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Les effets considérables de la reconnaissance

b. Les théories descendantes (bien -être subjectif)

B. Les effets considérables de la reconnaissance

En l‟état actuel des connaissances, il est établi que les collaborateurs à qui leurs responsables expriment de la reconnaissance ressentent davantage de bien-être, se sentent en meilleur santé et travaillent mieux que les salariés qui ressentent un manque de reconnaissance et sur lesquels on constate des effets dévastateurs sur la santé, et particulièrement, l‟apparition de maladies cardio-vasculaires175. Comment expliquer ce lien ? Pour Jean-Pierre Brun, le travail, « qu’on le veuille ou non, exige un investissement et un effort. Cet investissement de soi au quotidien entraîne une dépense d’énergie qui doit être compensée d’une manière ou d’une autre ».

Dans une étude de l‟IRSST176, Estelle M. Morin 177, part du postulat que le sens que donne un salarié à son travail peut avoir des effets positifs ou négatifs sur sa santé mentale et sur son engagement dans l‟entreprise. Or, une des six caractéristiques qui donne du sens au travail est la reconnaissance.

Dans cette même étude, la reconnaissance est définie comme le fait d‟avoir le respect et l‟estime de ses supérieurs et de ses collègues et d‟être satisfait du soutien, du salaire et des perspectives de promotion.

Qu‟on se base sur la définition de Jean-Pierre Brun ou sur celle de l‟étude de l‟IRSST, le poids considérable de la reconnaissance est plus qu‟évident, facteur positif ou facteur négatif de la santé des salariés selon que la reconnaissance soit présente ou absente de l‟entreprise.

175 J. Siegrist (1996), Adverse Health Effects of High-Effort./Low-Reward Conditions, Journal of Occupationel Health Psycholgy, vol. 1, p. 27-41

176 L'Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail

177 E. M. Morin et C. Gagné (2009), Donner un sens au travail, IRSST

En matière de manque de reconnaissance, il a été établi que cette carence entraîne des effets négatifs tant sur la santé physique que sur la santé psychologique des personnes. En effet, certaines recherches178 montrent que le manque de reconnaissance est le deuxième facteur de risque qui menace la santé psychologique et que les gens qui subissent un manque de reconnaissance au travail courent quatre fois plus de risques de vivre une grande détresse psychologique. Les effets d‟un manque de reconnaissance se font aussi sentir sur le plan des comportements. Une importante étude britannique179 a montré une association directe entre le manque de reconnaissance et l‟augmentation de l‟absentéisme et de la consommation d‟alcool.

L‟étude de l‟IRSST complète les études ci-dessus puisque la détresse psychologique n‟est pas seulement due au manque de reconnaissance. L‟étude constate que les personnes se trouvant en situation de détresse psychologique ont généralement perdu le sens de leur travail. Or, celui-ci correspond à 6 caractéristiques : utilité sociale, autonomie, occasions d‟apprentissage et de développement, la rectitude morale, la qualité des relations et la reconnaissance.

Ainsi, certes, la reconnaissance est un levier qui a un effet considérable tant pour l‟auteur que pour le destinataire. Toutefois, cet effet est à relativiser dans le sens qu‟il n‟est pas le seul levier à disposition, comme nous le verrons par la suite.

Dans son livre, « Plaidoyer pour la reconnaissance au travail »180, Christophe Laval s‟intéresse tout d‟abord à la reconnaissance au travail en France. En effet, après une enquête poussée en la matière, il constate une forte demande de reconnaissance de la part des salariés français, demande plus importante que dans les autres pays européens. D‟ailleurs, ce manque de reconnaissance constitue le premier facteur de dévalorisation qui engendre une réelle défiance des salariés vis-à-vis de leur management.

Dans le même ouvrage, selon une étude de l‟Observatoire International des Salariés TNS Sofres du 24 septembre 2007, qui mesurait le climat psychologique et managérial de sept pays (France, Allemagne, Grande-Bretagne, Italie, Espagne, Etats-Unis et Chine), on constate que les salariés des pays latins expriment une certaine défiance vis-à-vis de leur management. En outre, on constate également que 48% des salariés français travaillant pour un groupe étranger sont satisfaits de la reconnaissance de leurs efforts et de leurs performances contre seulement 39% de leurs collègues employés par un groupe français.

