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II - La dématérialisation des valeurs mobilières et ses conséquences sur la notion de valeurs mobilières

Le développement grandissant des titres négociables semble étroitement lié à l’épanouissement de l’économie de marché. Dans l’histoire, les titres négociables paraissent avoir été des vecteurs juridiques de la circulation des richesses456. Ainsi, les effets de commerce ont contribué à l’essor des relations commerciales en assurant à la fois rapidité et sécurité des transactions. Les actions et les obligations ont permis de drainer les capitaux nécessaires au capitalisme industriel457. L’importance économique et financière de ces titres est aujourd’hui indiscutable.

La dématérialisation a eu pour but d’accélérer la diversification en simplifiant la forme du titre. D’abord facultative, la dématérialisation des valeurs mobilières a été imposée par la loi

453 Sous réserve de l’interdiction de convertir un titre de capital en titre de créance.

454

TH. BONNEAU, art. précit.

455 V. l’exemple des certificats de valeur garantie et la difficulté de qualification des bons d’options de souscription.

456

J. LARGUIER, La notion de titre en droit privé, Paris, Librairie Dalloz, 1951.

457

n° 81- 1160 du 30 décembre 1981458 : « Les valeurs mobilières quelle que soit leur forme, doivent être inscrites en compte ». En pratique, la dématérialisation suppose une comptabilité par valeurs459. Ceci consiste à ouvrir à une personne autant de comptes qu’elle a de titres différents. Les conséquences juridiques de l’inscription en compte doivent s’apprécier en partant de l’article 263 de la loi de 1966460. Dans l’ancienne énonciation, il était établi que « Les valeurs mobilières émises par les sociétés par actions sont les actions et les obligations ». Il est désormais précisé que les valeurs émises par les sociétés par actions sont des titres au porteur ou des titres nominatifs. L’inscription en compte, loin de supprimer les conséquences entre les titres nominatifs et les titres au porteur461, fait de ces deux catégories la summa divisio du droit des valeurs mobilières462. Elle remplace désormais la distinction des actions et des obligations rendue incomplète par l’apparition de nouvelles formes de valeurs mobilières463. Si elle marque par conséquent une nouvelle étape dans l’évolution du droit des valeurs mobilières, celle-ci soulève certaines interrogations avec la disparition du titre papier. La qualification des valeurs mobilières est une question d’une singulière complexité464

. Elle fait resurgir le débat sur la notion de titre. C’est le débat entre le négotium et l’instrumentum (A) qui est relancé. C’est également la question sur les conséquences de la nature du droit du titulaire de la valeur mobilière qui se pose (B).

A- Les incidences de la dématérialisation sur la nature du titre

Le titre peut être appréhendé comme la cause ou le fondement juridique d’un droit qui, associé à divers qualificatifs indique tant la source du droit que le mode et les caractères essentiels de l’acquisition. Ce dernier sens se résume à ce que la doctrine unanime appelle le

negotium. A cette définition, s’oppose l’instrumentum, qui est l’écrit qui constate un acte

458

La dématérialisation a été instaurée par l’article 94-II de la loi de finances n° 1- 1160 du 30 décembre 1981, V. Rev. sociétés 1982, p. 161.

459

C. LASSALAS, L’inscription en compte de valeurs mobilières : La notion de propriété scripturale, préf. J. Stoufflet, Presses universitaires de la faculté de droit de l’université de Clermont-Ferrand, LGDJ, 1997, p. 10.

460

C. com., art. L. 228-1 al. 3 : « Les valeurs mobilières émises par les sociétés par actions revêtent la forme de titres au porteur ou de titres nominatifs, sauf pour les sociétés pour lesquelles la loi ou les statuts imposent la seule forme nominative, pour tout ou partie du capital ».

461

Les valeurs mobilières nominatives imposent l’établissement d’une relation directe entre l’émetteur et le propriétaire. Les valeurs mobilières au porteur obligent le propriétaire à s’inscrire en compte chez un intermédiaire habilité, qui lui-même sauf recours à un mandataire, est en relation directe de compte avec le dépositaire central.

