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CHAPITRE 4 : UN APPERÇU DU PARTAGE SOCIAL DES EMOTIONS DANS LA CULTURE DOMINICAINE

5. DISCUSSION ET CONCLUSION

L’objectif principal de la présente étude a été d’établir des données descriptives sur le PSE dans la culture dominicaine. Dans un premier temps, nous avons voulu obtenir des données globales du PSE (taux, récurrence et délai) et identifier les partenaires du partage privilégiés dans cette culture. Nous nous sommes aussi donné comme objectif d’obtenir des informations sur les croyances attachées aux bénéfices perçus de la verbalisation des émotions. En outre, nous avons exploré la récupération émotionnelle rapportée par les participants ainsi que les effets sociaux du PSE. Pour terminer, nous avons voulu explorer les liens entre l’impact de l’épisode et les indicateurs du PSE.

L’hypothèse portant sur les données globales du PSE est confortée par nos données. D'abord, l’échantillon dominicain étudié se trouve à des niveaux comparables concernant les données précédentes relatives aux taux du partage social : 92,48% des épisodes étudiés ont fait objet du PSE. Deuxièmement, le délai du partage retrouvé dans cette étude est aussi comparable aux résultats précédents: 68,62% des participants ont rapporté avoir partagé l’épisode émotionnel le jour même où celui-ci est survenu. Troisièmement, concernant la récurrence du PSE, 19,93% des participants ont rapporté avoir parlé de l’épisode émotionnel une ou deux fois, notamment les données recueillies nous indiquent que 72,55% des participants ont parlé et reparlé de l’épisode émotionnel à plusieurs reprises. Rimé (2005) signale que dans la plupart des études menées avec la méthode du rappel autobiographique, les taux du PSE se trouvent entre 88,% et 96%, dans 60% des cas les sujets disent avoir parlé de l’épisode le jour même où il est survenu, et entre 62% et 84% des sujets indiquent avoir parlé de l’épisode émotionnel à plusieurs reprises. Nos résultats ont démontré que les dominicains tout-venant qui ont participé à cette étude se trouvent à des niveaux comparables, en ce qui concerne les taux, le délai et la récurrence du PSE par rapport aux études menées dans les autres cultures (e.g., Rimé, 2005 ; 2009).

Concernant la dynamique du partage, les résultats montrent que la plupart des participants ont été les initiateurs du partage. Par ailleurs, les données indiquent que lors de l’épisode émotionnel, le premier partenaire du partage a été dans 28,97% des cas un membre de la famille du premier degré (mère, père, frère, sœur ou enfant), dans 25,17% des cas, un(e) ami(e), et dans 24,14% des cas, le conjoint. Notre hypothèse est partiellement confirmée, puisque nous avions présumé que les membres de la famille

Recherches Empiriques : Etude 1

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seraient les partenaires privilégiés du partage. Cependant, nos résultats indiquent que les amis ont une place importante comme partenaires du partage. Le degré de sincérité rapporté par nos participants a été le plus élevé pour la catégorie conjoint et par la suite pour la catégorie meilleur(e) ami(e). Nous pouvons remarquer que dans cet échantillon dominicain, les membres de la famille restent les partenaires privilégiés du partage, mais pour lesquels l’exhaustivité ou la franchise du PSE ne sont pas les plus optimales.

Nous proposons une explication possible aux résultats liés au choix des partenaires du partage : l’âge des participants. Notre échantillon a concerné majoritairement des jeunes adultes, voir des jeunes en fin d’adolescence (48,37% âgés entre 17 et 22 ans). D’une part, il a été montré que parmi les cibles du partage chez les jeunes entre 16 et 20 ans se retrouvent les amis (Rimé, Charlet & Nils, 2003 cités dans Rimé, 2004 p. 147). D’autre part, comme évoqué antérieurement, les résultats de la recherche de Singh-Manoux (1998) ont soulevé le fait que dans les cultures collectivistes le choix des partenaires du partage se trouve influencé par la mise à distance des adultes par les adolescents comme résultat de l’éducation à l’obéissance et au respect. Dès lors, le choix des partenaires du partage de notre jeune échantillon serait influencé par cette mise à distance avec les adultes.

