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3 ème partie : ouverture et

1. Ouverture

A ce stade de nos recherches, il nous est apparu important, au-delà des discours d‟entreprises, de compléter notre étude par d‟autres sources d‟informations : une interview d‟un consultant en ressources humaines, l‟analyse d‟un rapport d‟étude sur le bien-être réalisé par un panel de professionnels et nous terminerons par des préconisations.

1.1. Entretien avec Christophe Laval

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Nous avons rencontré Christophe Laval, auteur du livre « Plaidoyer pour la reconnaissance ».

Nous l‟avons interviewé selon la trame de notre guide d‟entretien.

Comment décririez-vous le contexte économique actuel des entreprises ? Actuellement, les entreprises connaissent plus de pression qu‟auparavant: pression financière, pression en termes de temps.

Par ailleurs, le management intermédiaire se voit rajouter des couches de responsabilité.

Quelle est votre conception de la performance ? Ce terme est trop restrictif. Certes une entreprise est faite pour faire des bénéfices, mais cette définition passe à côté de la performance durable (= ce qui permet à l'entreprise de générer du profit et de grandir de façon durable). Il faut que l'entreprise travaille avec ses collaborateurs dans un objectif de bénéfices réciproques et intérêts mutuels.

Comment peut-on mesurer la performance ? Deux approches sont possibles : soit une approche à court terme avec le résultat, soit une approche à long terme avec la croissance. Il existe différents indicateurs de la performance durable: la performance opérationnelle, la satisfaction clients, l'innovation, la satisfaction des salariés.

Quelle est votre conception du bien-être ? La qualité de vie et la performance durable sont compatibles mais la performance à court terme et la qualité de vie sont incompatibles. Il y a des expressions que je n'aime pas: risques psychosociaux, souffrance au travail, stress (les environnements de travail primaires, secondaires et tertiaires doivent tenter de les réduire et surtout au niveau primaire qui doivent s'attaquer aux causes du stress). Je préfère les termes d‟entreprises en santé, de qualité de vie au travail (avoir des salariés heureux qui prennent du plaisir au travail, c‟est comme ça qu'on a de l'engagement), de reconnaissance au travail (un collectif ne peut pas être performant sur la durée s'il n'est pas reconnu). Le bien-être est le pendant de la performance de l'entreprise, un environnement sain dans lequel chacun se sent reconnu dans ce qu'il fait et engagé dans ce que fait l'entreprise en sachant comment il peut contribuer. A la notion de bien-être sont attachées les notions de confiance, de sens au travail, de sens du travail. Donc la notion du bien-être est très large et correspond avec de nombreux leviers.

Quels dispositifs préconisez-vous ? Quelles sont vos recommandations ? Avant de faire quoi que ce soit, il faut se demander pourquoi on le fait au niveau stratégique pour l'entreprise :

207 LAVAL, C, Plaidoyer pour la reconnaissance, 2009, DRH Shlumberger, Quaker Oats, Yoplait, Compass Group Europe, DG Entreprise et personnel, Président VPRH, certification délivrée par Recognition Professionals International (États-Unis), habilité « formateur de formateurs en reconnaissance au travail » par la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail (CGSST) de l'Université Laval (Québec).

quelle est la culture d'entreprise ? Quelles sont les valeurs d'entreprise ? Quelle est la qualité du management ? Quelles sont les attentes des salariés ?

L‟élément clé en matière de bien-être est le management : le manager à la fin de sa journée doit se demander s‟il a été facteur de risque ou facteur de santé? A ce titre, certains sont partisans des enquêtes de satisfaction. Mais il faut se demander ce qui existe ailleurs dans le groupe et ce qui est pertinent.

De nombreux dispositifs existent : cartes privilèges, programme de bien-être et star (reconnaissance individuelle ou en équipe), formations du management de proximité,…

A titre d‟exemple, Generali a travaillé sur l'écoute des salariés lors du déménagement de 30 sites au même endroit afin de faire d'une contrainte une opportunité. American Airlines a mis en place des rencontres régionales non obligatoires sur des thèmes particuliers alors même qu'ils étaient en faillite. Gaz de France Suez a fait la reconnaissance du professionnel le plus méritant chaque année. Fedex et Sodexo ont aussi des systèmes de reconnaissance. Axa a aussi beaucoup travaillé sur le bien-être: bilan santé pour les salariés. Il apparaît que faire un

« copier-coller » n'est pas possible : le benchmark, c‟est bien mais cela comporte des limites.

Quelles sont les difficultés politiques du bien-être en entreprise ? Les principales difficultés sont le scepticisme et le cynisme (infantilisation, manipulation) à l‟égard des salariés. Par ailleurs, les salariés témoignent également la peur de susciter des attentes irréalistes, il s‟agit du principal obstacle pour 2/3 en France contre 1/3 en Amérique du Nord.

