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Spéculation et investissement

Dans le document L'investissement (étude juridique) (Page 136-142)

UNE POSSIBILITÉ D’ENRICHISSEMENT

TOUTE POSSIBILITÉ D’ENRICHISSEMENT N’AUTORISE PAS LA QUALIFICATION D’INVESTISSEMENT

I. Spéculation et investissement

126. Spéculationet commercialité. Lemot« spéculation » n’est pas inconnu de la science juridique. Certains commercialistes de la charnière entre le XIXe et le XXe siècle définissaient les actes de commerce par référence à cette notion, entendue comme « l’esprit d’enrichissement ou de lucre »596. Un auteur a toutefois pu faire remarquer que, ce faisant, ils confondaient but lucratif et but spéculatif, alors que le second n’est qu’une forme possible du premier597.

En fin de compte, deux pistes peuvent être suivies pour définir la spéculation. La première est de la définir dans un sens large comme l’anticipation d’une variation de cours (A), la seconde de la définir dans un sens strict comme une opération à terme (B).

A. La spéculation envisagée comme l’anticipation d’une varitation de cours 127. Définie au sens large comme un pari sur l’évolution de la valeur d’une

chose, la spéculation se distingue nettement de l’investissement (1) et bénéficie d’ailleurs d’un régime autonome (2).

1. Autonomie de la notion

128. L’évolution du terme « spéculation ». Le verbe « spéculer » et le

substantif « spéculation » se sont formés à partir du mot « speculatio » qui en latin signifiait alternativement « espionner » ou « contempler »598. En français, il était initialement employé dans un sens proche : spéculer signifiait alors « observer »599. Cette origine éclaire sans doute l’acception financière du mot apparue à la fin du XVIIIe siècle. À cette époque, spéculer a pris le sens d’« anticiper sur la hausse ou la baisse afin d’en tirer profit »600. Désormais, il s’agit du sens principal du mot « spéculation ». Ainsi, selon une définition économique fréquemment reprise, la spé-culation se définirait comme « l’achat (ou la vente) de marchandises en vue d’une revente (ou d’un rachat) à une date ultérieure, là où le mobile d’une telle action est l’anticipation d’un changement des prix en vigueur »601. Le sens du mot « spécu-lation » est ici fidèle à son origine puisque c’est bien l’observation du passé qui permet de prévoir l’évolution future de la valeur d’un actif.

596 E. Thaller, Traité élémentaire de droit commercial, A. Rousseau, 4e éd., 1910, n° 14 ; adde, A. Boistel, Précis du cours de droit commercial, E. Thorin, 1876, p. 23 et s. ; contra, C. Lyon-Caen et L. Renault, Manuel de droit commercial, F. Pichon, 3e éd., 1894, n° 20.

597 A.-D. Merville, La spéculation en droit privé, thèse dactyl., Paris I, 2001, n° 33.

598 Le Grand Gaffiot, Hachette, 2000, vo « Speculatio, onis ».

599 Le Robert, Dictionnaire historique de la langue française, 2012, vo « Spéculer ».

600 Ibid.

601 N. Kaldor, « Spéculation et stabilité économique (1939) », RF économie, vol. 2, n° 3, 1987, p. 115, spéc. p. 115 et 116.

Dans un sens proche, Ripert définissait la spéculation comme « le renouvelle-ment continuel des biens qui composent la fortune dans l’espoir de profiter d’une plus-value »602. Plus récemment, proposant dans sa thèse de doctorat une définition juridique de la notion, un auteur a retenu une acception encore une fois relativement proche. Mme Merville définit la spéculation comme « un achat pour revendre dans le dessein d’obtenir rapidement un profit issu de la différence de prix entre les deux actes »603. La définition donnée présente le mérite de traduire en termes juridiques une notion qui jusqu’alors n’était pas véritablement saisie comme telle par le droit, mais elle nous paraît contestable sur deux points essentiels.