Notre hypothèse quant aux croyances sur les bénéfices de la verbalisation des émotions est confirmée. Nos résultats indiquent que dans la culture dominicaine, les croyances sur les atouts du PSE sont manifestes : tant au niveau intrapersonnel qu’au niveau interpersonnel. Ces résultats sont semblables aux résultats de la recherche de Zech (2000) qui a mis en évidence la perception des bénéfices interpersonnels et relationnels de la verbalisation des émotions au sein d’une culture Asiatique.

De plus, cette étude s’est intéressée au lien entre le PSE et la récupération émotionnelle. Des recherches antérieures (e.g., Finkenauer & Rimé, 1998 ; Zech & Rimé, 2005 ; Nils & Rimé, 2012) ont révélé que le PSE n’entraine pas systématiquement la récupération émotionnelle. Nos résultats corroborent les résultats précédents : aucune corrélation significative n’a été retrouvée entre les indicateurs du PSE (initial et actuel) et la récupération émotionnelle. Cependant, nos résultats témoignent de bénéfices subjectifs générés par le PSE à titre interpersonnel et intrapersonnel, notamment le sentiment de cohésion et d’appartenance sociale (Rimé, 2005 ; 2009). En effet, les effets positifs du PSE liés à l’intégration sociale ont été tangibles au sein de notre échantillon. Ensuite, ce

Chapitre 4 : Un aperçu du partage social des émotions dans la culture dominicaine

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sont les effets liés au soulagement que les participants ont estimé comme étant bénéfiques lors de la verbalisation de leurs émotions.

Aussi bien les indicateurs du PSE actuel (au moment de l’étude) que ceux du PSE initial (au moment de l’épisode) ont montré des corrélations positives significatives avec l’impact émotionnel initial de l’épisode rapporté par les participants. De ce fait, nos résultats confirment l’hypothèse portant sur les liens existant entre l’impact émotionnel de l’épisode et le PSE. Les études précédentes, notamment des études employant la méthode expérimentale (Rimé, 2005 ; 2009), suggèrent que pour que le PSE ait lieu, un seuil critique d’intensité émotionnelle doit être atteint. D’ailleurs, les recherches précédentes sur le PSE indiquent que plus l’émotion est intense, plus le PSE se prolongerait dans le temps.

Hélas, la nature des données que nous avons récoltées (échantillon majoritairement composé par des jeunes adultes) ne nous permet pas d’entreprendre des comparaisons du PSE entre les différents âges. De plus, nous avons regardé si des comparaisons entre les sexes étaient envisageables. Il s’est avéré que nous ne disposions pas d’épisodes émotionnels comparables au niveau de l’intensité émotionnelle initiale. En effet, les femmes ont rapporté de façon significative avoir vécu des épisodes d’intensité émotionnelle supérieure à ceux des hommes. Dès lors, les caractéristiques du PSE (par exemple les cibles du partage) dans la culture Dominicaine concernant les catégories d’âge et de sexe sont à explorer.

A titre de conclusion, nous pouvons affirmer que les dominicains tout-venant se trouvent à des niveaux comparables quant aux données globales du PSE : taux, délai et récurrence. Le choix des partenaires du partage, c’est à dire, les proches, est aussi concordant avec les études précédentes. De plus, dans ce contexte culturel, comme dans les autres cultures où le PSE a été étudié, malgré les croyances dans les bienfaits de la verbalisation des émotions, aucun lien n’a été retrouvé entre la récupération émotionnelle et le PSE. En fin, ces données témoignent des liens positifs entre l’intensité émotionnelle et le PSE.

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CHAPITRE 5 : UNE COMPARAISON DU PARTAGE