La conclusion de l‟Observatoire est sans appel : « le faible engagement des français n’est pas uniquement le produit d’une sinistrose nationale mais résulte aussi de l’insuffisante performance des modes de management » et « les français sont les seuls à placer les contacts humains en tête de leur représentation du travail. »

Dans le magazine Travail et changement181, les auteurs qualifient la reconnaissance au travail de besoin vital qui concerne « rien de moins que la confiance en soi, le respect et l’estime de soi ». Par ailleurs, l‟article reconnaît, que l‟absence de reconnaissance est « un facteur aggravant non seulement du stress, mais également des troubles musculosquelettiques (TMS), la première pathologie française. »

178 J.-P. Brun, C. Biron, J. Martel et H. Ivers (2003), Evaluation de la santé mentale au travail : une analyse des pratiques de gestion des ressources humaines (Assement of Occupational Mental Health : An Analysis of Human Resources Managemet Practices), Etudes et recherches / rapport R-342, Montréal, Institut de recherches Robert-Sauvé en santé et sécurité au travail, Montréal, p. 100

179 S. Stansfeld, J. Head et M. Marmot (2000), Work-related factors and Ill Health : The Whitehall Il Study, HSE Books

180 C. Laval (2008), Plaidoyer pour la reconnaissance au travail

181 C. Jouvenot et C. Pierre (Janvier/Février 2008), La reconnaissance au travail, Travail et changement n°317

L‟article parvient aux mêmes conclusions, à savoir que les rétributions monétaires ne sont pas les seules formes d‟expression de la reconnaissance. En effet, les auteurs distinguent deux formes de reconnaissance : d‟une part, une expression passant par l‟organisation, le contenu et le management du travail et, d‟autre part, les considérations sur l‟évaluation et la rémunération.

Les auteurs insistent spécialement sur trois éléments qu‟ils considèrent comme

« particulièrement importants » :

La responsabilité : la gestion par la responsabilisation nécessite un travail d‟organisation des responsabilités, avec un découpage revu des champs de responsabilités de chacun, à la place où il se situe dans l‟entreprise. Clarifier le problème à résoudre avec ce en quoi la responsabilité d‟une personne est engagée ou encore donner de la lisibilité sur la situation globale sont des éclaircissements à apporter individuellement et collectivement ;

Le sens : Si l‟entreprise permet aux salariés de faire le lien entre leur travail et les objectifs de l‟entreprise, elle montre du même coup la valeur qu‟elle accorde à leur intelligence et amène du sens à ce qu‟ils font ;

La possibilité d’une innovation : l‟innovation fait partie des facteurs clés de succès d‟une entreprise face à la concurrence. Pouvoir innover dans son travail, c‟est d‟abord être reconnu comme force de proposition.

Enfin, l‟article souligne l‟importance des relations sociales : qu‟il s‟agisse de celles avec les managers immédiats, mais également celles avec l‟équipe de travail.

Gabriel Fernandez182, en sa qualité de chercheur, constate que la question de la reconnaissance est de plus en plus fréquemment et massivement exprimée par les travailleurs. Pour autant, les directions non seulement sont conscientes du problème, mais qui plus est, en reconnaissent le bien fondé. Gabriel Fernandez explique ce paradoxe par le fait que la question est souvent mal posée : selon lui, les directions agissent souvent pour la reconnaissance des personnes et non du travail effectué. Or, la reconnaissance, c‟est se reconnaître soi-même au travers de ce que l‟on fait.

En outre, des auteurs ont récemment confirmé l‟importance de la reconnaissance au travail183. Selon eux, l‟amélioration de la performance organisationnelle exige l‟engagement accru des salariés face aux enjeux quotidiens de l‟entreprise. La qualité de l‟engagement organisationnel garantit une rentabilité plus élevée. L‟engagement organisationnel réfère à l‟engagement qu‟un employé manifeste à l‟égard de son organisation. En effet, on peut s‟attendre à ce que les individus qui éprouvent un engagement à l‟égard d‟une entreprise développent une attitude très positive envers celle-ci et se montrent désireux de contribuer spontanément à son bon fonctionnement (Cartwright & Holmes, 2006).

Les adaptations multiples auxquelles les employés se prêtent ainsi que les efforts additionnels qu‟ils déploient pour s‟acquitter de tâches qui se complexifient et s‟alourdissent ont pour conséquence d‟amplifier chez eux le besoin de recevoir une véritable reconnaissance au travail.

Ce défi de la reconnaissance est un élément essentiel pour donner un sens au travail, favoriser

182 Chair de Psychologie au travail du CNAM, équipe « Clinique de l‟activité »

183 D. Beaupré, J. Cloutier, C. Gendron, A. Jimenez et D. Morin (2008), Gestion des ressources Humaines, développement durable et responsabilité sociale, Revue internationale de psychologie, Volume XIV, p. 77-140

le développement professionnel et contribuer à la santé et au bien-être des employés (Brun

&Dugas, 2005 ; Saint-Onge et al, 2005).

Mettre en valeur l'intégrité, le professionnalisme et l'expertise des RH, prendre le temps de souligner les succès du travail de chacun sont des activités bénéfiques, non seulement pour les organisations, mais également pour les travailleurs. La reconnaissance vient confirmer l'importance de chaque employé au sein de l'organisation, de même que son utilité et la pertinence de sa contribution à l'atteinte des objectifs organisationnels (Brun & Dugas, 2005).

