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La spécificité du marché financier. Les marchés financiers sont des marchés

I - Les influences économiques et financières

43. La spécificité du marché financier. Les marchés financiers sont des marchés

43. La spécificité du marché financier. Les marchés financiers sont des marchés

régulés266. La manière dont ils sont réglementés est nouvelle et originale. La régulation se définit comme l’action publique dans les domaines soumis à la déréglementation267

. Le rôle de l’Etat se transforme : là où il réglementait directement une activité, un secteur économique, il ne joue plus qu’un rôle d’arbitre : il n’est plus le garant. En effet, à la fin des années 1960, l’Etat a entrepris de se désengager de la réglementation des marchés financiers pour en confier la régulation à des organismes administratifs et professionnels indépendants. Cette mutation s’est effectuée en transférant une partie des pouvoirs étatiques à des autorités administratives et à des organismes professionnels, ce qu’on a appelé des « autorités de marché », ou des « autorités de régulation »268. L’autorité de marché précédemment appelée la commission des opérations de bourse (aujourd’hui l’autorité des marchés financiers) a été créée en 1967269. Son rôle est considérable à l’égard des sociétés qui procèdent à une offre au public de titres financiers et celles admises aux négociations sur un marché réglementé. Elle intervient pour assurer le bon fonctionnement des marchés financiers, elle est dotée d’un véritable pouvoir réglementaire qui l’autorise à prendre des règlements concernant le fonctionnement des marchés placés sous son contrôle, ou en prescrivant des règles de

265 Livre blanc sur la réforme du financement de l’économie, La documentation française, 1986.

266

J. P. VALETTE, La régulation des marchés financiers, RD publ. janv./ 2005, p. 183.

267

H. DE VAUPLANE et J.-P. BORNET, Droit des marchés financiers, Litec, 3ème éd., 2001, p. 2.

268

Sur le rôle en général des autorités administratives indépendantes, v. Colloque du 23 novembre 2005, sous la direction de B. BOULOC, Autorités de régulation et vie des affaires, Dalloz, 2006 ; M.- A. FRISON-ROCHE, Le droit de la régulation, D. 2001, doct., p. 160.

269

P.-H. CONAC, La régulation des marchés boursiers par la commission des opérations de Bourse (COB) et la securities and exchange commission (SEC), préf. Y. Guyon, Bibl. dr. privé, t. 386, LGDJ, 2002, p. 24.

pratiques professionnelles. Ce pouvoir de réglementation lui permet d’édicter des règlements dans l’ensemble des domaines placés sous son contrôle270

.

2- Le droit de vote et l’évolution des marchés

44. Le lien entre droit de vote et l’évolution des marchés. À première vue, il est

difficile de faire le lien entre l’évolution des marchés financiers et le droit de vote. Ce lien existe pourtant. L’action, titre de capital composant le capital social est déterminant dans le financement des sociétés. Or, à chaque action est en principe rattaché un droit de vote. L’acquisition d’une action par l’intermédiaire du marché peut déterminer systématiquement l’acquisition d’un certain nombre de droits de vote. Le marché devient par conséquent un lieu où se situent des enjeux de pouvoir. Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux dispositions concernant les offres publiques271. Mode de redistribution de l’actionnariat, l’offre publique porte principalement sur les actions émises (ordinaires ou de préférence) par la société visée. Elle doit en effet viser la totalité des titres de capital et donner accès au capital ou au droit de vote de la société émettrice. Le droit des sociétés et le droit boursier imposent diverses notifications en cas de franchissement de seuil au sein des sociétés dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé. Les articles L. 233-7 et s. du Code de commerce modifiée par la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 donnent des seuils au-delà desquels la notification doit être faite. C’est le franchissement des seuils de 5%, 10%, 15%, 20%, 25% , 33,33%, 66,66%, 90%, 95%, qui déclenche l’obligation de notification. La déclaration est requise lorsque les seuils sont franchis non seulement en capital mais aussi en droit de vote. Par suite, lorsque le nombre de droits de vote ne correspond pas au nombre d’actions, ce qui est courant, il convient en pratique de surveiller vingt seuils. Ces seuils peuvent être franchis non seulement à la suite d’une acquisition directe ou indirecte des parts, mais également à la suite d’une modification dans la répartition des droits de vote (acquisition ou perte du droit de vote double par l’intéressé, ou par un autre actionnaire détenant une participation significative dans le capital, conversion d’obligations en actions272…). On se rend compte que la possession d’un certain nombre de droits de vote facilite la prise de pouvoir dans les sociétés par actions. Cette donnée est prise en compte dans la mise en œuvre