129. La perspective de court terme n’est pas un critère de la spéculation.

En premier lieu, elle intègre la perspective de court terme604. Il nous semble au contraire que le court terme n’est pas un élément consubstantiel à la notion de spé-culation. Rien dans l’étymologie ne permet de soutenir l’idée que la spéculation im-pliquerait une durée courte. Par ailleurs, il existe des spéculations à moyen ou long terme. Ainsi, la personne qui achète un bien immobilier dans l’espoir de profiter de la croissance des prix dans ce domaine spécule même si elle n’entend pas revendre le bien dans un avenir proche. En réalité, l’un des facteurs qui a sans doute conduit Mme Merville à retenir ce critère tient à l’angle sous lequel elle analyse la spécu-lation. Son étude est essentiellement axée sur la question de la licéité de l’opération spéculative605. Dans cette perspective, la volonté de réaliser un gain à court terme renforce la réprobation sociale de cet acte et risque de favoriser par contrecoup les restrictions quant à sa licéité. Autrement dit, insister sur un aspect négatif de certai-nes spéculations – la volonté d’enrichissement à court terme – renforce la pertinence du questionnement sur la licéité de la spéculation. Cependant, la spéculation peut être envisagée sous d’autres angles. On peut par exemple s’interroger sur la protec-tion du spéculateur non averti et, de cet autre point de vue, la volonté de réaliser un profit à court terme n’apparaît pas comme une caractéristique essentielle de la spéculation. Cela montre bien que la spéculation n’est pas indissociablement liée à une perspective de court terme.

130. L’achat pour revendre n’est pas la technique exclusive de la spécu-lation. En second lieu, la définition donnée limite la spéculation à une technique

juridique : l’achat pour revendre. Elle conduit donc à exclure toutes les opérations qui reposent sur une technique juridique différente alors même que, dans bien des cas, les opérations exclues présentent un caractère spéculatif incontestable.

602 G. Ripert, Aspects juridiques du capitalisme moderne, LGDJ, 2e éd., 1951, réimpr. 1992, n°s 70 et s., spéc., n° 73.

603 A.-D. Merville, La spéculation en droit privé, op. cit., n° 10. V. égal., proposant une définition proche, H. de Vauplane, « La spéculation boursière dans le droit et la littérature française du XIXe siècle », LPA 2006, n° 234, p. 5 : « Spéculer, c’est prendre un risque de prix, c’est-à-dire acheter aujourd’hui une chose en espérant la revendre plus tard avec profit ».

604 V. égal. dans le même sens, H. de Vauplane et D. Mariot-Thoreau, « Limiter les effets de la spéculation sur les “biens vitaux de l’Homme” », Banque, n° 711, 2009, p. 84 ; J.-P. Mattout, « L’aléa, le risque et la spéculation », in Mélanges AEDBF-France VI, Revue Banque éd., 2013, p. 445, spéc. p. 451.

Prenons l’hypothèse de l’option de vente. On sait que, sur les marchés finan-ciers, le contrat d’option de vente consiste en une promesse d’achat d’un actif déter-miné à une échéance et à un prix déterdéter-minés et moyennant le versement d’une prime dont le montant est, là encore, déterminé initialement606. Le promettant accepte de consentir cette promesse parce qu’il anticipe une hausse du cours de l’actif. En effet, si le cours de l’actif s’est apprécié à la date prévue pour l’exercice de l’option, son bénéficiaire n’a plus intérêt à exercer sa faculté de vendre puisqu’il peut trouver par ailleurs un acheteur pour un prix supérieur. Cela signifie que les prévisions du pro-mettant se sont révélées exactes. Il réalise dès lors un bénéfice qui correspond au montant de la prime initialement versée. On le voit, dans cette hypothèse, le promet-tant ne se rémunère pas au moyen de l’acquisition puis de la revente de l’actif, mais par la prime que sa contrepartie a accepté de lui payer pour prix de l’option qui lui était consentie.

Une autre situation permet de bien montrer que la technique de l’achat pour revendre n’est pas exclusive d’autres techniques de spéculation. Originellement, les dérivés portaient uniquement sur des actifs. Dans ces opérations, le sous-jacent était donc toujours un bien. À titre d’exemple, lorsqu’un agriculteur voulait s’assurer de pouvoir vendre une production à venir pour un prix donné, il pouvait conclure un contrat à terme ferme avec un opérateur qui aurait anticipé la hausse des cours. Ainsi, d’un côté le producteur se trouvait assuré de vendre sa récolte pour un prix sensi-blement identique au cours actuel et, de l’autre, sa contrepartie se trouvait en situa-tion de pouvoir réaliser une plus-value pourvu que le cours s’apprécie607. Ce type de transaction n’a pas disparu, mais elle est venue s’enrichir de nouvelles formes de sous-jacents608. Dorénavant, « tout élément dont le cours, la valeur, la quantité, la qualité… est susceptible de varier »609 « et ayant un impact sur une activité ou un secteur économiques »610 peut former la matière de la spéculation. À cet égard, le sous-jacent qui peut paraître le plus original et le plus intéressant est sans doute le climat611. Voici l’exploitant d’un domaine skiable. Un hiver trop doux pourrait peser sur sa rentabilité. Afin de se prémunir contre un tel risque, l’exploitant peut se cou-vrir au moyen de dérivés climatiques. Aux termes d’un tel contrat, l’exploitant s’engage à payer une certaine somme pour chaque degré inférieur à une température déterminée, sa contrepartie s’engageant de manière symétrique à payer la même