462

Y. GUYON, Les aspects juridiques de la dématérialisation des valeurs mobilières, Rev. sociétés 1984, p. 451 et s.

463 Loi n° 83-1 du 3 janv. 1983 instaurant les certificats d’investissement et les titres participatifs, v. également

M. GERMAIN, Les nouvelles valeurs mobilières, Dr. sociétés 1986, p. 2.

464

H. BOUTHINON- DUMAS, Le droit des sociétés cotées et le marché boursier, préf. de Ph. Didier, Droit et économie, LGDJ, 2007, p. 150.

matériel ou juridique susceptible de produire des effets de droit465. La dématérialisation a consisté à substituer l’inscription en compte du droit considéré à la représentation documentaire littérale dont il faisait l’objet jusque-là. Ce changement tient en une désolidarisation du droit d’avec le support où il s’incorporait. La dématérialisation des valeurs mobilières conduit donc à une analyse renouvelée du titre. La dématérialisation des valeurs mobilières remet en question les bases même du concept de valeurs mobilières dont les actions sont le type le plus achevé466.

On ne peut aborder la question de l’instrumentum et du négotium sans parler du contexte historique de la dématérialisation. Comprendre cette évolution nous permettra de mieux appréhender la remise en cause que la dématérialisation a opérée.

1- Contexte historique de la dématérialisation

75. L’inscription en compte. La France connaît depuis un peu plus de quarante ans

l’inscription en compte des valeurs mobilières. C’est une mesure législative du temps de guerre qui a posé la première pierre à l’édifice467

. Des lois édictées par le gouvernement de Vichy468 avaient imposé le dépôt des actions au porteur, par l’intermédiaire d’établissements habilités auprès d’un organisme qui est la caisse centrale de dépôt et de virement de titres (CCDVT). Les circonstances exceptionnelles de la guerre (risques d’acquisitions par l’occupant, de paquets de valeurs mobilières au moyen de l’indemnité d’occupation, l’impossibilité des contrôles du fait de l’existence des titres au porteur) obligeaient le dépôt auprès des banques et des agents de change des actions au porteur de sociétés françaises négociables sur un marché469. A la fin des années 40, les critiques étaient nombreuses contre le système de la CCDVT. Le dépôt obligatoire avait soulevé de vives critiques justifié par la lenteur des opérations et le montant élevé des frais de garde. L’organisme fut supprimé, le dépôt obligatoire aboli. La loi du 5 juillet 1949 instaura pour les sociétés cotées un régime facultatif d’inscription en compte470

. La nouvelle loi du 22 juillet 1949 charge une nouvelle

465

H. CAUSSE, Les titres négociables Ŕ Essai sur le contrat négociable, préf. B. Teyssié, Bibl. dr. ent., Litec, 1993, p. 5 ; Vocabulaire juridique H. Capitant, 8ème éd., PUF, 2007, p. 611, v. negotium.

466

P. LE CANNU, Droit des sociétés, Domat droit privé, Montchrestien, 2ème éd., 2003.

467

L. FOYER, La dématérialisation des valeurs mobilières en France, in Mélanges en l’honneur de G. FLATTET, Lausanne, 1985, p. 21 et s.

468

L. FOYER, art. précit.

469

A. SERRE, Influence de la pratique sur le droit des valeurs mobilières, in Les autorités boursières créatrices de droit, Colloque Université de Paris II, ENAJ, 1981, p. 135.

470

G. RIPERT, Le régime des valeurs mobilières et le décret du 4 août 1949, Rev. sociétés 1949, p. 261 et s.; P.

institution, la SICOVAM471 (Société Interprofessionnelle pour la Compensation des Valeurs Mobilières) qui a pour mission de mettre ce régime en œuvre et d’assurer son fonctionnement. Un double système est instauré entre les titulaires de titres et les intermédiaires, et entre ces derniers et la SICOVAM. Au fil des années, ce système s’est enrichi de montages qui ont étendu le champ d’application de la loi de 1949.

