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Il est le critère qui permet de fédérer les valeurs mobilières autour d’une notion clé, qui est la fonction de financement. Les évolutions ont eu pour conséquences de remettre en cause la classification qui existait entre les actions et les obligations. A côté des valeurs mobilières, existent aujourd’hui une multitude de produits financiers dont il est parfois difficile de mettre en évidence la spécificité. L’utilisation du vocable d’instruments financiers ou de produits financiers pour désigner les valeurs mobilières en est révélatrice. L’aspect financier prend le

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TH. BONNEAU, art. précit.

546 Infra, v. nos développements Chapitre II, Titre II de la première partie.

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V. J.-M. MOULIN,Droit de l’ingénierie financière, Coll. City and York, Gualino, 2006.

548 A. REYGROBELLET, th. précit., p. 501. 549Ibid. 550 Ibid. 551

B. OPPETIT, La notion de valeur mobilière, in L’Europe et les valeurs mobilières, Banque et droit, hors série, 1992, p. 4. ; TH. BONNEAU, La diversification des valeurs mobilières, ses implications en droit des sociétés, art.

pas. Comme le souligne en outre un auteur552, la reprise de la définition préexistante du Code monétaire et financier par l’ordonnance du 24 juin 2004 met indéniablement en avant le rôle joué par les valeurs mobilières en tant qu’instruments de financement. La primauté de la fonction de financement (A) conduit à une analyse des valeurs mobilières en titre de financement (B).

A- Un critère fédérateur

88. Une cohérence rendue par sa finalité. Selon la doctrine dominante, l’idée de

financement est la clé de la notion de valeur mobilière car elle en est l’élément central et fédérateur553. Cette finalité qui explique que les prérogatives traditionnellement attachées aux titres de créance et de capital se retrouvent de part et d’autre. L’une des caractéristiques des titres de capital est qu’ils confèrent à la société la certitude de ressources stables. Ils assurent le financement de la société en principe jusqu’à la dissolution554. Le titulaire du titre de capital apporte à la société un financement stable. Quant aux titres de créance, c’est dans le cadre d’un besoin de financement que la société les sollicite. L’action tend à devenir une valeur de placement et l’obligation une valeur à risques555

. Le cas des titres participatifs nous en fournit l’illustration. Selon l’article L. 228-36 du Code de commerce la rémunération de ces titres comporte une partie fixe et une partie variable calculée par référence à des éléments relatifs à l’activité ou aux résultats de la société. Par ailleurs, ces obligations ne sont pas amortissables et le remboursement n’intervient qu’en cas de liquidation de la société. En revanche, concernant l’action, l’actionnaire est souvent « un capitaliste qui a apporté des fonds à la société avec la seule pensée de faire un placement ; il se désintéresse de l’administration de la société et n’assiste pas aux assemblées »556

. Juridiquement, cette tendance se traduit par la suppression du droit de vote attaché à l’action et l’octroi d’un dividende prioritaires en cas de distribution des bénéfices557. La multiplication des valeurs mobilières facilite la mise en place d’une stratégie de financement qui permet aux émetteurs de concilier des impératifs jusque-là difficilement conciliables558. Cette position est exprimée par un auteur qui considère les

552

E. GRIMAUX, th. précit., p. 305.

553

B.OPPETIT, La notion de valeurs mobilières, Banque et droit hors série, 1992, p. 4 ; TH. BONNEAU, art. précit. ;

E. GRIMAUX, th. précit. , p. 360.

554

F.-X. LUCAS, La distinction des titres de capital et des titres de créance, in Quel avenir pour le capital social ? Dalloz, 2004, p. 21.

555

TH. BONNEAU, art. précit.

556V. G. RIPERT et R. ROBLOT, 18ème éd. par M. GERMAIN, Traité de droit commercial, t. 1, v. 2,, Les sociétés commerciales, LGDJ, 2002.

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TH. BONNEAU, art. précit.

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valeurs mobilières comme des titres négociables qui procurent des fonds559. La cohérence de la notion et du régime ne s’explique que par rapport à cette finalité560

.

