver. Pour cela consid´erons deux trajets Γ1 et Γ2 partant de (0, 0) et arrivant tous deux `a (ε, κ). Consid´erons le trajet Γ consistant en la concat´enation du trajet Γ1 et du trajet r´etrograde ΓR

2 de Γ2. Le trajet Γ ´etant un cycle partant de (0, 0), on doit avoirW(Γ) = 0. On obtient donc

0 =W(Γ) = W(Γ1) +W(ΓR

2) =W(Γ1)− W(Γ2) qui est exactement la propri´et´e voulue,W(Γ1) =W(Γ2).

(c) Par cons´equent, on peut d´efinir la fonction (ε, κ)7→ We(ε, κ), appel´ee potentiel ´elastique, donnant le travail de d´eformation associ´e `a n’importe quel trajet de d´eformation partant de (0, 0) et finissant en (ε, κ). Par construction, on a We(0, 0) = 0.

(d) Montrons que Ne et Me d´erivent de ce potentiel, i.e. N = ∂We

∂ε (ε, κ), M =

∂We

∂κ(ε, κ), (3.6)

ce qui justifiera la terminologie. Pour cela construisons d’abord le trajet Γh comme la concat´enation du trajet Γ0 partant de (0, 0) et arrivant en (ε, κ), suivi du segment partant de (ε, κ) et arrivant en (ε + h, κ). En utilisant la d´efinition du travail de d´eformation et l’existence du potentiel We, on obtient

We(ε + h, κ)− We(ε, κ) = Z 1

0

Ne(ε + th, κ)h dt,

le deuxi`eme membre ´etant le travail de d´eformation le long du segment parall`ele `a l’axe des ε pa-ram´etris´e par t∈ [0, 1], le long duquel ˙κt = 0 et ˙εt = h. En divisant par h, en utilisant la continuit´e de Ne et en passant `a la limite quand h→ 0 on obtient la relation souhait´ee pour l’effort normal. En consid´erant ensuite un segment partant de (ε, κ) et arrivant en (ε, κ + h) et en proc´edant de fa¸con similaire, on obtient la relation souhait´ee pour le moment fl´echissant.

(e) Interpr´etons We. Par construction, We(ε, κ) repr´esente l’´energie que doit fournir l’ext´erieur9 pour d´eformer un ´el´ement de longueur du milieu curviligne dans un processus quasi-statique homog`ene le faisant passer de son ´etat naturel `a son ´etat d´eform´e (ε, κ). Comme cette ´energie est ind´ependante du trajet de d´eformation suivi, on peut consid´erer que We(ε, κ) est la densit´e lin´eique d’´energie de d´eformation ´elastique que poss`ede le milieu curviligne dans cet ´etat de d´eformation. Cette fonction

8. Il est possible d’en d´eduire ipso facto que W(Γ) = 0 est nul dans tout cycle Γ.

9. Ce qualificatif d’´energie fournie par l’ext´erieur au milieu doit ˆetre entendue au sens alg´ebrique : l’ext´erieur donne

We joue aussi le rˆole de potentiel vis `a vis de l’effort normal et du moment fl´echissant puisqu’ils en d´erivent en vertu de (3.6). On utilisera l’une ou l’autre des deux terminologies, ´energie ´elastique ou potentiel ´elastique, suivant la propri´et´e que l’on veut faire ressortir.

(f) Examinons enfin de quoi d´epend le potentiel ´elastique. Nous avons construit We en partant d’une configuration de r´ef´erence naturelle caract´eris´ee par sa courbure naturelle CR. La fonction We d´epend a priori de la courbure naturelle CR du milieu curviligne. Si l’on fabrique deux objets ´elanc´es avec le mˆeme mat´eriau, la mˆeme section, de mˆeme longueur, mais de courbures naturelles diff´erentes, il faudra a priori fournir une ´energie diff´erente pour les d´eformer d’une mˆeme d´eformation (ε, κ). Seule l’exp´erience ou une analyse tridimensionnelle pourront nous permettre de connaˆıtre cette d´ependance en CR. De plus, les raisonnements ont ´et´e faits en supposant que le milieu ´etait homog`ene et donc en particulier que la courbure naturelle ne d´ependait pas du point mat´eriel. Il s’agirait de refaire les raisonnements lorsque la configuration naturelle du milieu n’est pas `a homog`ene ou `a courbure non constante. Nous ne les referons pas et admettrons que le r´esultat reste valable localement, le potentiel We d´ependant alors du point mat´eriel S.

3. Conclusion. On peut r´esumer l’analyse faite dans cette section par la propri´et´e suivante

P- 3.4 (Existence d’une ´energie ´elastique). Un milieu curviligne ´elastique satisfait le principe du travail de d´eformation positif si et seulement s’il existe, en chaque point mat´eriel S, un potentiel ´

elastique (ε, κ)7→ We(S; ε, κ) continˆument diff´erentiable dont d´erive les relations de comportement donnant l’effort normal et le moment fl´echissant :

N = ∂We

∂ε (S; ε, κ), M = ∂We

∂κ(S; ε, κ) . (3.7)

La fonction potentiel We ne d´epend pas du point mat´eriel si le milieu curviligne est homog`ene et `a courbure naturelle constante.

