Le premier int´erˆet de la HQET est qu’elle permet de classer et de d´ecrire la spectrosco-pie des hadrons lourds [34].
Consid´erons l’´etat fondamental des m´esonsB et B∗et voyons comment la HQET d´ecrit leurs masses. Ces m´esons forment un doublet qui provient du couplage du spinsb = 1/2
du quark lourd avec le spinsq = 1/2 des degr´es de libert´e l´egers. On forme ainsi des ´etats
d´eg´en´er´esJ = 0 et J = 1 qui correspondent respectivement aux m´esons pseudoscalaires
et vectorielsB et B∗. Ce doublet forme ensuite les anti-triplets deSU (3)V, donnant lieu lorsqueJ = 0, aux m´esons B0, B+ etBset lorsqueJ = 1, aux m´esons B∗0,B∗+ etB∗
s. Cependant, comme le spin du quark lourd se d´ecouple `a la limite des quarks lourds et que l’effet du moment magn´etique du quark lourd s’annule, les effets des degr´es de libert´es l´egers sont identiques dans les m´esonsB et B∗.
En laissant de cˆot´e les termes en 1/mQ dans le lagrangien de l’´eq. (II.1.11), on peut ´ecrire la masse des m´esons lourds de la fac¸on suivante:
m(0)B = m(0)B∗ = mb+ ¯Λ . (II.1.14)
La masse du m´eson lourd est ´egale `a la masse du quark lourd `a des effets d’ordreQCDΛ pr`es que l’on prend en compte `a travers le terme ¯Λ. On peut d´eterminer¯Λ par les interactions
entre les degr´es de libert´e l´egers et le champvhdu quark statique dans le premier terme (ind´ependant de mb) de l’´eq. (II.1.11). La d´ecomposition dans l’´eq. (II.1.14), relie une grandeur physique (la masse des hadrons) `a des param`etres qui d´ependent de la th´eorie effective et du sch´ema utilis´e.
On peut ensuite inclure les premiers effets des corrections en puissances de 1/mb. La prise en compte de ces corrections a pour effet de briser la sym´etrie de spin: le spinsqdes degr´es de libert´e l´egers n’est plus le bon nombre quantique et les ´etatsJ = sb+ sqne sont plus d´eg´en´er´es.
Pour formuler la correction en masse,δmB, il faut consid´erer les termes en1/mbdans l’´eq. (II.1.11) comme des perturbations `a l’ordre dominant. Au premier ordre, les correc-tions `a la masse du m´eson lourd viennent des valeurs moyennes dans le vide des op´erateurs d’´energie cin´etique et chromomagn´etique. On appelle1λetλ2 ces valeurs moyennes dans
le vide: λ1 ≡ hB|¯h(iD) 2h|Bi 2mB , (II.1.15) λ2 ≡ 16hB|¯hgσ · Gh|Bi2m B , (II.1.16)
o`u la massemB provient de la normalisation habituelle des ´etatshB|Bi. Le param`etre λ1
est reli´e `a la valeur moyenne dans le vide de l’impulsion du quark lourd, λ1 = h~p2 hi = O(Λ2
QCD). Il va donc correspondre dans la correction δmB `a la contribution de l’impulsion du quark lourd `a la masse du m´eson. Ce terme est ind´ependant du spin, donc sa contribution `a la masse du hadron doit ˆetre la mˆeme pour leB et le B∗. Par contreλ2ne va pas agir de la mˆeme fac¸on sur ces deux m´esons. L’op´erateur chromomagn´etiqueσ · G est proportionnel
`asb· sq et donc,
hσ · Gi ∝ (J(J + 1) − sb(sb+ 1) − sq(sq+ 1)) . (II.1.17) En prenant en compte cet effet, on peut ainsi ´ecrire une relation entre les ´el´ements de matrice des m´esonsB et B∗:
µ2 = hB|¯hgσ · Gh|Bi = −3 hB∗|¯hgσ · Gh|B∗i , (II.1.18) o`uµ est le moment chromomagn´etique du m´eson lourd-l´eger.
De cette fac¸on on peut expliquer que les correctionsδmBetδmB∗ soient diff´erentes et prennent la forme suivante:
δmB = −λ12m+ 3λ2 b , (II.1.19) δmB∗ = −λ12m− λ2 b . (II.1.20)
En rassemblant les corrections on en d´eduit que les masses des m´esons pseudoscalaires et vecteurs s’´ecrivent, mB = mb + ¯Λ − λ1+ 3λ2 2mb , (II.1.21) mB∗ = mb + ¯Λ − λ12m− λ2 b , (II.1.22)
o`u l’on perc¸oit clairement que l’effet de la lev´ee de la d´eg´en´erescence des ´etats (au premier ordre non trivial de la HQET) est en1/mb.
