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Le soutien social de l’entreprise

b. Les théories descendantes (bien -être subjectif)

D. Le soutien social de l’entreprise

Dans la mesure où l‟entreprise est une entité collective, qu‟entend-on par soutien social de l‟entreprise ? Cela signifie que les managers et la direction se préoccupent des besoins et du bien-être de leurs collaborateurs autant que de leur contribution à l‟entreprise. Les manifestations de ce soutien sont diverses. En voici quelques-unes :

 Etre à l‟écoute des besoins des employés ;

 Donner ce qu‟il faut pour faire le travail ;

 Approuver les décisions des employés ;

 Reconnaître leurs compétences ;

 Aménager des horaires de travail flexibles ;

 Prendre des mesures qui visent à l‟amélioration de leur bien-être ;

 Reconnaître l‟importance de leur contribution dans l„entreprise.

Alors que le lien entre le soutien social et le bien-être des collaborateurs ressort nettement des quatre formes de soutien social exposées, on est amené à se poser la question quant aux conséquences d‟un manque de lien social sur la santé des travailleurs. A ce sujet, de nombreuses études ont montré que les personnes qui disposent d‟un bon soutien et qui ne sont pas isolées sont moins malades203. Le soutien social agit aussi sur le stress, la diminution des conflits de rôle et le turnover.

Au-delà de tout ce qui vient d‟être mentionné sur le soutien social, une des difficultés qui constitue un frein (ou une bonne excuse !) pour certaines entreprises, est qu‟il est impalpable. Il

203 L. F. Berkman, L. S. Syme, The Relationship of Social Networks and Social Support to Morbidity and Mortality, dans S.

Cohen et L. S. Syme (1985), Social Support and Health, Academic Press, p. 64-77

est vrai que lorsqu‟on parle de soutien social, on parle d‟écoute, d‟attention envers ses collaborateurs, de temps pour ses équipes, etc.

Dans la même optique de domaine impalpable, nous allons développer un dernier levier. En effet, il s‟agira d‟une partie négligée de l‟intelligence, à savoir la transformation de ses émotions en intelligence. L‟un des précurseurs en la matière, Daniel Goleman, est l‟auteur d‟un livre sur le sujet, principale source de nos recherches204.

5.3.2. L’intelligence émotionnelle

Un grand nombre de travaux est dévolu à mesurer les performances respectives des quotients cognitifs et émotionnels205.

Les organisations étant dépendantes des hommes qui y travaillent, le profil psychologique, notamment émotionnel, de ces personnes ayant une influence dynamique sur les résultats de leur organisation, les organisations et leur direction ne peuvent pas ne pas s‟en préoccuper. En effet, comme nous l‟avons indiqué dans la partie sur les traits de personnalité, une étude sur les déterminants psychologiques de la performance au travail nous indique que la stabilité émotionnelle est un des traits de personnalité qui a la plus grande influence sur la performance individuelle avec un degré de corrélation significatif.

Un sondage de la maison Gallup, aux Etats-Unis, réalisé auprès de deux millions d‟employés qui travaillent dans 700 entreprises, montre que la stabilité et la productivité d‟un employé étaient déterminées par la relation qu‟il entretenait avec son supérieur immédiat (Zipkin, 2000).

Une autre enquête menée en Floride a montré que les employés qui classaient excellent leur chef n‟étaient que 11% à penser changer d‟emploi alors qu‟ils étaient 40% à y songer lorsqu‟ils qualifiaient leur chef de mauvais (Zipkin, 2000). Autrement dit, les chefs les plus efficaces sont ceux et celles qui sont à l‟écoute de leur personnel, qui sont attentifs à ce qui se passe au travail, qui sont capables de maîtriser leurs émotions, en lesquels leurs employés ont confiance et avec lesquels ces mêmes employés se sentent bien (Cherniss et Goleman, 2002).

A une époque de changements rapides, dans laquelle innovation, qualité, excellence, service au client, productivité, compétitivité, création de valeur, riment dans les organisations avec performance et survie, il est d‟autant plus vital, nous disent ces chercheurs, de tenir compte du niveau d‟intelligence émotionnelle de son personnel. Car cette dernière, par son importance dans la construction des résultats d‟une organisation, modifie de nombreux aspects qui sont à la base de sa réussite : le recrutement et la fidélité du personnel, le développement des talents, le travail d‟équipe, l‟implication, le moral et la santé du personnel, l‟innovation, la productivité, l‟efficacité des ventes, les résultats financiers, la qualité du service, la fidélité des clients, etc.

(Spencer, McClelland et Kelner, 1997 ; Cherniss et Goleman, 2002).