Ceci se manifeste par l’extension en 1977 du régime de fongibilité naturelle, origine même du système, à des valeurs non fongibles par nature : les obligations amortissables par tirage au sort de numéros472. En 1982, l’admission en SICOVAM des caisses nominatives, contrepartie en titres des certificats nominatifs des titulaires inscrits dans les registres des sociétés émettrices, représente un nouvel et bienfaisant élargissement du régime. Cette évolution considérable n’empêchait pas le maintien des deux systèmes de détention et de circulation des principales valeurs françaises : l’un de type immatériel ou scriptural, l’autre de type matériel ou en « vif ». Par ailleurs, cette dualité a entraîné un déficit important auquel doivent faire face les intervenants. Il est donc logique que ces intervenants cherchent à systématiser définitivement la faculté offerte depuis 1949 par l’inscription en compte valant titre. C’est la loi de 1981473 qui a étendu à l’ensemble des valeurs françaises l’obligation d’inscription en compte. Cette règle met fin à la dualité de détention possible des valeurs mobilières au profit de la « seule inscription sur un compte tenu par l’émetteur des titres ou un intermédiaire financier ». Il convient de souligner que la France a opté pour une dématérialisation qui, en définitive, constitue un mode de circulation et de détention des titres474, ce qui est différent dans des pays comme la Belgique et l’Espagne où les titres dématérialisés constituent une nouvelle catégorie de valeurs mobilières, à côté des titres au porteur ou nominatifs.

Il est intéressant de revenir sur les circonstances qui ont prévalu à l’adoption définitive de la loi. Les motivations de cette loi prise par le gouvernement socialiste de l’époque sont

471 Rép. Dalloz Sociétés, v. Action, par J.-F. Artz. La fusion des bourses d'Amsterdam, de Bruxelles, et de Paris donnant naissance à Euronext, devait avoir pour conséquence d'entraîner un rapprochement des opérateurs centraux de ces trois places : Sicovam SA pour Paris, Necigef pour Amsterdam et CIK pour Bruxelles. En 2001, ces trois opérateurs fusionnaient dans Euroclear-France. Les actionnaires de Sicovam SA devenaient actionnaires d'Euroclear Plc, société holding d' Euroclear. Euroclear-France reprenait à son compte les activités de Sicovam SA, tandis que s'effectuait une répartition de compétences entre Euroclear-France et le Conseil des marchés financiers.

472

V. G. RIPERT par R. ROBLOT, Traité de droit commercial, 5ème éd., 1963 ; G. RIPERT et R. ROBLOT, par PH.

DELEBECQUE et M. GERMAIN, Traité de droit commercial, t. 2, Les sociétés commerciales, 18ème éd., 2002, p. 524 ; P. MIGEOT, La dématérialisation des valeurs mobilières françaises, Banque 1984, p. 827 et s.

473 L. n° 81-1160, art. 94-II.

474

étrangères à la fonction de circulation de l’épargne normalement assumée par les valeurs mobilières475. Les considérations matérielles inhérentes au principe d’incorporation du droit dans un titre papier qui entraînaient des frais importants ont été invoquées. De même, il fut invoqué les risques de pertes ou de vols liés à ces titres- papiers476. La cause des changements intervenus à l’époque réside dans le désir d’organiser le contrôle sur les cessions d’actions, la raison étant d’éviter que les entreprises françaises ne tombent aux mains des autorités occupantes ou de spéculateurs indélicats. Des premières mesures datant de la fin de 1940 à la dématérialisation, il faut y voir en réalité des considérations politiques. Ainsi que l’a fort bien souligné Monsieur A. Reygrobellet dans sa thèse, la dématérialisation devenait ainsi une arme de l’arsenal législatif déployé pendant les hostilités au soutien de l’effort de guerre477

. Cette considération de police économique explique pourquoi les modifications touchèrent aux seules actions478.

2- Le débat autour du negotuim et de l’instrumentum.

76. Les positions en présence. La dématérialisation qui a priori ne concerne que la forme

du titre a entraîné des questions sur le fond : Doit-on continuer à parler de titre alors que les valeurs mobilières ne sont plus représentées que par une inscription en compte ? La dématérialisation n’a-t-elle pas entraîné une disparition de l’instrumentum? Ces interrogations suscitées par la disparition du titre- papier ont donné lieu a de nombreux écrits par la doctrine479. Pour certains auteurs, la dématérialisation des valeurs mobilières n’a entraîné qu’un changement dans le support du titre. Madame Lassalas480

nous explique que la dématérialisation ou encore « la scripturalisation »481 ne modifie pas la nature et le régime juridique des valeurs mobilières. Si la forme de l’appropriation est désormais matérialisée par

475

A. REGROBELLET, La notion de valeur mobilière, Th. dactyl, Paris II, 1995, p. 991.

476

A. REGROBELLET, th. précit., p. 990.

477Ibid.

478Ibid.