270

C. DUCOULOUX-FAVARD, De la nature juridique des actes de la commission des opérations de bourse, LPA 21 juin 1991, p. 27.

271

A. VIANDER, OPA, OPE et autres offres publiques, éd. Francis Lefebvre, 3ème éd., 2006 ; D. OHL, Droit des sociétés cotées, Affaires finances, Litec, 2ème éd., 2005, p. 207 et s ; Mémento pratique Francis Lefebvre sociétés commerciales, 2007, n° 17380 , p. 940.

272

de défenses contre les offres publiques d’achat. Le recours à des titres représentant une quote-part du capital mais dépourvus de droit de vote comme les actions de préférence sans droit de vote, ou les actions d’autocontrôle ou même de droit de vote double peuvent apparaître comme des mesures de défense273.

Les offres publiques ne concernant que les sociétés cotées, doit-on pour autant déduire que les sociétés non cotées ne subissent pas l’influence des marchés financiers ? On peut répondre à cette question par la négative274. Cette réponse est révélatrice du fossé qui se creuse entre les sociétés cotées et celles qui ne le sont pas. L’importance prise par les marchés financiers traduit les changements qui touchent le droit des sociétés par actions.

Que doit-on retenir ? L’environnement économique à partir des années 1970 a été un facteur déterminant dans le processus de diversification des valeurs mobilières. Les changements opérés ont permis la modernisation des marchés financiers et de ce fait à accroître la compétitivité de la bourse de Paris. Le marché financier a désormais pour vocation principale d’assurer le financement des entreprises275. Cette évolution marquée par l’influence anglo-américaine a permis la création de valeurs mobilières spécifiques dont le but est de répondre aux attentes des praticiens. Les changements opérés ont permis la modernisation du marché financier et de ce fait accrû la compétitivité de la place boursière de Paris. Le développement de l’ingénierie financière276

est révélateur et la diversification des valeurs mobilières participe sans aucun doute à moderniser le droit des sociétés. Il ressort de cette analyse que l’observation des facteurs qui ont influé sur l’évolution du droit des valeurs mobilières sont d’abord des impératifs d’ordre économiques. Le souci d’assurer le financement à long terme des entreprises, en favorisant la collecte de l’épargne par la mise au point de produits innovants a permis l’adaptation de la législation aux réalités économiques. Le droit de vote joue à cet égard un rôle central. Par ailleurs, des influences internes au droit des sociétés ont été déterminantes. Celles-ci ont été en la matière un élément catalyseur.

273

A. VIANDER, OPA, OPE et autres offres publiques, éd. Francis Lefebvre, 3ème éd., 2006, p. 86. Il faut relativiser ces solutions. L’article L233-37 du Code de commerce autorise les statuts à prévoir que les effets des restrictions statutaires à l’exercice des droits de vote sont suspendus en période d’offre publique lors des assemblées réunies aux fins d’adopter ou d’autoriser toute mesure qui pourrait avoir pour effet de faire annuler l’offre. La prudence impose par conséquent que lors de ces assemblées le droit de vote double sont suspendus. Ce qui affecte considérablement la valeur défensive des droits de vote.

274

Pour une analyse nuancée, v. A. COURET, Régulation financière, sociétés cotées et sociétés non cotées, Les petites affiches, 3 juin 2002, p. 29.

275

H. HOVASSE, La diversification des valeurs mobilières émises par les sociétés, Dr. sociétés 2000, comm. n° 181, p. 26.

276