De tels constats débouchent par ailleurs sur des prescriptions en matière d‟éducation, de formation professionnelle, d‟évaluation, de recrutement et de sélection du personnel ou encore d‟enseignement en gestion (Cherniss et Goleman, 2002). Développer les compétences socio-affectives des employés et des managers et bâtir des organisations qui mettent l‟accent sur les

204 D. Goleman (1997), L‟intelligence émotionnelle, Editions Robert Laffont

205 J.-F. Chanlat (2003), Emotions, organisation et mangement : une réflexion critique sur la notion d‟intelligence émotionnelle, Travailler n°9, p. 113-132

compétences, tels sont les leitmotivs de certaines sphères du management, de nos jours, aux Etats-Unis.

Bien que les résultats soient proches de ceux avancés par Jean-Pierre Brun, cette théorie fait l‟objet de plusieurs critiques qui touchent le caractère, tour à tour asocial, apolitique, apsychique, aculturel et aéthique des idées présentées :

 Des relations sociales décontextualisées : les rapports sociaux sont à la fois constitutifs de la vie sociale et produits par les interactions quotidiennes. Si les rapports affectifs sont une partie intégrante de ces rapports sociaux, ils ne peuvent pas en revanche se substituer totalement à eux. Or, lorsqu‟on lit ces publications sur l‟intelligence émotionnelle, les auteurs mettent un accent particulier sur les qualités individuelles, voire interpersonnelles ou sociales, sans renvoyer au contexte social dans lequel se meut la relation ;

 Des relations sociales dépolitisées : la notion d‟intelligence émotionnelle témoigne d‟une absence quasi-totale de la notion de pouvoir ou de relation de pouvoir ;

 Des relations sociales sans aucune vie psychique : le courant de l‟intelligence émotionnelle n‟évoque à aucun moment la possibilité de l‟inconscient ;

 Des relations sociales « déculturées » : l‟intelligence émotionnelle fait également peu de cas de la culture. Les auteurs phares de ce courant de pensée font comme si les émotions s‟extériorisaient de la même manière un peu partout dans le monde. Or, il est impératif de bien saisir le répertoire des émotions dans leur contexte socioculturel ;

 Des relations sociales dénuées d‟éthique : les écrits sur l‟intelligence émotionnelle ne discutent pas de l‟orientation que peuvent avoir les dirigeants à succès. Il est frappant de constater le nombre d‟études qui présentent des résultats très positifs pour les personnes dotées de compétence émotionnelle. Il est certain que les qualités humaines peuvent jouer un rôle dans la réussite personnelle et professionnelle de certaines personnes mais cela ne colle pour autant pas toujours à la réalité.

Les écrits sur l‟intelligence émotionnelle témoignent d‟un caractère profondément américain dans leur teneur. Toute la réflexion sur l‟intelligence émotionnelle suppose que l‟individu qui acquiert une telle intelligence est promis à un bel avenir et qu‟il sera du nombre de ceux qui réussissent dans leurs sphères professionnelles.

Cependant, la traduction de la théorie dans les sphères « managériales » sous la forme de l‟intelligence émotionnelle est discutable sous bien des aspects. Mais la très grande popularité que connaît cette notion dans les cercles de la gestion outre-Atlantique et, par voie de conséquence, dans ceux d‟autres parties du monde, prouve combien le management est sensible à des réponses pratiques.

5.4. Conclusion

Il semble que pour répondre à la question « Comment concilier performance et bien-être au travail ? », de nombreux paramètres sont interdépendants, et la littérature sur le sujet est abondante, la question sans cesse renouvelée et explorée de diverses manières.

De notre côté, nous avons choisi de faire un focus sur les théories qui peuvent donner des pistes de réflexion aux gestionnaires de RH pour élaborer et mettre en place des process enclins à favoriser le bien-être des personnes dans l‟organisation et donc la performance individuelle au travail.

Le bien-être est en effet, une situation de gagnant-gagnant pour l‟employeur et l‟employé. Pour les salariés, éprouver un sentiment de bien-être au travail est sans aucun doute positif. Il en est de même pour les organisations : le fait d‟avoir des collaborateurs avec un degré élevé de bien-être apporte de nombreux bénéfices dont une performance accrue, un absentéisme réduit, des frais médicaux moindres ne sont que peu d‟exemples.

Toutefois, les leviers présentés peuvent, au premier regard, sembler très disparates et parfois particulièrement complexes à mettre en œuvre. Les gestionnaires des RH pourraient donc se sentir assommés par une charge de travail impressionnante, voire impossible à surmonter.

Pourtant, à bien y regarder, tous ces leviers se recoupent, se rejoignent et défendent la même idée : la prise en compte du salarié en tant qu‟individu pour améliorer son bien-être au travail et la performance de l‟entreprise.

Toutefois, pour constater si les entreprises s‟orientent vers une politique permettant de concilier le bien-être et la performance de leurs collaborateurs, encore faut-il connaître leur situation actuelle en la matière. A ce titre, l‟étude empirique nous permettra de valider si les entreprises utilisent ou non les leviers décrits dans la littérature, voire même si elles ont exploré de nouvelles pistes.