479 On peut citer à ce propos parmi les thèses : V. O. AUDIC, Les fonctions du document en droit privé, préf. de Ph. Delebecque, LGDJ, Bibliothèque de l’institut André Tunc, 2004. ; F-X. LUCAS, Les transferts temporaires de valeurs mobilières Ŕ pour une fiducie de valeurs mobilières, préf. L. Lorvellec, Bibl. dr. privé, t. 283, LGDJ, 1997, p. 203 et s.; C. LASSALAS, L’inscription en compte de valeurs mobilières : La notion de propriété scripturale, préf. J. Stoufflet, Presses universitaires de la faculté de droit de l’université de Clermont- Ferrand, LGDJ, 1997.

Les articles : F-X. LUCAS, Retour sur la notion de valeurs mobilières, Bull. Joly 2000, § 185, p. 765; D. R.

MARTIN, Du titre et de la négociabilité (à propos des pseudo-titres négociables), D. 1993, chron., p. 20, , p. 765 ;

H. CAUSSE , Principe, nature et logique de la dématérialisation, JCP E 1992, I, p. 194 et s.

480

C. LASSALAS, L’inscription en compte de valeurs mobilières : La notion de propriété scripturale, préf. J. Stoufflet, Presses universitaires de la faculté de droit de l’université de Clermont- Ferrand, LGDJ, 1997.

481

D. R. MARTIN, La théorie de la scripturalisation, in 20 ans de dématérialisation des titres en France, Ouvrage collectif sous la direction de H. DE VAUPLANE, 2005, p. 55. La « scripturalisation » traduit la révolution advenue dans le mode de représentation des valeurs mobilières.

une inscription en compte et non plus par un titre papier, le droit reste un droit réel. Le droit de propriété peut, en effet porter sur l’actif quel que soit le support qui le matérialise. Ce droit de propriété est dénommé la propriété scripturale. Cette position tranche très nettement d’une autre. Monsieur F-X. Lucas dans sa thèse va à contre-courant de cette opinion. Il estime que la dématérialisation en faisant disparaître l’instrumentum renvoie les valeurs mobilières à leur nature première à savoir le negotium qu’elles n’ont jamais cessé d’être. Pour lui, la plupart des protagonistes de ce débat doctrinal ramènent les valeurs mobilières à l’instrumentum, qui le constatait en perdant de vue le negotium qui n’a pas été affecté par la dématérialisation482. Il conclut à une fiction de l’incorporation du droit dans le titre, théorie qui avait abouti à considérer les valeurs mobilières comme le titre papier qui les matérialisaient. Une autre position est celle qui voit dans les valeurs mobilières des contrats négociables483. Pour un auteur, si cette position est intéressante en ce qu’elle prend en compte l’aspect contractuel des sociétés par actions, elle rend difficilement applicable le droit des biens aux valeurs mobilières484.

D’aucuns estiment inopportun le fait d’utiliser le terme de titre négociable pour désigner des valeurs dématérialisées. Le titre permet de « corporaliser le droit » ; la dénomination de « titre » appliquée à un droit de créance incorporel, fût-il qualifié de « négociable », relève du non-sens et témoigne d’une dérive conceptuelle485. Pour Monsieur D. Martin, les actions sont demeurées des biens corporels matérialisés par une inscription en compte, celle-ci ne constate pas la valeur mobilière, elle est la valeur mobilière.

Au-delà de la grande hétérogénéité de qualifications, deux tendances se dégagent. Il y a une tendance qui considère que la dématérialisation a remis en cause l’analyse de la nature des valeurs mobilières486. Une deuxième tendance qui estime qu’il faut toujours raisonner à partir de la théorie de l’incorporation du droit dans le titre. Il s’agit d’une part de juristes qui considèrent que les valeurs mobilières sont restées des biens corporels malgré la dématérialisation487 et d’autre part ceux qui considèrent les valeurs mobilières comme des

482F.-X. LUCAS, Les transferts temporaires de valeurs mobilières Ŕ pour une fiducie de valeurs mobilières, préf. L. Lorvellec, Bibl. dr. privé, t. 283, LGDJ, 1997, p. 213.

483 V. H. CAUSSE, Les titres de créance négociables- Essai sur le contrat négociable, préf. B. Teyssié, Bibl. dr. privé, Litec, 1992.