Comme nous l’avons précédemment souligné le rapprochement entre l’action et l’obligation est une des déterminantes de cette évolution, l’objectif étant la mise à disposition de capitaux pour la société. Ainsi que l’a souligné un auteur, le rapprochement de plus en plus étroit des titres de capital et des titres de créance traduit en fait une tendance profonde à l’unification de ces divers titres, à travers l’imbrication de leurs traits distinctifs théoriquement spécifiques, sur la base de leur fonction commune de financement à long terme de l’émetteur561. Que l’on mette en avant leur caractère spéculatif ou stratégique, l’ensemble des valeurs mobilières constituent essentiellement des titres d’investissement et ne se distinguent les unes des autres que par le degré de risque encouru par le souscripteur562. C’est également le cas pour les valeurs mobilières composées. Elles apportent une solution de financement à mi-chemin entre financement temporaire et financement permanent. L’accès différé au capital social permet un financement tenant compte des divers impératifs variés auxquels sont confrontées les sociétés. Cette finalité attachée à toute émission est le critère irréductible des valeurs mobilières563.

B- Une analyse des valeurs mobilières en titres de financement

89. Une conséquence de l’article L. 211-2 du Code de commerce. La définition donnée

par l’ordonnance du 24 juin 2004 par renvoi à l’article L. 211-2 du Code monétaire et financier semble conforter cette idée. La valeur mobilière est un titre qui représente un droit de créance collectif émis par une personne morale pour le financement de son activité. La nouvelle définition issue de l’ordonnance du 8 janvier 2009 et inscrite dans le Code de commerce renforce cette conviction. Les valeurs mobilières sont donc émises dans un but bien précis : le financement d’une activité. Elles sont par conséquent des titres de financement. Cette idée avait été auparavant développée par certains auteurs564. Monsieur Bonneau dans son article va plus loin en faisant la distinction entre titre de financement avec droit de vote et titre de financement sans droit de vote. Cette approche quoique pertinente de

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PH. GOUTAY, La notion de valeur mobilière, D. 1999, chron., p. 226.

560

E. GRIMAUX, th. précit., p. 308.

561

B. OPPETIT, La notion de valeurs mobilières, Banque et droit hors série, 1992, p. 4.

562

E. GRIMAUX, th. précit., p. 308.

563

B. OPPETIT, art. précit.

564V. G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1951.

l’auteur suscite de notre côté quelques réserves. En effet, cette distinction oppose les actions à toutes les autres valeurs mobilières qui ne confèrent pas le droit de vote. On retrouve donc dans une même catégorie des titres de capital et des titres de créance. Par ailleurs, avec la création des actions de préférence par l’ordonnance du 24 juin 2004, la possibilité offerte de créer des actions qui pourraient accorder le droit de vote dans des situations bien précises, rend plus difficile une telle classification. D’autres ont avancé que les valeurs mobilières sont des titres de financement à long terme565.

90. Le critère temporel. Quelle est la pertinence d’un tel critère ? Ce critère est critiqué

par un auteur qui lui reproche son imprécision566. Pour lui, le critère temporel ne peut pas être considéré comme un critère juridique solide, personne ne pouvant dire ce qu'est le long terme par rapport au moyen terme ou au court terme567. Doit-on de notre côté privilégier le critère temporel qui fait des valeurs mobilières des titres de financement à long terme ? Comme le souligne un autre auteur la seule référence à l’idée de financement est suffisante, peu importe la durée du financement568. Nous partageons également cette idée. Il est aujourd’hui difficile de limiter au long terme la notion de valeur mobilière. Ainsi que le souligne fort bien Monsieur Causse, « jamais, la qualification des titres d’emprunt n’a exigé le long terme […] les obligations à moyen terme ont toujours existé : lois et doctrine les dénomme bons »569.

90. Conclusion de la section II. Au sein de toute cette diversité des valeurs mobilières,

le dénominateur commun semble être le financement. Les titres de capital, tout comme les titres de créance sont émis afin de répondre aux besoins de financement de la société par actions. Si nous retenons que c’est la fonction de financement qui caractérise les valeurs mobilières, il ne s’agit pas d’éluder une recherche sur la notion conceptuelle, mais c’est surtout parce que la fonction de financement semble être le trait commun à ces valeurs mobilières. Par ailleurs, leur inclusion dans la catégorie des instruments financiers renforce cette idée. Si les valeurs mobilières ne peuvent être assimilées aux instruments financiers, notion plus moderne, force est de constater que la tendance actuelle tend à accentuer ce caractère.

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B. OPPETIT, art. précit.

566

H. CAUSSE, Les valeurs mobilières : un concept positif, LPA 21 octobre 1994, p. 4 ;PH. GOUTEY, La notion de valeurs mobilières, D. 1999, chron., p. 226.