606 T. Bonneau et F. Drummond, Droit des marchés financiers, Économica, 3e éd., 2010, n° 169 ; A. Gaudemet, Les dérivés, Économica, 2010, préf. H. Synvet, n° 48 ; A. Couret, H. Le Nabasque, M.-L. Coquelet, T. Granier, D. Poracchia, A. Raynouard, A. Reygrobellet et D. Robine, Droit financier, 2e éd., 2012, n° 1054.

607 Sur la spéculation relative aux matières premières agricoles, v. not. H. de Vauplane et D. Mariot-Thoreau, « Limiter les effets de la spéculation… », art. préc. ; I. Parachkévova et M. Teller, « Légitimité et utilités de la spéculation », in Colloque Droit, Économie & Marchés de matières premières agricoles, 20 et 21 mars 2013, RTDF 2013, n° 4, p. 88.

608 V. not., S. Praicheux et P. Mousseron, « …Et le risque devint produit », in Mélanges AEDBF-France V, Revue Banque éd., 2008, p. 407, spéc. p. 413 ; A. Gaudemet, Les dérivés, op. cit., n°s 41 et s.

609 T. Bonneau et F. Drummond, Droit des marchés financiers, op. cit., n° 150 (à propos des contrats à terme en général).

610 A. Couret et H. Le Nabasque et alii, Droit financier, op. cit., n° 1031 (à propos des contrats à terme ferme).

611 Sur lequel, v. not., Ph. Didier, « Les contrats de transfert de risque », in Mélanges M-S. Payet, Dalloz, 2011, p. 151, n°s 38 et 39 ; A. Couret et H. Le Nabasque et alii, Droit financier, op. cit., n°s 1040 et 1041.

somme pour chaque degré supérieur. Il ne fait pas de doute qu’en acceptant de se porter contrepartie de l’exploitant, l’autre contractant spécule612. Il anticipe un hiver froid et cherche à tirer profit de cette prévision. Pour autant, on ne saurait dire que sa spéculation prend la forme d’un achat pour revendre puisque le sous-jacent, qui n’est pas un bien, n’est susceptible ni d’achat ni de vente.

131. Proposition d’une définition de la spéculation. Les deux exemples

que l’on vient d’évoquer montrent que la spéculation ne saurait être réduite à la technique de l’achat pour revendre. Mais c’est qu’à vrai dire, tout comme l’investis-sement, les techniques juridiques de spéculation sont trop diverses pour que la notion de spéculation puisse se laisser enfermer dans l’une d’entre elles613. Par con-séquent, il convient sans doute de ne pas mentionner dans la définition la technique par laquelle la spéculation se réalise et s’en tenir ainsi à ce qui fait son essence : l’observation du passé dans un but d’anticipation lucrative de l’avenir. Reste toute-fois à déterminer l’objet sur lequel porte cette observation. L’évolution des techniques financières a montré que cet élément n’est pas nécessairement un actif. Plutôt que de parler d’évolution de la valeur d’un actif, il convient donc sans doute de parler d’évolution de la valeur d’une chose, en employant ce dernier terme dans son sens générique comme l’a récemment fait un auteur au sujet des dérivés614. En définitive, expurgée de ses éléments contingents, la définition juridique de la spéculation pourrait être ramenée à ceci : acte par lequel une personne cherche à

réaliser un profit en anticipant l’évolution de la valeur d’une chose.

132. Investissement et spéculation. Si l’on s’en tient à cette définition, il

apparaît que la spéculation et l’investissement ne s’excluent pas nécessairement. Une opération déterminée peut ainsi ressortir à la fois de la spéculation et de l’inves-tissement. C’est en particulier le cas de l’acquisition de titres sociaux. Une telle opération est le plus souvent spéculative, l’acquéreur espérant que la valeur des titres sociaux augmentera dans l’avenir. Cependant, les titres en question sont également susceptibles de produire des revenus, ce qui en fait également un investissement. Par conséquent, de façon parfaitement classique lorsqu’une situation reçoit plusieurs qualifications cumulatives615, l’opération devrait être à la fois soumise au régime de la spéculation et au régime de l’investissement.

