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Spécificité du contexte du passage à l’acte à l’adolescence

III. ARGUMENTAIRE THEORIQUE DU DISPOSITIF DE RECHERCHE

3.2 Au début était la pulsion

3.3.2 Spécificité du contexte du passage à l’acte à l’adolescence

Dans quels mouvements psychiques s’inscrit l’agir sexuel adolescent ? 3.3.2.1 L’adolescence

Rappelons que l’adolescence, période qui se situe environ entre 13 et 18 ans (nous utilisons la référence de l’intervalle d’âge proposé par l’association ATSA, Association pour le traitement

52 Ibid, p 18

53 ROMAN, P. (2012). Les violences sexuelles à l’adolescence. Comprendre, accueillir, prévenir. Paris : Elsevier-Masson, p 18, 6.

des abuseurs sexuels, bien que nous prenions en compte que le processus psychique puisse s’engager plus longuement), caractérisée par la grande période des modifications physiques, physiologiques et corporelles, est la période marquée également par « les remaniements psychiques et identitaires », liés au processus pubertaire (Gutton, 1991). Le pubertaire étant aux phénomènes psychiques ce que la puberté est au corps. L’adolescent se trouve en effet à cette période à l’interface de deux mondes : celui de l’enfance qu’il doit quitter, et celui du monde de l’adulte auquel il doit tendre. Cette exigence de développement engage l’adolescent malgré lui dans une période qui mêle à la fois transformations physiques, physiologiques et psychiques.

Selon Braconnier (cité par De Mijolla A, 2002), trois transformations psychiques seraient à l’œuvre durant cette période :

1. le désengagement des liens parentaux intériorisés au cours de l’enfance ;

2. la découverte par la pulsion sexuelle de l’amour objectal sous le primat des zones génitales et de l’orgasmique ;

3. l’affirmation de l’identité et de la subjectivation. La métamorphose physique liée au processus pubertaire (Gutton, 1991) impacte la scène psychique, les transformations sont diverses et touchent l’image de soi, l’identité de genre, le narcissisme, les idéaux.

Cette période est marquée d’un point de vue inconscient, par la réactivation des fantasmes œdipiens et meurtriers, dû à l’avènement de la maturité sexuelle, alors que ceux-ci étaient restés en sommeil durant la période de latence de l’enfance. L’adolescent doit ainsi effectuer un travail de contenance et de transformation des excitations pulsionnelles, en accédant à un travail de deuil des objets infantiles (refoulement de la sexualité infantile lié à ses premières figures d’investissement), pour se tourner vers un autre choix d’objet, socialement acceptable. Il se retrouve malgré lui, dans un travail de transformation de grande ampleur à réaliser, de la pulsion en symbolisation, en référence à la modélisation d’André Green décrite plus haut. Ce mouvement développemental ne s’effectue pas sans quelques secousses et engage également, en bouleversant l’ordre initialement établi, une véritable refonte des assises narcissiques et identitaires. Des défenses primitives vont se mobiliser face à l’angoisse ressentie devant la puissance des pulsions (Anna Freud, 1976). Bursztejn, (1996) l’évoque ainsi: « l'irruption dans l'espace psychique du corps sexué, la réactivation de la problématique

œdipienne, bouleversent les investissements objectaux et remettent en cause les bases identificatoires préalables, aussi bien que les assises narcissiques. Ces mouvements sont

sources de violence ». Philippe Gutton évoque le terme de « traumatisme pubertaire » (1991)

pour traduire cette période.

C’est en ce sens que Pascal Roman part de l’hypothèse selon laquelle les réaménagements pulsionnels de la puberté ouvrent une voie particulière aux expressions adolescentes dans le registre de l’agir : « l’acte à l’adolescence se trouverait au cœur du travail de symbolisation-

dé-symbolisation ouvert par la crise pubertaire » (Roman, 2012, p22).

