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CHAPITRE 2 : SOUTIEN SOCIAL ET REJET FACE A LA MALADIE

2. LE SOUTIEN SOCIAL

2.1 Définitions du Soutien Social

Le soutien social désigne «l’ensemble des relations interpersonnelles d’un individu lui procurant un lien affectif positif (sympathie, amitié, amour), une aide pratique (instrumentale et financière), mais aussi des informations et des évaluations relatives à la situation menaçante » (Bruchon-Schweitzer, 1994 ; p. 34). Il n’y a pas de consensus dans la définition opérationnelle du soutien social (Vaux, 1992), mais la valeur multidimensionnelle du construit est reconnue de façon répandue dans la littérature. Au moins trois notions accompagnent l’étude du soutien social (Bruchon-Schweitzer, 2002) : (1) le réseau social (notamment dénoté intégration sociale), (2) le soutien social perçu et (3) le soutien social reçu.

Deux perspectives différentes sont abordées dans l’étude du soutien social (Cohen & Willis, 1985), une perspective structurelle du soutien social et une perspective fonctionnelle du soutien social. La première vise à étudier dans quelle mesure les individus appartiennent aux différents groupes sociaux (ex. famille, amis), autrement dit, le réseau social (Bruchon-Schweitzer, 2002). Cette vision reflète l’intégration sociale de l’individu mais ne prend pas en compte la qualité des relations entretenues ni les comportements d’assistance. La deuxième perspective vise l’aspect fonctionnel du soutien social : dans quelle mesure l’individu reçoit un ou plusieurs types de soutien et les fonctions particulières des comportements d’aide (ex. aide matérielle, soutien

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émotionnel) qui sont à sa disposition (Pierce, Sarason & Sarason, 1990). Dans cette perspective, deux formes de soutien social sont étudiées, le soutien social reçu et le

soutien social perçu (Pierce, Sarason & Sarason, 1990 ; Bruchon-Schweitzer, 2002). Le

soutien social reçu dénote la quantité d’aide factuelle que les individus reçoivent alors que le soutien social perçu se réfère à la perception générale de la disponibilité des autres et de leur désir d’apporter de l’aide.

2.2 Dimensions du soutien social

Dans la perspective fonctionnelle du soutien social décrite ci-dessus, plusieurs dimensions sont étudiées. Mais précisons, encore une fois, que ce domaine de recherche est caractérisé par l’absence de consensus quant aux différents versants du soutien social. Toutefois, on identifie chez les différents auteurs quatre catégories globales du soutien social (e.g., Thoits, 2011 ; Bruchon-Schweitzer, 2002 ; Sherbourne & Stewart, 1991 ; Dakoff & Taylor, 1990) : (1) le soutien social émotionnel, (2) le soutien social matériel (ou instrumental), (3)le soutien social d’estime (ou affectif) et (4) le soutien

informationnel. Nous allons décrire succinctement les caractéristiques essentielles des

différentes fonctions du soutien social.

Le soutien émotionnel fournit à l’individu le sentiment d’être protégé et rassuré pendant les moments difficiles, comme par exemple lors de l’atteinte par une maladie chronique. Le soutien émotionnel est notamment caractérisé par les manifestations d’attachement (Bowlby, 1988 ; 1969) et d’apaisement, ainsi que par l’écoute empathique. Ensuite, le soutien matériel concerne l’aide directe, effective et objective reçue par l’individu de la part de son entourage comme par exemple l’aide financière, ou les services rendus pendant les moments difficiles. Dans le soutien d’estime, l’individu est conforté dans ses compétences et sa valeur pendant la situation difficile. Le but de ce type de soutien est d’aider l’individu à renforcer sa confiance en soi pendant les moments difficiles où la personne peut être amenée à sentir que la situation dépasse ses ressources et ses capacités de gestion. Enfin, le soutien informationnel se manifeste sous la forme de conseils, d’avis et d’apport de connaissances dans le but de résoudre le problème lié à la situation difficile. Certains auteurs (e.g., House, 1981) ne font pas la distinction entre soutien informationnel et soutien d’estime et ajoutent une catégorie nommée soutien de

réévaluation (reappraisal). En effet, il s’agit du type de soutien qui vise à amener

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réévaluation peut aussi avoir lieu à travers le processus de comparaison sociale (Festigner, 1954 ; Stroebe & Stroebe, 1996).