Mais si l’investissement et la spéculation ne s’excluent pas, ils ne se confon-dent pas non plus. Dans l’acquisition de droits sociaux, le rattachement à la spécu-lation ou à l’investissement ne dépend d’ailleurs pas de la même caractéristique :

612 Sous réserve de l’hypothèse où le cocontractant se trouverait exposé à un risque climatique exactement inverse, c’est-à-dire qu’en raison de son activité un hiver excessivement froid pèserait sur son chiffre d’affaires.

613 À rappr., Ph. Didier, « Les contrats de transfert de risque », art. préc., not. n°s 27 et 49, lequel consi-dère que l’unité de la spéculation se trouve dans la motivation des parties, élément qui se situe en dehors du champ contractuel.

614 « [L]es dérivés sont des contrats qui ont pour objet d’abstraire la valeur d’une chose sous-jacente pour permettre aux parties d’y exposer leurs espérances ou leurs craintes sur l’avenir » (A. Gaudemet, Les dérivés, op. cit., n° 217, v. égal. n°s 175 et 266).

l’opération est spéculative parce que les droits sociaux peuvent prendre de la valeur et l’opération peut être qualifiée d’investissement en raison des revenus qu’elle est susceptible de produire. En d’autres termes, les modalités de l’enrichissement attachées à la spéculation et à l’investissement sont différentes.

Il en résulte qu’une opération peut relever de la spéculation sans relever de l’investissementetqu’à l’inverse, une opération peut relever de l’investissement sans relever de la spéculation. La première branche de l’affirmation peut être illustrée par l’opération d’acquisition de marchandises à terme en vue de bénéficier d’une éventuelle hausse des cours, auquel cas il y a spéculation, mais pas investissement. La seconde branche de l’affirmation peut quant à elle être illustrée par l’acquisition d’une machine : dans cette hypothèse, il y a de toute évidence investissement, mais pas spéculation.

Cette différence de nature est en outre relayée par une autonomie de régime qui vient confirmer l’opposition entre investissement et spéculation.

2. Autonomie du régime

133. La protection de la spéculation sur les marchés financiers. Entendue

comme la recherche d’un profit lié à l’évolution de la valeur d’une chose, la spécu-lation a toujours été envisagée avec défiance, voire avec hostilité616. Cela n’a pas pour autant empêché le développement d’un régime de protection en matière bour-sière. Dans ce domaine, la protection de la spéculation consiste essentiellement dans la mise en place des conditions d’établissement d’un juste prix des transactions.

Ainsi s’explique l’exigence de transparence617 qui s’impose tant aux émet-teurs qu’aux autres intervenants. Pour ce qui est de l’émetteur, il a notamment l’obli-gation de publier un rapport financier annuel et des rapports financiers semestriels618

et de communiquer les informations privilégiées qui le concernent directement619. Quant aux investisseurs, ils doivent notamment révéler leur franchissement de certains seuils de participation620 et déclarer l’existence de conventions établissant

616 V. not., dans des termes dont l’outrance empruntent tant à l’époque qu’au personnage, Robespierre, Discours sur les subsistances et le droit à l’existence, 2 déc. 1792 : « Toute spéculation mercantile que je fais aux dépens de la vie de mon semblable n’est point un trafic, c’est un brigandage et un fratricide » (reproduit in Robespierre, Pour le bonheur et pour la liberté, La frabrique éd., 2000, p. 179, spéc. p. 183). Aujourd’hui, l’hostilité à l’égard de la spéculation expliquerait par exemple le régime de taxation des plus-values immobilières (D. Ponton-Grillet, « La spéculation en droit privé », D. 1990, chron. p. 157, n° 14). Certains économistes ont toutefois mis en avant les aspects positifs d’une spéculation rationnelle, et notamment son rôle dans la stabilisation des prix. Cf. D. Besancenot, « La spéculation sur les marchés financiers », in Clés pour le siècle, Dalloz, 2000, p. 1349, n°s 1425 et 1426 ; I. Parachkévova et M. Teller, « Légitimité et utilités de la spéculation », art. préc., n°s 8 et s. ; adde, C. Lubochinsky, « La spéculation, ennemie de l’investissement ? », in Investir pour inventer demain, 14e Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence, 2014, disponible en ligne sur le site internet : Lesrencontreseconomiques.fr.

617 V. not. F. Peltier, Marchés financiers et droit commun, Banque éd., 1997, n°s 211 et s. ; N. Vignal, La transparence en droit privé des contrats, PUAM, 1998, préf. J. Mestre, n°s 139 et s. ; A. Couret et H. Le Nabasque et alii, Droit financier, op. cit., n°s 283 et s.