En consid´erant la diff´erence de massesmB∗−mBon peut ´ecrire le splitting des masses vectorielles et pseudoscalaires en fonction du param`etreλ2,
mB∗− mB = 2λ2 mb
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et donc aussi,
m2B∗− m2B ∼ 4λ2. (II.1.24)
On peut alors utiliser la valeur exp´erimentale du splitting,mB∗− mB = 46 MeV, pour
d´eterminer λ2. Il est `a noter que la valeur de mB∗ − mB est tr`es petite par rapport aux masses des m´esons lourds,mB ∼ 5.3 GeV. On en d´eduit la valeur de λ2 = 0.12 GeV2.
Par ailleurs, en utilisant cette valeur ainsi que la valeur du splitting des masses dans le secteur des m´esonsD, on peut avoir une id´ee des lois d’´echelles de la HQET pour les
valeurs des masses des quarks lourds. L’analogue de l’´eq. (II.1.23) pour les m´esonsD est
la suivante:
mD∗ − mD = 2λ2 mc
= 141 MeV . (II.1.25)
Du point de vue de la HQET, les masses des m´esons B et D ne diff´erent que par la
valeur de la masse du quark lourd qui les compose, en particulier, les param`etres ¯Λ, λ1 et
λ2 sont inchang´es lorsque l’on passe du m´esonB au m´eson D.
Ceci implique que les masses des quarks lourds s’´echelonnent suivant le splitting des masses des m´esons lourds qui leur sont associ´es:
mb
mc
= mD∗ − mD
mB∗ − mB ∼ 3 . (II.1.26) Cette propri´et´e est en assez bon accord quantitatif avec les estimations actuelles des masses des quarks lourds. Si on consid`ere que la masse du quark b est dans la fenˆetremb = 4.0 − 4.5 GeV, alors l’´eq. (II.1.26) indique que la masse du m´eson charm´e est dans l’intervalle mc = 1.3 − 1.5 GeV. Cette valeur peut ˆetre compar´ee aux estimations du Particle Data
Group [45], mc = 1.0 − 1.4 GeV. L’´ecart observ´e, au del`a des difficult´es propres aux
calculs des masses des quarks, peut aussi ˆetre une manifestation du fait que le quark charm´e n’a pas une masse beaucoup plus grande queΛQCDet donc que le traitement en puissances deΛQCD/mccommence `a ´eprouver des difficult´es au niveau de la masse du quarkc.
Contrairement `aλ2, le param`etreλ1 ne peut pas ˆetre d´etermin´e directement par l’exp´e-rience. Les estimations th´eoriques deλ1permettent de quantifier la diff´erence des masses
mb− mc, qui est bien mieux connue que chaque valeurmb etmcs´epar´ement. Pour cela on consid`ere la masse des m´esons moyenn´ee sur les spins:
mB ≡ mB+ 3m4 B∗ = mb+ ¯Λ − 2mλ1 b , (II.1.27) mD ≡ mD + 3m4 D∗ = mc+ ¯Λ − 2mλ1 c . (II.1.28)
de massesmb − mc: mb− mc= (mB− mD) 1 − 2mλ1 BmD . (II.1.29)
Les d´eterminations th´eoriques deΛ et de λ¯ 1pr´esentent encore des incertitudes assez grandes.
A partir du spectre d’´energie des leptons form´es dans les d´esint´egrations semi-leptoniques inclusives du m´eson B, on obtient,¯Λ ∼ 0.4 GeV et λ1 ∼ −0.2 GeV2. Cependant le fait d’avoir une valeur faible pourλ1permet d’avoir une estimation assez pr´ecise demb−mc ∼ 3.4 GeV, o`u l’on a utilis´e mB = 5.3 GeV et mD = 1.8 GeV.
R´ecapitulons ce que l’on vient d’exposer `a propos de la spectroscopie des m´esons lourds `a l’aide de la figure 1.1.
FIG. 1.1 – Spectroscopie des m´esons D et B issue de la HQET. Le spin et la parit´e des
degr´es de libert´e l´egers sont indiqu´es `a cˆot´e des noms des m´esons.
Les splittings de masse∆i entre les doublets sont de l’ordre deΛQCD et ind´ependants de la masse lourde, `a l’ordre dominant en ΛQCD/mQ. Le splitting de masse `a l’int´erieur d’un doublet est quant `a lui d’ordreΛ2
QCD/mQ. Il est donc plus important dans le secteur du D que dans celui du B: mD∗ − mD ≈ 140 MeV alors que mB∗ − mB ≈ 45 MeV.
Finalement l’´ecart en masse entre les secteurs du D et du B provient de la diff´erence de
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