2.3 Bienfaits du soutien social sur la santé

Le soutien social (Sarason, Levine, Basham & Sarason, 1983) ainsi que l’intégration sociale (Berkman, Glass, Brisette & Seeman, 2000) contribuent à l’ajustement positif des individus, et ceci, au travers de divers effets sur la santé physique, le bien-être psychologique et le fonctionnement social. Les effets positifs du soutien social ont été mis en évidence à l’égard des divers indicateurs de santé physique et mentale, et parmi ces effets, on a noté plus précisément: une activation des défenses immunitaires (Herbert & Cohen, 1993), une diminution du risque de développer une maladie coronarienne (e.g., Stroebe & Stroebe, 1996 ; Kaplan et Toshima, 1990), une diminution du risque de mortalité (House, Robbins & Metzner, 1982) ou, chez les femmes enceinte, une diminution du risque de développer une dépression post-partum (Collins, Dunkel-Schetter, Lobel & Scrimshaw,1993). Les liens causaux positifs entre d’une part, les liens sociaux ainsi que le soutien social, et d’autre part, la santé physique, mentale et la longévité ont été parfaitement démontrés (e.g., Berkman & Syme, 1979; House, Robins et Metzner, 1982 ; pour une revue consulter Thoits, 2011). Mais, les études apportent aussi la preuve que le soutien social exerce un effet tampon (buffering

effect) sur les conséquences délétères (physiques et psychologiques) du stress (e.g., Cohen

& Willis, 1985 ; Thoits, 1995; Spitzer, Bar & Golander, 1995) avec comme résultat des effets positifs sur la santé.

Dès lors, deux modèles ont été proposés pour tenir compte de l’impact bénéfique du soutien social : (1) le modèle portant sur les effets directs et (2) le modèle portant sur l’effet tampon. Dans le premier modèle, la relation entre le soutien social et la santé est linéaire. De ce fait, une perception plus élevée du soutien social serait indicative d’une meilleure santé physique. Dans cette vision, l’intégration sociale, à travers l’attachement ou la comparaison sociale, affecte la santé positivement et directement. A l’opposé, l’absence d’intégration sociale aurait comme résultat la solitude, et, par la suite, la dépression, la détresse psychologique et les problèmes de santé physique. Tandis que, le modèle portant sur l’effet tampon postule que le soutien social agit essentiellement par une atténuation des effets du stress. De ce fait, le soutien social aurait peu d’effet sur le bien-être dans des situations moins stressantes. Ce serait à partir d’un certain seuil de

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stress que les effets bénéfiques du soutien social seraient déclenchés. Les deux modèles peuvent être source de divergence dans la littérature, cependant les deux courants reconnaissent le rôle protecteur du soutien social et des interactions sociales positives sur la santé, que ce soit directement ou indirectement (e.g., Bruchon-Schweitzer, 2002 ; Thoits, 2011 ; Uchino, Cacioppo & Kiecolt-Glaser, 1996). A l’opposé, les effets nuisibles des interactions sociales négatives ont été fortement associés aux symptômes de détresse psychologique (Revenson, Schiaffino, Majerovitz & Gibofsky, 1991; Lepore, 1992).

Le soutien social perçu semble favoriser positivement la mise en place de stratégies de coping comme par exemple une évaluation positive de soi et des autres (Sarason et al 1991). De ce fait, les individus seraient plus capables de gérer les situations difficiles. Par ailleurs, il a été démontré que la perception du soutien social est associée négativement aux symptômes dépressifs (Schwaerzer & Lepin, 1992). La perception du soutien social a également été associée à une estime de soi accrue ainsi qu’à une meilleure satisfaction de vie (pour une revue voir Thoits, 2011 et Kaplan & Toshima, 1990).

Si nous avons brièvement discuté des effets bénéfiques du soutien social sur la santé psychologique et somatique chez les personnes en général, les bienfaits du soutien social ont été également mis en évidence chez les personnes malades (pour une revue voir Kaplan et Toshima, 1990). Par exemple, Gerrits (1997) rapporte dans sa méta-analyse que le soutien social émotionnel est associé à une évolution favorable du cancer. Chez ces patients le soutien social peut agir directement sur la fonction immunitaire ou agir indirectement en favorisant l’adhésion thérapeutique. Par ailleurs, il a été démontré que le soutien social perçu a un impact sur la compétence immunitaire chez les personnes séropositives au VIH (e.g., Lesserman et al., 1999 ; Lesserman et al., 2000). Un autre exemple est celui de patients atteints de douleurs chroniques (arthrite), chez lesquels le soutien social a eu un effet modérateur sur la détresse psychologique (Spitzer, Bar & Hollander, 1995). En outre, chez les patients atteints de douleurs chroniques, le soutien social a été également associé à une diminution de la perception de la douleur (Kaplan & Toshima, 1990).

Les travaux présentés ci-dessus soulèvent la pertinence des implications du soutien social et de l’intégration sociale sur le bien être psychologique (ex. ajustement au stress, symptômes dépressifs) et physique (ex. fonction immunitaire) chez les patients

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atteints du VIH/SIDA. Dans le cas des travaux empiriques que nous présenterons ultérieurement, la perception de la disponibilité à l’écoute de la part de l’entourage permettant l’expression émotionnelle chez ces patients sera au cœur de nos préoccupations. Dès lors, l’appréciation de la perception de la disponibilité du soutien social émotionnel et du soutien social d’estime (informationnel ou de réévaluation) sera un élément très important et très approprié lors de l’étude du PSE liées à l’atteinte par le VIH/SIDA.