484

P. LE CANNU, op. cit., p. 654.

485

D. R. MARTIN, art. précit.

486 V. H. CAUSSE, et F. X. LUCAS, op. cit.

487

biens incorporels488. La loi de 1981 a donc permis de se focaliser sur la véritable nature juridique des valeurs mobilières. Ces discussions ont permis de mettre en relief le fait que les valeurs mobilières représentent des droits de créance d’une nature particulière489

.

Il est clair que si la dématérialisation des valeurs mobilières avait dans un premier temps pour objectif le contrôle des cessions d’actions, elle a aujourd’hui fortement contribué à dynamiser la circulation des titres, qui fait de la France un pays en avance dans ce domaine. Tout en permettant de se fixer sur la véritable nature des valeurs mobilières, elle a permis également de mieux appréhender la nature du droit exercé sur le titre.

B- Les incidences de la dématérialisation sur la nature du droit exercé sur le titre

Une des conséquences de la dématérialisation des valeurs mobilières a été de remettre en cause la thèse de la fiction de l’incorporation du droit dans le titre. Comment doit-on appréhender le droit exercé par le porteur du titre ? Un retour à la véritable nature du titre s’impose. Dans le cas des actions, l’actionnaire n’a pas la propriété du capital : il a des droits qui sont déterminés à proportion de ce qu’il a apporté au capital de la société. Pour le cas des obligations, l’obligataire apporte des fonds à la société en contrepartie desquels celle-ci lui attribue des droits. Si la créance de l’obligataire envers la société ne fait pas de doute, il en est autrement pour ce qui est de l’actionnaire. La présence de prérogatives de gouvernement et donc la possibilité d’exercer un contrôle sur les affaires sociales sont à la base d’un tel doute. Le premier courant considère que les prérogatives de gouvernement transforment l’associé en propriétaire du fonds social alors que le second courant voit dans l’actionnaire un créancier dont le statut n’est pas remis en cause par un tel pouvoir. L’intérêt réside dans la qualification de ces droits. C’est ce que nous verrons dans l’analyse, ci-après.

1- La nature du droit exercé

77. Notion de droit personnel et de droit de créance. Le droit personnel ou

« obligation » est un rapport juridique entre deux ou plusieurs personnes ; il s’exerce contre une personne. Pour l’un, il constitue une créance, pour l’autre une dette. Le droit personnel est dans la théorie classique tout rapport juridique entre deux ou plusieurs personnes en vertu duquel l’une d’elles le créancier a le droit d’exiger d’une autre, le débiteur, un certain fait ou

488

C. LASSALAS, op. cit.

489

H. LE NABASQUE et A. REYGROBELLET, L’inscription en compte des valeurs mobilières, Actes prat. ing. sociétaire novembre/décembre 2002, p. 4.

une certaine abstention490. Selon le vocabulaire juridique H. Capitant, le droit de créance est l’obligation, droit personnel, en vertu duquel une personne nommée créancier peut exiger d’un autre débiteur l’accomplissement d’une prestation491

. Le droit personnel traduit clairement l’existence d’un droit de créance entre deux personnes.

78. Le rattachement des valeurs mobilières à la catégorie de droit de créance. Pour

aborder cette question, il faut revenir à la division traditionnelle entre les actions et les obligations. S’agissant des obligations, on s’accorde à reconnaître que l’obligation est le droit de créance du prêteur, l’obligataire sur le débiteur, l’émetteur et qu’il s’agit d’une valeur mobilière correspondant à la créance de remboursement de l’emprunt obligataire492

. Le fait que l’obligataire a une créance sur la société est ici indiscutable. En effet, l’article L. 213-5 du Code monétaire et financier énonce que : « Les obligations sont des titres négociables qui, dans une même émission, confèrent les mêmes droits de créance pour une même valeur nominale ». L’existence d’un lien de droit entre deux personnes à savoir la société, personne morale et l’obligataire est établie, ce lien obligeant l’accomplissement d’une prestation. Le même raisonnement vaut-il pour les actions ?

L’existence d’un lien de droit entre l’actionnaire et la société est établie au cours de la vie de celle-ci. Ce lien naît de l’apport. L’article 1832 du Code civil définit l’apport comme le fait d’affecter des biens à une entreprise commune. La société est la principale partie de l’opération d’apport. En face de l’apporteur, c’est elle qui va assumer la charge de la