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CHAPITRE 2 : SOUTIEN SOCIAL ET REJET FACE A LA MALADIE

4. EXCLUSION SOCIALE ET REJET FACE A LA MALADIE

4.3 Facteurs liés à celui qui est censé apporter de l’aide

Dans leurs travaux portant sur les réactions à l’égard des victimes d’évènements de vie négatifs (ex. accidents, deuil, maladie), Wortman et Lehman (1985) ont signalé trois causes principales incitant des réponses négatives : (1) l’ignorance, (2) l’émergence

du spectre de la vulnérabilité humaine et (3) l’aliénation. Ces trois éléments peuvent

provoquer de nombreuses réponses inappropriées face à la détresse d’autrui. A partir des travaux des plusieurs auteurs (Wortman & Lehman, 1985 ; Ingram, Betz, Mindes, Schmitt & Smith, 2001), Rimé (2005 ; p.185-186) a répertorié une liste des Réponses malvenues

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sommes inspirés de cette liste pour élaborer le tableau présenté dans la Figure 1 portant sur les réponses inappropriées pouvant émerger face à une personne en détresse.

N.B. Source : Rimé (2005 ; p. 185-186)

Figure 1 : Réponses pouvant intervenir lors de la rencontre d’une personne en détresse

En premier lieu, intervient l’inexpérience des individus confrontés à une personne en détresse. Ce genre d’interaction peut constituer une source importante d’anxiété pour l’individu face à une victime : il ne sait pas comment agir, quoi dire, quoi faire (e.g., Crocker, Major, & Steele, 1998). De plus, à cause de l’ignorance concernant la situation de détresse, les personnes évaluent mal les besoins des victimes et ne comprennent pas qu’il faut du temps pour que la situation s’améliore, comme par exemple lors du processus du deuil (Lehman, Ellard & Wortman, 1986). Le manque d’expérience, l’incertitude et l’ignorance aboutissent à un sentiment d’impuissance que l’on retrouve chez les personnes qui sont confrontées au malheur d’autrui (Wortman & Lehman, 1985).

Deuxièmement, Wortman et Lehman (1985) décrivent que lorsque l’on est confronté à quelqu’un qui est frappé par le destin, le spectre de notre propre vulnérabilité émerge. Pour ces auteurs l’exposition au malheur d’autrui remet en question le sentiment d’invulnérabilité qui est implicitement instauré chez les individus. L’infortune des autres nous rappelle que nous sommes susceptibles de traverser la même fatalité, et donc, suscite

Chapitre 2 : Soutien social et rejet face à la maladie

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de l’angoisse. Comme conséquences, surviennent les réponses inappropriées et caractérisées par le rejet car l’individu ferait appel à la théorie du monde juste avancé par Lerner (cf. Chapitre 1). Par exemple, lorsqu’elle est confrontée à quelqu’un qui est gravement malade, la personne voit la théorie du monde juste s’infirmer, ce qui peut nuire à son sentiment de contrôlabilité et prédictibilité du monde (Janoff-Bulman, 1992).

Lerner (1980) a démontré que quand la souffrance de la victime est plus longue, les individus ont une tendance plus forte à lui trouver des attributs négatifs, ainsi qu’à la dénigrer. Ceci résulte du fait que l’individu se voit dans la nécessité de restaurer la justice du monde. Quand il se voit dans l’impossibilité de le faire, il fait recours au déni de la souffrance de la victime, ou à l’évitement de celle-ci, en établissant une distance physique ou psychologique. Une autre façon d’instaurer la justice, et de remettre de l’ordre dans la théorie du monde juste, serait d’attribuer à la victime la responsabilité de sa mauvaise fortune. A travers les attributions de responsabilité, l’individu se protège du fait de subir la même fatalité. De plus, l’attribution de la responsabilité à la victime protège les croyances de base de l’individu (Janoff-Bulman, 1992), en restaurant la cohérence du monde.

Enfin, le dernier facteur signalé part Wortman et Lehman (1985) est l’aliénation. Aux yeux du bien portant, la victime appartient à un autre monde. Cette réalité a été aussi signalée par Rimé (2005) comme l’écart expérientiel et traduisant « les expériences aussi éloignées de l’expérience courante » (p. 218). Dans un monde cohérent (Janoff-Bulman, 1992), le fait de rencontrer quelqu’un qui ne va pas bien, annonce que cette personne est différente : elle a été frappée par un événement qui ne fait pas partie de la vie ordinaire. L’écart expérientiel, avec le sentiment d’aliénation qu’il comporte, rend difficile l’interaction entre le bien portant et la victime.

Il est important de soulever un dernier facteur pouvant avoir une influence sur l’émergence des réactions négatives face à une personne en détresse, il s’agit de la nature de la relation entre la victime et celui qui est sensé lui apporter de l’aide. Selon Dakoff et Taylor (1990), quand les personnes se sentent engagées vis-à-vis de leurs êtres chers, elles sont disposées à leur apporter du soutien, de l’attention et de l’aide. Ces auteurs ont conduit une étude auprès de patients atteints du cancer dans le but d’étudier les comportements négatifs et positifs concernant différentes cibles de soutien social (famille, conjoints, amis, connaissances, autres patients, personnel soignant). Les résultats ont mis

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en évidence que ces patients percevaient davantage de réactions négatives caractérisées par l’évitement (physique ou de la communication ouverte) de la part des amis et des connaissances. Donc, pour ces auteurs, les interactions problématiques peuvent varier en fonction de la relation entre la victime et la personne qui lui apporte du soutien, et elles seraient moins probables quand il s’agit d’un membre de l’entourage proche (ex. famille ou conjoint).

Cependant, d’autres auteurs (e.g., Peters-Golden, 1985 ; Wortman & Lehman, 1985 ; Lehman, Ellard & Wortman, 1986) suggèrent que, quand la victime est un membre intime (famille proche, conjoint), les interactions peuvent être plus anxiogènes car la personne qui apporte de l’aide ne sait pas si elle pourra assurer son rôle, et par conséquence son sentiment d’impuissance augmenterait. Par exemple, Wortman et Lehman (1985) proposent que l’anxiété puisse être accrue chez le conjoint ou la famille de la victime. Par ailleurs, dans leur étude portant sur les personnes endeuillées, Lehman, Ellard et Wortman (1986) ont démontré que les comportements non-soutenants étaient plus fréquents de la part de la famille et des amis, que de la part des connaissances. Pour conclure, la littérature est mitigée. Pour certains auteurs, le fait d’être un intime de la victime, protégerait celle-ci des réactions négatives. Pour d’autres auteurs, les interactions avec les intimes rendent la victime plus à risque de recevoir des réactions négatives.

5. CONCLUSION

Les contraintes sociales constituent un phénomène impliquant à la fois la perception de l’individu en détresse, et le comportement objectif et inapproprié de son entourage vis-à-vis de la situation difficile traversée (ex. maladie grave ou chronique). Comme nous l’avons vu, les réactions négatives face à une victime sont déterminées par des facteurs liées à la victime, à sa condition (maladie) ou à autrui. Ces facteurs favorisent l’apparition de réactions telles que l’angoisse, le blâme, le déni de la souffrance, voire même le rejet. Comme nous l’avons vu, ces comportements négatifs de la part de l’entourage peuvent rendre difficile l’ajustement psychologique des patients atteints d’une maladie chronique, notamment, si ces interactions aboutissent pour la victime, à l’exclusion sociale ; dans ce cas, les conséquences pour sa santé peuvent être néfastes.

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CHAPITRE 3 : FACTEURS PSYCHOSOCIAUX LIES