567

H. CAUSSE, art. précit.

568

P. LE CANNU, L’ambiguïté d’un concept négatif : les valeurs mobilières, Bull. joly 1993, § 113, p. 395.

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91. Conclusion du chapitre II. Quelle analyse pouvons- nous faire de l’évolution de la

diversification des valeurs mobilières? Les rédacteurs de l’ordonnance du 24 juin 2004 en donnant une définition des valeurs mobilières ont pris la mesure du manque qui existait en la matière. En reprenant la loi du 23 décembre 1988 sur les OPCVM, qu’il insère dans le Code monétaire et financier et opère un renvoi au Code de commerce, le législateur améliore ainsi l’articulation entre les deux codes mais ne fait pas œuvre novatrice. Le résultat reste donc mitigé, les valeurs mobilières demeurent noyées dans le flot des instruments financiers. En incluant les valeurs mobilières dans la catégorie des instruments financiers, le législateur voulait sans doute mettre en évidence l’aspect financier. La récente ordonnance de 2009 fournit pour la première fois une définition qui est insérée dans le Code de commerce. Certes elle reprend pour l’essentiel la définition contenue dans le Code de commerce, mais elle clarifie surtout la typologie des instruments financiers et marque une évolution du droit boursier de plus en plus détaché du droit des sociétés.

Au-delà, ceci traduit le dynamisme d’une matière qui embrasse outre le droit des sociétés, celui fluctuant du droit financier et boursier. La définition fonctionnelle que nous avons retenue, illustre cette tendance. Elle s’inscrit dans la diversification des valeurs mobilières et traduit cette mutation des marchés, des valeurs et également des agents qui en assurent le fonctionnement. La société par actions s’inscrit au premier chef de ces acteurs. Elle devient une technique de financement de l’entreprise, il s’agit là sans doute d’un retour aux sources570.

Sa structure traditionnelle se trouve bouleversée, la diversification telle un raz de marée n’épargne aucun élément de ses fondements. L’évolution de la diversification des valeurs mobilières a mis en relief le fait qu’elle a été un moyen de répondre à l’insuffisance des fonds propres des sociétés. Mais, elle révèle une autre situation : l’action subit un mouvement de désagrégation qui ôte au droit de vote son caractère intangible. La multiplication des titres sans droit de vote présente des risques pour la démocratie dans la société.

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CONCLUSION DU TITRE I

Nous avons envisagé dans ce titre l’émergence, et le développement des valeurs mobilières. Ceci nous a également permis de voir les atteintes que le droit de vote subi du fait de la diversification des valeurs mobilières. Le développement des sociétés de commerce qui est à l’origine de la diversification des valeurs mobilières a entraîné une véritable révolution en la matière. Les besoins grandissants de capitaux consécutifs au développement industriel et commercial ont montré les insuffisances de l’autofinancement571

. Les sociétés ont désormais besoin de capitaux extérieurs pour se développer. Ce développement passe naturellement par une offre de produits sans cesse nouveaux. Elle a pour terrain de prédilection les sociétés par actions. Elle touche celles-ci dans leurs fondements. La conception traditionnelle et démocratique de la société est battue en brèche. Le droit de vote n’y résiste pas. Il perd son caractère emblématique qui faisait de lui le garant de la démocratie sociétaire. Ainsi, après une période où le droit de vote était jalousement protégé, succède une époque où ce droit perd régulièrement de sa force572. La diversification des valeurs mobilières est plus que jamais le catalyseur d’une transformation plus profonde des sociétés. Cette impulsion signe le départ d’une nouvelle conception de la société, la flexibilité et la souplesse devenant les maîtres mots. La transformation des marchés joue également un rôle déterminant en la matière.

Au cœur de la diversification, la notion de valeurs mobilières perd son unité. Le rapprochement des titres de capital avec les titres de créance est très significatif. La diversité des valeurs mobilières, signe du dynamisme de la matière n’est pas sans poser des problèmes. En effet, cette diversité qui résulte de la matière rend difficile la recherche d’un critère fédérateur. Si la pertinence de la fonction de financement est établie, elle demeure somme toute assez relative.

Avec l’ordonnance de 2004, le droit de vote devient un élément stratégique. On assiste à une nouvelle orientation dans la détermination du rôle du droit de vote dans la société. Le droit de vote peut être modulé à souhait. A cet effet, une nouvelle tendance se dessine. Le

571 Supra n° 11 et s.

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droit de vote n’est plus la seule garantie des droits pécuniaires de l’actionnaire. Il existe désormais des alternatives au droit de vote. Par ailleurs, parce que le droit de vote reste un outil favorisant le pouvoir dans la société, la diversification des valeurs mobilières en fait l’instrument privilégié. En permettant une modulation des actions et des obligations, la diversification des valeurs mobilières entraîne un développement des inégalités de droit de vote.

TITRE II

LES INEGALITES DE DROIT DE VOTE, RESULTANTES DE LA