618 Respectivement, CMF, art. L. 451-1-2, I et III.

619 RG AMF, art. 223-2, I.

620 C. com., art. L. 233-7. Les seuils de déclenchement de l’obligation d’information sont de 5 %, 10 %, 15 %, 20 %, 25 %, 30 %, 33,33 %, 50 %, 66,66 %, 90 % et 95 % du capital ou des droits de vote. Sur la

des conditions préférentielles de cession ou d’acquisition de titres621. Toutes ces obligations informationnelles ont pour fonction de permettre aux intervenants sur le marché d’être les mieux informés possible afin que les titres puissent être acquis et cédés au juste prix.

De la même manière, au moins deux des trois infractions regroupées au sein de la qualification d’« abus de marché » ont pour fonction de préserver la justesse du cours de bourse622. C’est d’abord le cas du délit de manipulation de cours, défini comme « une manœuvre ayant pour objet de fausser le libre jeu du marché, dans une perspective spéculative »623. La répression de ce comportement est destinée à éviter qu’une personne n’acquière des titres à un prix surévalué ou ne revende ses titres à un prix sous-évalué. C’est également le cas du délit de diffusion de fausse infor-mation, défini comme le fait de répandre dans le public des informations fausses ou trompeuses sur la situation ou les perspectives d’un émetteur ou d’un instrument financier624. Là encore, il s’agit de protéger les spéculateurs contre l’acquisition de titres surévalués ou la vente de titres sous-évalués. Dans l’un et l’autre cas, des conséquences civiles complètent généralement les conséquences pénales puisque les investisseurs trompés peuvent efficacement agir en responsabilité contre l’émetteur ou ses dirigeants. En droit français, l’indemnisation accordée correspond à une sim-ple perte de chance625, telle la possibilité d’investir à des conditions financières plus avantageuses626. L’idée est alors de se rapprocher du juste prix. En droit américain, cettelogiqueestd’ailleurspousséejusqu’àson terme puisque le montant de la répara-tioncorrespondàladifférenceentrele cours faussé et le cours théorique non faussé627. modification des seuils de déclenchement par l’ordonnance du 30 janvier 2009, v. not. T. Bonneau, « Mo-dification du régime des déclarations de franchissement de seuils et d’intention », Dr. sociétés 2009, comm. 77.

621 C. com., art. L. 233-11. Pour que l’obligation d’information soit imposée, la convention doit porter sur au moins 0,5 % du capital ou des droits de vote.

622 « Le cours est le constat des prix pratiqués en un moment pour un actif donné » (D. Valette, « Le cours de bourse, réflexions autour d’une réalité juridique », in Études sur le cours de bourse, Économica, 1997, p. 243, n° 8). Les notions de cours et de prix se distinguent donc mais tendent en pratique à se confondre en raison de la cotation en continu (ibid., n° 16).

623 Ph. Bonfils, Droit pénal des affaires, Montchrestien, 2009, n° 458. C. com., art. L. 465-2, al. 1. Sur ce délit, v. égal. la récente décision AMF, Comm. sanctions, 14 mars 2014, n° 2014-01 (F. Peltier, « Day trading : spéculation ou manipulation ? », JCP G 2014, 669).

624 C. com., art. L. 465-2, al. 2.

625 Solution très critiquée. V. not. C. Clerc, « La réparation du préjudice subi par un actionnaire du fait de la diffusion de fausses informations », RTDF 2007, n° 1, p. 31 ; D. Ledouble, « Perte de chance : pour sortir des formules creuses », RTDF 2011, n° 1, p. 87 ; M. Nussenbaum, « L’analyse économique de la loyauté et des mécanismes de réparation de la déloyauté », Gaz. Pal. 2012, n° 145, p. 34, n°s 20 et s. ; D. Martin, « Réparation (intégrale) des préjudices boursiers : sortons du brouillard », in Mélanges AEDBF-France VI, Revue Banque éd., 2013, p. 399, spéc. p. 408 et s. et 416 et s. Contra, favorables à la perte de chance, D. Schmidt, « De quelques règles procédurales régissant l’action en responsabilité civile contre les dirigeants de sociétés “cotées” in bonis », in Mélanges P. Didier, Économica, 2008, p. 383 ; S. Schiller, « L’indemnisation du préjudice de l’actionnaire en cas de diffusion d’une information erronée », Dr. sociétés 2009, étude 12.

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