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II. ETAT DES LIEUX DES RECHERCHES INTERNATIONALES SUR LE

2.2 Distinctions, caractéristiques des comportements sexuels abusifs commis par des adolescents

2.2.5 Recherche d’un profil psychologique

Les tentatives de répertorier un profil d’adolescent agresseur sexuel ont toutes concluent à l’hétérogénéité des profils (Roman, 2012, Lemitre, 2010 ; Sioui, 2007; Van Wijk & al., 2006; Righthand et Welch, 2004; Veneziano et Veneziano ; Vizard et al. 1995). Les études différencient en effet difficilement ces adolescents. Toutefois, un certain nombre de troubles se retrouveraient fréquemment chez cette population clinique. Nous proposons d’en faire une présentation puis nous verrons les différents essais de typologie de certains chercheurs.

a) Antécédents de troubles durant l’enfance

Le repérage de troubles durant l’enfance, chez ces adolescents, met en évidence une symptomatologie présente dans la majorité des cas.

La prévalence des troubles développementaux a été observée tels que : l’énurésie primaire, retard de croissance, troubles du lien social, difficultés de communication émotionnelle, difficultés scolaires (Righthand et Welch, 2004) en lien généralement avec des troubles de l’apprentissage. L’adolescent aura pu également présenter des comportements sexuels problématiques durant l’enfance (Johnson, Oaki, 1993).

b) Troubles associés

Les résultats de recherches ont montré que le taux de prévalence d’antécédents psychiatriques se situerait entre 70 et 87% (Awad et Saunders, 1989 ; Awad, Saunders et Levine, 1984). Les problèmes de comportement et d’abus de substance représenteraient une grande part des troubles. Lorsque ceux-ci sont exclus de l’étude, le pourcentage chute entre 40 et 50%. De même, si l’on exclut les cas de problèmes sévères de santé mentale, le taux chuterait alors à 20%. 10 (Tardif, Quenneville, 2012)

▪ D’une manière générale, les diagnostics les plus souvent répertoriés chez les adolescents engagés dans des comportements sexuels abusifs sont les suivants (Van Wijk & al. 2006) : - les troubles de la conduite,

- les troubles de l’humeur,

10 Données basées sur chiffres présentés par TARDIF, M. QUENNEVILLE, R. (2012) L’évaluation de la comorbidité auprès d’adolescents

auteurs de violences sexuelles in TARDIF, M. QUENNEVILLE, R. PROULX, J. (sous la direction de). (2012). La délinquance sexuelle des

- les troubles d’anxiété - les abus de substance - les troubles d’attention et d’hyperactivité - L’état de stress post-traumatique.

- Les troubles des apprentissages

▪ Des études mettent en évidence également la présence significative de comportements violents (Miner, 2002, 2005 ; Prentky, Knight, 1991) et de traits de personnalité s’apparentant à la personnalité anti-sociale (Boyd et al. 2000). Toutefois le diagnostic de personnalité peut difficilement se concevoir par la nécessité de prendre en compte le processus développemental évolutif dans lequel est engagé l’adolescent.

▪ On note également la prévalence de troubles de la régulation émotionnelle allant de la simple difficulté à exprimer ses affects jusqu’au syndrome de l’alexithymie (Lemitre, 2010)

▪ L’idée d’une fragilité des enveloppes psychiques, assurant mal leur fonction de contenance et de pare-excitation, est avancée par Lemitre et Coutenceau (2006).

▪ Ces adolescents présenteraient également des difficultés d’attachement et auraient du mal à avoir de la tendresse envers autrui.

▪ Ils présenteraient également une estime d’eux-mêmes très basse.

▪ Les troubles dépressifs et dysthymiques sont fréquents (Becker et al. 1993 ; Shaw et al. 1993)

c) Antécédents de victimisation sexuelle

L’étude de la victimisation sexuelle de ces adolescents est importante à prendre en compte, car le traumatisme sexuel pourrait causer un facteur de risque de l’agression sexuelle. Des recherches menées dans ce domaine montrent des résultats qui varient d’une étude à une autre, les taux variant de 19% à 70% (Fehrenbach, Smith, Monastersky et Deisher, 1986 ; Lafortune, 2002). La mise en acte d’une agression sexuelle par un adolescent, alors que lui-même initialement a été victime, est traduite par certains cliniciens comme un moyen pour celui-ci de reprendre le contrôle sur sa propre victimisation (Veneziano et Veneziano, 2002).

Ainsi, les résultats de certaines recherches ont mis en évidence qu’un enfant victime d’agression sexuelle sans violence, commise par un homme, présenterait un risque plus important de se fixer sur un choix d’objet pédophilique et de commettre une agression sexuelle à l’adolescence (Hunter et al. 2003, cité par Lemitre 2010, p 202).

Par ailleurs, des études ont montré que des adolescents qui ont commis une agression sexuelle sur un garçon sembleraient avoir plus souvent été victimes d’abus sexuels que les autres (Hunter et al. 2003 ; Worling, 1995, 2001).

Il convient toutefois de bien préciser que ce ne sont pas toutes les victimes d'agression sexuelle qui commettront des agressions sexuelles, et que tous les adolescents engagés dans des comportements sexuels abusifs n’ont pas tous subis eux-mêmes une agression sexuelle.

d) Autres victimisations

On retrouve également chez ces adolescents une fréquence élevée de vécu traumatiques autre que des traumatismes sexuels durant l’enfance (négligences, violence physique) (Silovsky et Niec, 2002 ; Johnson, 2002).