3.3.1.2 Place de la violence sexuelle dans le processus adolescent

Ainsi, dans la situation de l’agir de l’adolescent, celui-ci se sentirait menacé d'être débordé par les conflits qui agitent son monde psychique interne. Selon la conceptualisation de Philippe Jeammet (1980) sur le processus adolescent, une prise de conscience insupportable, viendrait substituer un acte, dont la fonction serait celle d’assurer pour l’adolescent un contrôle sur les objets externes de l'environnement, alors que ce mouvement est à relier aux pulsions internes à lui-même, qui sont ressentis comme un danger pour le Moi. Dans la situation de l’adolescent engagé dans des agirs sexuels violents, celui-ci ne parviendrait pas à refouler la scène pubertaire (échec du travail de transformation des pulsions), alors que la maturité des organes sexuels lui donne la possibilité potentielle de réalisation du fantasme œdipien (Roman, 2012). Ce mauvais contrôle de la pulsion déclencherait une angoisse majeure, ce qui le conduirait du point de vue de l’économie psychique, à recourir à des mécanismes de défense au service d’un moi mal étayé, tels que le clivage et la mise en acte, mécanismes habituels à cette période d’âge, mais où, ici, le recours serait excessif. La décharge pulsionnelle sur un objet viendrait en solution de maîtrise toute puissante, l’autre étant un objet de domination. L’adolescent lutterait ainsi contre un vécu de passivité insupportable lié au « traumatisme pubertaire » (Gutton, 1991) (Roman, 2012, p 23).

3.3.2.3 L’acte également comme révélateur d’une trace permettant une reprise d’élaboration psychique

Différents auteurs soulignent l’idée que l’agir sexuel adolescent répondrait à la fois à une panne de symbolisation et simultanément à une tentative de reprise du processus de symbolisation. Ainsi Pascal Roman (2012, p 23) considère les agirs adolescents comme pouvant être constitués: « d’une structure biface : tout à la fois ils constituent la trace de l’attaque du

processus de symbolisation et la marque d’une reprise élaborative s’inscrivant dans un travail de subjectivation adolescent.

D’autres cliniciens partagent cette idée : dans un de ses articles, où Magali Ravit (2015) évoque la théorisation de René Roussillon concernant d’une manière générale la dimension de l’acte. Celui-ci le considérerait « comme un langage en peined’adresse, en panne de « répondant ».

(R. Roussillon, 2008, p.27)54.

Pour Balier (1996), le passage à l'acte, « opère par glissement du fantasme à sa réalisation

actuelle, par incapacité de répression ou surcroît d’excitation ». Il serait relié à des

représentations psychiques, contrairement au recours à l'acte. Le passage à l'acte contient donc une certaine forme de mentalisation confirmée d'ailleurs par la tentative de liaison que l’on retrouverait dans la répétition de passages à l’acte.

Nous souhaitons nous arrêter un moment sur les différences existantes entre les notions de « passage à l’acte » et de « recours à l’acte ».

Le passage à l’acte nous l’avons vu, correspondrait pour certains auteurs tels que Balier, Ciavaldini, à une tentative de reprise d’élaboration. Il serait à différencier du recours à l’acte qui quant à lui, correspondrait à une ultime défense du psychisme pour éviter la désorganisation. Selon ces auteurs, il serait un moyen de défense protégeant d’une désorganisation du moi consécutif à une angoisse de perte à l’envahissement d’imagos archaïques, à la crainte de la passivité. Ici, il ne serait pas question d'une échappée de la mentalisation mais d'un processus dans lequel le comportement remplace la pensée. Le recours à l’acte serait ainsi plutôt à voir comme : « une sauvegarde narcissique du sentiment d’existence s’accompagnant d’une dés-

objectalisation et d’une dé-subjectivation »55 (Ciavaldini, 2012). L’acte pulsionnel relèverait d’une lutte contre l’effondrement narcissique.

Du point de vue des distinctions de dénominations entre « passage à l’acte », « recours à l’acte », nous avons pu constater en consultant la littérature dans le domaine, que l’interprétation peut varier parfois suivant les auteurs. Widlöcher (2006) préfère employer le terme de « mise en acte » que le terme de passage à l’acte, car le terme de passage renverrait plutôt selon lui, à l’idée d’un élément déplacé (De Becker), ce qui nous semble également mieux nous correspondre.

54 RAVIT, M. (2015).Penser les logiques subjectives dans la logique criminelle les apports de René Roussillon. Le carnet psy. Février 2015.

p56-57

3.3.3. Approfondissement de l’origine psychique inconsciente de la mise en