Par construction, We(S; ε, κ)dS est l’´energie qu’il faut fournir `a l’´el´ement de longueur naturelle dS du milieu curviligne au point S pour le d´eformer dans un processus quasi-statique depuis son ´etat naturel en l’´etat de d´eformation(ε, κ). Par cons´equent We repr´esente aussi la densit´e lin´eique d’´energie ´

elastique du milieu par unit´e de longueur de r´ef´erence. Construite `a partir d’une configuration de r´ef´erence naturelle, elle v´erifie

We(S; 0, 0) = 0, ∂We

∂ε (S; 0, 0) = 0, ∂We

∂κ(S; 0, 0) = 0.

3.3.2 Formes et d´ependances possibles de l’´energie ´elastique

D´ependances au mat´eriau et `a la g´eom´etrie

La premi`ere question qui se pose est de savoir quelles sont les d´ependances du potentiel ´elastique `a la g´eom´etrie et au mat´eriau. A priori le potentiel ´elastique d´epend de la section du milieu curviligne, de sa courbure de r´ef´erence et des mat´eriaux constitutifs. Peut-on expliciter ou s´eparer ces d´ependances ? Nous nous proposons de r´epondre `a cette question `a partir d’une analyse tridimensionnelle simplifi´ee.

Commen¸cons par consid´erer le cas d’un milieu curviligne homog`ene dont la configuration de r´ef´erence naturelle est rectiligne, i.e. CR = 0. Nous avons vu dans la section 3.2.3 que l’on pouvait explici-ter la d´ependance de l’effort normal `a la g´eom´etrie dans un essai uniaxial d’extension sans flexion, N = ϕ(ε)A, la fonction ε 7→ σ = ϕ(ε) donnant la contrainte normale en fonction de la d´eformation d’extension ´etant caract´eristique du mat´eriau constitutif. On peut ´ecrire cette relation en faisant in-tervenir l’´energie d’extension wex(ε) du mat´eriau qui est la primitive de ϕ(ε) nulle en 0. Comme de plus la configuration de r´ef´erence est naturelle on a ϕ(0) = w0ex(0) = 0 et la loi constitutive associ´ee `a ce mat´eriau ´elastique en sollicitation uniaxiale est

σ = w0ex(ε) avec wex(0) = w0ex(0) = 0 . (3.8)

La relation effort normal-d´eformation d’extension `a courbure nulle s’´ecrit donc N = w0ex(ε)A

et les d´ependances `a la g´eom´etrie et au mat´eriau sont ici s´epar´ees. Cependant ceci ne vaut que pour un essai d’extension et rien n’a ´et´e dit sur le moment fl´echissant. A-t-on n´ecessairement M = 0 dans un essai d’extension ? Qu’obtient-on si on impose κ6= 0 ? Nous allons tenter de r´epondre `a ces questions en partant d’une analyse tridimensionnelle et en faisant quelques hypoth`eses simplificatrices dont nous discuterons la pertinence. Il s’av`ere que cette analyse peut ˆetre faite directement dans le cas d’un milieu non homog`ene avec courbure de r´ef´erence non nulle. Nous nous pla¸cons donc dans ce cadre g´en´eral.

Consid´erons un objet tridimensionnel dont la configuration de r´ef´erence naturelle est l’arc torique ΩR suivant10, cf Figure 3.14 :

Figure 3.14 – A gauche : le tore dans ses configurations de r´ef´erence et d´eform´ee ; `a droite : la section de r´ef´erence ΣR du tore.

10. Cet arc torique est d´ecrit par le syst`eme de coordonn´ees curvilignes (S, Y, Z). Dans ce syst`eme de coordonn´ees, on

1. La courbe neutre (courbe qui passe par le centre g´eom´etrique des sections transversales) est la courbe `a param´etrisation normale S 7→ xR(S) de longueur `R et de courbure constante CR, dont l’origine est O et dont l’angle tangent en S = 0 est 0, i.e.

xR(S) = 1 CR

sin(CRS)e1+ 1 CR

1− cos(CRS)e2.

2. Les sections transversales ΣR(S) sont identiques au sens o`u elles se d´eduisent toutes du mˆeme domaine ΣR de R2 :

ΣR(S) ={xR(S) + Y nR(S) + Ze3 : (Y, Z)∈ ΣR}, la section de base ΣR ´etant de centre (0, 0), i.e. R

ΣR Y dY dZ =R

ΣRZ dY dZ = 0.

Cet arc torique peut ˆetre h´et´erog`ene mais toutes les sections ont un comportement identique, ce qui veut dire que le potentiel ´elastique wex ne d´epend que de (Y, Z), pas de S.

Faisons subir `a cet objet une d´eformation de fa¸con `a le transformer en un autre arc torique Ω dont la courbe neutre est l’arc de cercle s7→ x(s) de longueur `, de courbure C, d’origine O et d’angle tangent initial 0, et dont la section de base est Σ. Autrement dit, on a

x(s) = 1

Csin(Cs)e1+ 1

C 1− cos(Cs)e2, s∈ (0, `) et

Σ(s) ={x(s) + yn(s) + ze3 : (y, z)∈ Σ},

en supposant toujours que (0, 0) est le centre g´eom´etrique de Σ. Apr`es cette transformation, le point mat´eriel rep´er´e par ses coordonn´ees curvilignes (S, Y, Z) dans sa configuration de r´ef´erence a pour coordonn´ees curvilignes dans la configuration d´eform´ee (s, y, z).

Consid´erons le morceau du tore qui dans le syst`eme de coordonn´ees de r´ef´erence (S, Y, Z) est l’arc torique (0, `R)×(Y, Y +dY )×(Z, Z +dZ) que l’on peut assimiler `a un milieu curviligne avec une section transversale d’aire infinit´esimale dY dZ. La courbe param´etr´ee par S repr´esentant la configuration de

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