Des recherches cliniques ont mis en évidence la présence, chez près de 85% de ces adolescents, de signes cliniques évoquant un état de stress post-traumatique (PTSD) (McMackin et al. 2002; Cosentino et al. 1995).

La prise en compte des modèles théorico-cliniques du psycho-traumatisme dans la prise en charge des adolescents auteurs de violences sexuelles semble donc nécessaire.

e ) Difficultés d’intégration sociales

Une carence au niveau des habiletés sociales pourrait compter dans le développement des comportements sexuels abusifs chez les adolescents (Miner, 2005 ; Rightland et Welch, 2004 ; Hunter et al. 2003).

Les adolescents auteurs seraient ainsi plus fréquemment victimes de rejet et d’intimidation de la part de leurs pairs (habiletés sociales déficitaires et isolement social chez 65% des sujets (Fehrenback et ses collaborateurs, 1986).

f) Le contexte de l’environnement familial

Les recherches sur l’environnement familial ont mis en évidence différentes caractéristiques. Monique Tardif (2012, p 27) évoque le fait que 25 à 50% des adolescents auteurs d’abus sexuels auraient été victimes de violences physiques, de négligences ou d’exposition à la violence au sein de leur famille. D’autres chercheurs appuient cette idée : (Haesovelts, 2001 ; Awad et Saunders, 1991 ; Silovsky et Niec, 2002). Le milieu familial serait majoritairement dysfonctionnel, il existerait un rejet parental (abandon), un manque de soutien, de supervision et de protection, des difficultés du point de vue de la communication entre les membres avec des conflits (Zankman, Bonomo, 2005). Les parents de l’adolescent seraient souvent séparés (Pithers et al. 1998).

On note que seraient retrouvés également fréquemment chez leurs parents des perturbations mentales et le recours à des addictions (Burton et al. 1997).

L’essai d’une typologie familiale

Il y a donc un intérêt à étudier l’environnement relationnel familial car l’instabilité relationnelle entre l’enfant et son parent et les difficultés d’attachements, pourraient constituer un facteur de risque associé au développement d’une problématique d’abus sexuel (Smallbone, 2005).

Certains chercheurs se sont essayés à la réalisation d’une typologie familiale d’adolescents engagés dans des comportements sexuels abusifs tels que la typologie de Falls (2002) à partir de critères (dans une vision d’évaluation comportementale) tels que la structure familiale, la dynamique familiale, l’environnement sexualisé, la violence

familial, la présence de facteurs anti-sociaux). Toutefois les différentes recherches ont

conclu à une hétérogénéité des profils familiaux retrouvés chez ces adolescents.

g) Essai de classement typologique des adolescents engagés dans des comportements sexuels abusifs

Face à l’hétérogénéité des profils, différents chercheurs se sont essayés à procéder à des classements typologiques. Il existe deux formes de typologies11, celles qui sont établies à partir de caractéristiques de la personnalité des adolescents, celles qui sont construites à partir de variables criminologiques.

Les tentatives de classifications existantes comprennent cependant des limites. Certains auteurs (tels que Lemitre, 2010; Lafortune, 1996) évoquent le fait que celles-ci se situent bien souvent dans un point de vue essentiellement descriptif et ne prennent pas suffisamment en considération la motivation et la dynamique sous-jacentes à l'acte délictueux. Par ailleurs, la caractéristique de ces adolescents étant de se trouver dans une période de grands changements liés à leur processus développemental en cours, la classification dont fera l’objet l’adolescent est toujours susceptible de modifications au cours du temps.

De même, des cliniciens canadiens, proches des modèles cognitivo-comportementaux, soulignent l’intérêt de demeurer vigilant avec les systèmes de classification : « ils suggèrent

une économie cognitive qui ne rend pas toujours compte, sur le plan individuel, de la singularité de chacun et de ses propres besoins ». 12 Les professionnels notent ainsi de nombreuses limites méthodologiques des modèles classificatoires dans ce domaine tels que :

11 Tiré de CHASSMAN, Linda. (2006). Therapist’s conceptualization treatment and experience of adolescents with sexual behaviour problems.

Thesis submitted for the degree of Doctor of Philosophy. 276 Pages. University of New England. Armadale, New South Wales, Australia.

12 Tiré de DESJARDIN, S. (rédigé par) (2012). Programme transversal pour les adolescents ayant commis une infraction à caractère sexuel.

Guide de soutien à la pratique. Centre Jeunesse de Montréal-Institut Universitaire. Mandat 4.7.3

- La taille souvent réduite des échantillons de population utilisée pour établir la classification.

- L’absence totale de validation sur d’autres échantillons.

- La validité des critères choisis sur la base de l’accessibilité plutôt que sur les dimensions les plus discriminantes et les plus cliniquement pertinentes.

- Les limites de fidélité liées aux critères (manque de précision dans les définitions des concepts), qui ont pour conséquence des problèmes d’accord inter-juges, c’est-à-dire que l’on peut observer des différences de résultats de classifications entre plusieurs examinateurs alors qu’ils sont confrontés à un même jeune.

Nous allons maintenant étudier les différentes causes repérées dans la genèse du comportement sexuel abusif chez l’adolescent.