Le bien-être et la performance sont-ils conciliables ? Oui, par définition. Ces deux notions sont intimement liées par une corrélation positive et une spirale vertueuse. La performance durable ne passe que par le bien-être. Elle ne pourra se maintenir que s'il y a intérêts mutuels et bénéfices réciproques entre l'entreprise et ses salariés. La génération Y va prendre le commandement et cela va changer considérablement les choses.

Au-delà de Christophe Laval, la question de la conciliation des notions de performance et de bien-être a été posée au plus haut niveau de l‟Etat, preuve de l‟imminente actualité du sujet.

1.2. Conciliation performance et bien -être : un thème d’actualité

Investir dans la santé au travail est d‟abord une obligation sur le plan humain. Ce n‟est pas une charge mais un atout pour la performance car « le sujet de la santé au travail réconcilie le social et l’économique » et le véritable défi à relever concerne « le bien-être des salariés et leur valorisation comme principale ressource de l’entreprise ».

Ce défi est actuellement un sujet central de notre société. Ce thème est en effet présent à de nombreux niveaux.

1.2.1. Quelques nouvelles tendances

A titre d‟exemple, dans leur livre « Eloge du Bien-être au travail », D. Steiler, J. Sadowsky, L.

Roche, en appellent à une approche alternative du management appelé le Slow Management.

Selon cette nouvelle approche, la motivation dépend des rapports du salarié à l‟entreprise, de

son rapport au capital dans l‟entreprise, de son rapport à son emploi, et à l‟image que véhicule l‟entreprise.

La société ALGOE a instauré le Slow Management. Ainsi, ses 200 salariés détiennent tous une part du capital de l‟entreprise et ces derniers connaissent un développement ancré sur les missions et basé sur l‟équilibre entre le temps personnel et professionnel. Pour le PDG de cette société, la motivation durable de ses salariés passe par le développement de leur employabilité et par les relations de confiance avec les directions.

Autre exemple de la prise en compte de cette problématique, le 16 septembre 2010, a été inauguré l‟« Institut Mieux Vivre en Entreprise » (ci-après IMVE). L‟objectif de cet institut, créé par le groupe RH&M (groupe créé par Egard Added en 1998, spécialisé dans la formation pour les professionnels des Ressources Humaines et les cadres du management), est de promouvoir et sensibiliser les DRH et les dirigeants sur cette nouvelle approche du management où la notion de performance est directement reliée à la gestion du mieux vivre en entreprise.

L‟IMVE fonctionnera à travers des petit-déjeuner/débats, des conférences, des formations, des groupes de travail visant à définir les leviers d‟une politique RH et à déterminer la mise en œuvre et la méthode pour insuffler la dynamique d‟une véritable culture du mieux vivre.

1.2.2. Les propositions du « Rapport bien-être et Efficacité »

La prise de conscience de l‟importance de ce concept du bien-être existe également au niveau du gouvernement, qui, après avoir légiféré sur la prévention des risques psychosociaux tente de trouver une réponse alternative avec le rapport bien-être et efficacité au travail demandé par le 1er ministre. Il nous a paru important de décrypter les propositions de ce rapport pour les mettre en perspective avec cette tendance qui commence à gagner un certain nombre d‟entreprise et ce malgré la crise.

Le « Rapport Bien-être et efficacité au travail », présenté par Henri Lachmann208, Chritian Larose209 et Muriel Penicaud210 et qui a été demandé par le premier ministre le 5 novembre 2009, a pour but de proposer des mesures pour améliorer les conditions de santé psychologique au travail.

Il est extrêmement intéressant de se pencher sur les 10 propositions de ce rapport qui sont centrées sur le secteur privé. La conviction commune des rapporteurs, est que le sujet de la santé au travail réconcilie le social et l‟économique. Pour les rapporteurs, la santé des salariés est une source incontestable d‟efficacité dans le travail et donc de performance individuelle et collective.

Les auteurs de ce rapport n‟ont pas souhaité traiter le sujet sous l‟angle unique de la souffrance en se limitant à la gestion du stress professionnel, la valorisation des salariés restant le véritable enjeu de leur bien-être.

208 Président du conseil de surveillance de Schneider Electric

209 Vice président du conseil économique, social et environnemental

210 Directrice générale des ressources humaines de Danone

Le rapport met en avant l‟importance des modes de management, d‟organisation et de vie sociale dans l‟entreprise qui permettent de créer un nouvel équilibre intégrant la performance tant sociale qu‟économique.

Avant d‟étudier les différentes propositions, il est important de comprendre ce que signifie la notion de santé selon l‟organisation mondiale de la santé : La santé n‟est pas l‟absence de stress ou maladie : c‟est un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d‟infirmité.

Les entreprises ne peuvent donc limiter leur démarche à la prévention des risques psychosociaux. Pour les auteurs, la santé est la condition d‟un travail de qualité et le travail effectué dans des conditions adéquates est facteur de santé et de réalisation personnelle.

Afin de mieux comprendre ces propositions, il conviendra de les analyser sous deux aspects, d‟une part les mesures impliquant les acteurs de l‟entreprise et d‟autre part les mesures liées aux conditions de travail.