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Un principe de liberté de création des obligations. Mis à part quelques dispositions

II - L’affirmation de la négociabilité du titre et l’émergence de la notion de valeurs mobilières

26. Un principe de liberté de création des obligations. Mis à part quelques dispositions

des premières années du second empire qui avaient prévu pour les sociétés de chemin de fer,

173

A. LEFEBVRE-TEILLARD, op. cit., p. 167.

174

A. REYGROBELLET, th. précit., p. 91.

175

C’est le cas de la compagnie des mines de Grand-Combe créée en 1837, sous forme de commandite et qui se transforme en SA, et émet dès 1840 des obligations de 1000F remboursables en vingt-cinq ans au taux de 1250, soit une prime de 250.

176

A. LEFEBVRE-TEILLARD, op. cit., p. 167.

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l’émission des obligations pour financer une partie de leurs investissements de départ, et donnant de ce fait l’opportunité au conseil d’Etat de poser quelques conditions d’émission, la plupart des autres sociétés s’étaient contentées de prévoir la faculté d’emprunter « à long terme avec ou sans affectation hypothécaire, par émission d’obligations ou autrement »178

. En ce qui concerne l’émission des obligations, le principe était celui de la liberté, exception faite des compagnies de chemin de fer qui devaient avoir une autorisation gouvernementale et les banques auxquelles Napoléon III interdit le procédé pour ne pas concurrencer les billets de la banque de France. Le conseil d’Etat intervint dans quelques cas en dehors des compagnies de chemin de fer pour formuler deux principes : le chiffre des obligations ne devait pas dépasser le chiffre du capital social, et aucune obligation ne devait être émise avant la libération préalable et complète des actions. Ce deuxième principe a été quelque peu assoupli en 1874 au sujet des compagnies de chemin de fer d’intérêt local. Il n’existait par ailleurs aucune réglementation d’ensemble en la matière. Ce vide législatif persista après la loi de 1867. Certains juristes de l’époque posaient la question de la protection des obligataires179

. Ceux-ci ne disposaient pas en effet d’une protection suffisante. Pour Thaller, « ne conviendrait-il pas au moins d’admettre à titre consultatif, les obligataires à l’assemblée générale de la société emprunteuse ?180 ». A deux reprises, en 1884 et 1902, une réglementation sur la société a été sur le point de voir le jour. La première ébauche vient d’une loi du 16 juillet 1934 qui postulait que tout acte qui interromptait la prescription des intérêts à l’égard de l’un des porteurs d’obligations bénéficiait aux autres obligataires du même emprunt. Il y a là une affirmation du caractère collectif de l’emprunt obligataire181

.

Il ressort à la fin du XIXèmesiècle que la circulation du capital constitue désormais l’ordinaire des sociétés par actions. Elles se procurent leur capital et leurs ressources en émettant des valeurs mobilières. Ces titres sont destinés à circuler et représentent des placements, les uns à revenu variable, les autres en principe du moins à revenu fixe182. Les actions et les obligations deviennent les instruments de financement des sociétés de capitaux. Il est intéressant de remarquer que la différence est peu marquée entre l’action et l’obligation. Le terme de capital-obligations évoquait en effet une proximité par les fins avec la notion de

178Ibid.

179

E. THALLER, Traité élémentaire de droit commercial, Libraire nouvelle de droit et de jurisprudence, 1904, p. 381.

180 Ibid.

181

A. REYGROBELLET, op. cit., p. 95.

182

capital social183. Cette conception est restée forte pendant longtemps puisqu’au milieu du XXème siècle une émission d’obligations était encore analysée comme « un complément du capital »184. Cette parenté avait été perçue par Thaller185 qui jugeait que les obligataires n’étaient pas des créanciers sociaux ordinaires. L’intervention du législateur en la matière par le décret-loi du 30 octobre 1935 fut pour promouvoir un statut de l’obligataire, et non pour réglementer une quelconque émission d’obligations. La distinction avec les sociétés de personnes est désormais établie au niveau même des parts sociales. Mais, l’expression valeurs mobilières n’est pas encore consacrée186

. Il est fait usage des termes « valeurs de bourse » ou encore « valeurs industrielles ». Concernant les sociétés, la loi du 24 juillet 1867 a pour effet de libérer la société anonyme187. L’élaboration de cette grande charte des sociétés par actions qui constitua leur droit commun jusqu’à la loi de 1966, fut désormais le cadre juridique du développement des valeurs mobilières et confirma cette tendance.