De façon opposée, le manque de correspondance entre les gains et les coûts des travailleurs expliquerait en partie les problèmes d'ordre psychologique vécus par ceux-ci (de Jonge et al.

2000).

Au-delà de la reconnaissance, qui est sans conteste le levier le plus souvent cité, l‟impérative conciliation de la vie professionnelle et de la vie personnelle est également un levier sur lequel s‟accordent de très nombreux auteurs.

5.2.3. La conciliation vie professionnelle et vie personnelle

C‟est aux Etats-Unis que sont apparues, à la fin des années 1930 et au début des années 1940, les premières manifestations d‟une préoccupation patronale entre la vie privée et la vie professionnelle des salariés. Toutefois, ces initiatives isolées répondaient davantage à une volonté de restaurer la santé physique et mentale des travailleurs, nécessaires à leur efficacité, qu‟à satisfaire leur épanouissement personnel.

En France, les interventions du législateur depuis une cinquantaine d‟années tendent à permettre de concilier la vie privée et la vie professionnelle. Ces mesures de conciliation concernent principalement les travailleurs parents et, plus particulièrement, les mères de familles :

 Congés financés de diverses manières et partiellement par des fonds publics ;

 Diverses modalités de flexibilité du travail ;

 Mesures d‟intégration (d‟abord dans les filiales américaines et pour les grandes entreprises françaises) telles que crèche d‟entreprise, conciergerie d‟entreprise,…

Malgré ces tentatives, les demandes des salariés demeurent les mêmes comme en témoignent de nombreuses études dont voici les résultats :

Dans une étude réalisée en 1999 par Santé Canada, on peut lire que 40% des canadiens estiment vivre un conflit entre le travail et la vie personnelle. En 2007, la situation n‟a guère changé puisque 81%184 des canadiens souhaitent établir un équilibre entre leur vie personnelle et leur travail.

Aujourd‟hui, la conciliation entre le travail et la vie personnelle prend des formes multiples et n‟est plus uniquement une revendication portée par les femmes. Voici un extrait d‟une étude fort intéressante réalisée par une chercheuse canadienne185 : « La nature des conflits entre le

184 Sondage SOM réalisé en 2007 pour Desjardins Société Financière

185 L. Duxbury, C. Higgins et D. Coghill (2003), Témoignages canadiens : à la recherche de la conciliation travail - vie personnelle, Ottawa, Développement des ressources humaines, p. 104

travail et la vie personnelle des gens, c’est d’avoir un emploi qui empiète sur sa vie familiale.

C’est d’avoir une vie familiale qui empiète sur son travail et nuit à ses possibilités d’avancement. C’est lorsque le travail domestique empiète sur le temps personnel. C’est de consacrer tellement de temps à l’aller-retour au travail qu’il ne vous reste plus d’énergie.

C’est de constamment ressentir les pressions du temps. C’est de confronter la vie seule parce que vous vivez avec un bourreau de travail ou que vous êtes chef de famille monoparentale.

C’est de tenter d’équilibrer sa vie avec un ou deux emplois. C’est de tenter d’équilibrer vie, études et travail. C’est de remettre à plus tard le projet d’avoir des enfants, ou de décider de ne pas en avoir (peut-être pour toujours) parce que vous ne pouvez vous imaginer jongler avec une chose de plus ».

Bien que le travail reste une valeur pour de nombreux salariés, et que l‟entreprise reste un lieu de socialisation et d‟identité, le travail n‟est aujourd‟hui plus central et la majorité des salariés aspire à un équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. La réussite sociale ne passe plus seulement par la réussite professionnelle ; il faut désormais réussir les deux.

Les évolutions de la société en général, et du monde du travail en particulier, nous amènent à privilégier l‟usage de l‟expression « conciliation travail et vie personnelle », plutôt que

« conciliation travail et famille » ou « équilibre travail et famille », et ce, pour plusieurs raisons :

 Tout d‟abord, les entreprises ne doivent plus seulement être arrangeantes envers les familles, mais aussi envers les personnes qui n‟ont pas de statut matrimonial et qui ont également besoin de concilier le travail et la vie personnelle. Par exemple, ils doivent s‟occuper de leurs parents dont l‟état de santé est particulier, ils sont étudiants à temps partiel ou veulent réaliser un projet à titre bénévole ;

 Par ailleurs, ce n‟est pas l‟équilibre qu‟il faut rechercher mais plutôt une conciliation.

La question de l‟équilibre vie privée et vie professionnelle demeure aujourd‟hui une vraie problématique, d‟autant plus que chaque entreprise fonctionne différemment avec des exigences différentes et des organisations différentes.

Afin de comprendre tout l‟enjeu de cette problématique, nous en analyserons le sens exact (A) avant d‟envisager quelles sont les difficultés à la mise en œuvre de cette conciliation (B).