B- Le capitalisme moderne188 et le développement des valeurs mobilières

La fin du XIXèmesiècle est marquée par l’ère des sociétés de capitaux avec le développement des valeurs mobilières. Avec l’affirmation de la négociabilité des titres, les actions et les obligations sont de plus en plus diversifiées. L’article 34 du Code de commerce qui consacre le principe de la division du capital en actions d’une valeur égale marque une étape importante. Il marque le début de la réflexion sur le principe d’égalité dans les sociétés de capitaux avec un peu plus tard la consécration du principe de proportionnalité.

1- L’évolution historique de principe d’égalité dans les sociétés

183

B. OPPETIT, La notion de valeur mobilière, in L’Europe et le droit, Banque et Droit 1992, numéro Hors série, p. 4.

184 Cass. crim., 15 juin 1954, JCP 1955, II, p. 724, note D. B.

185

E. THALLER, Construction du droit des obligataires sur la notion d’une société qui existerait entre eux, Ann. Dr. com. 1894, t. 2, p. 65.

186

H. CAUSSE, Les titres négociables- Essai sur le contrat négociable, préf. de B. Teyssié, Bibl. dr. ent., Litec, 1993, p. 15.

187Sous la direction d’E. RICHARD, Droit des affaires, questions actuelles et prospectives historiques, Didact Droit, Presses universitaires de Rennes, 2005, p. 340.

188 V. G. RIPERT, Aspects juridiques du capitalisme moderne, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1951.

Considéré comme le corollaire du principe de proportionnalité, le principe d’égalité eut du mal à s’affirmer en droit des sociétés. Si la jurisprudence a dû affirmer le principe dans certaines décisions, celui-ci était loin d’être admis de façon unanime. Le débat au sein de la doctrine a eu pour effet d’en préciser la portée et de mieux le circonscrire.

a- Le contexte législatif

27. L’évolution à partir de l’ancien droit. Les textes qu’il convient de consulter à cet

égard sont les lois sur les sociétés et avant elles, les dispositions du Code de commerce relatives aux sociétés par actions. Dans l’ancien droit, l’absence d’une réglementation légale des sociétés par actions faisait que chaque société avait une organisation propre. Aussi, ni Savary dans son commentaire de l’ordonnance de mars 1673189, ni Pothier, dans son traité de contrat de société190 ne parlèrent des sociétés par actions et ne furent conduits à poser le principe de l’égalité de régime auquel les actions doivent être soumises.

Le Code de commerce dans sa rédaction ancienne y fit mention en son article 34 aux termes duquel « le capital de la société anonyme se divise en actions et même en coupure d’actions d’une valeur égale. », texte qu’il convient d’étendre aux sociétés en commandite ainsi que le déclare l’article 38 du Code de commerce. Selon les termes employés par le législateur, il s’agissait de la division du capital et non des droits et obligations attachés aux titres. En mettant en parallèle l’article 34 avec l’article 1853 du Code civil, et en considérant la notion d’égalité entendue dans son sens général comme intrinsèque au contrat de société, il a été dès lors précisé la portée des mots « valeur égale ». Il convient de souligner que lors de son adoption par le Conseil d’Etat, l’article 34 n’avait donné lieu à aucune observation qui permit de découvrir l’intention du législateur191

. Ce fait justifiait les débats sur la question.

Dans la loi du 24 juillet 1867, on n’y voit point énoncer davantage la règle du principe d’égalité entre les actionnaires. Dans les débats auxquels le projet donna lieu, il n’en fut point question. Au contraire, il pourrait y être puisé des arguments contraires à cette règle. En effet, l’article 4 faisait mention d’avantages particuliers et l’article 27 de la loi de 1867 établissait une triple dérogation à l’égalité entre actionnaires. Il stipulait que : « 1° les statuts déterminent

189

J. SAVARY DE BRUSLONS, Le parfait négociant ou instruction générale pour ce qui regarde le commerce tant de France que des pays étrangers, t. 1, 8ème éd., Paris, 1721.

190

R. J. POTHIER, Œuvres de Pothier, t. 5, nouvelle édition publiée par M. Siffrein, 1821- 1824.

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le nombre d’actions qu’il est nécessaire de posséder pour être admis dans les assemblées ; 2° il fixe le nombre de voix appartenant à chaque actionnaire eu égard au nombre de voix dont il est porteur ; 3° dans les assemblées constitutives, tout actionnaire, quel que soit le nombre d’actions dont il est porteur, peut prendre part aux délibérations avec le nombre de voix déterminé par les statuts sans que celui-ci puisse être supérieur à dix. Il ressort que la règle de l’égalité entre actionnaires n’était pas inscrite dans des textes de lois et n’a pas été énoncée de manière expresse. La jurisprudence a été par contre en avance sur la loi.

b- La position jurisprudentielle et doctrinale