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b. Les théories descendantes (bien -être subjectif)

B. La participation aux décisions

5.2. Au niveau de la politique RH

5.2.1. Le respect au travail

Tout comme lorsque l‟on faisait référence aux situations de travail difficiles dans le paragraphe sur le soutien social, quand on parle de respect au travail on a tous tendance à imaginer les pires situations ou à penser aux dernières histoires en la matière relayées par les médias.

Pourtant, les situations de manque de respect au travail ont lieu tous les jours, dans toutes les entreprises. Elles n‟ont, certes heureusement, pas toutes des conséquences dramatiques mais elles ne sont pas pour autant à considérer avec moins d‟importance. En effet, les résultats des sondages de Jean-Pierre Brun indiquent que seulement 58% des employés considèrent recevoir le respect et l‟estime qu‟ils méritent. Or, on le sait, il s‟agit d‟un fait établi, le fait de se sentir respecter au travail est un facteur de bien-être au travail165.

On est alors amené à se demander ce qui constitue réellement du non-respect au travail ? Ne pas saluer, mépriser publiquement une personne, ridiculiser un collègue, ne pas remercier ou donner des ordres sur un ton autoritaire sont des gestes qui dénotent un manque de respect et qui occupent malgré tout environ 20% du temps de travail des managers166. Or, proportionnellement, le temps consacré à la gestion des problèmes engendrés par le manque de respect est nettement supérieur.

Le non-respect au travail étant quelque peu délimité, qu‟est-ce alors que le respect au travail ? Bien que le dictionnaire définisse clairement ce que signifie le mot de respect, il semble tout de même peut aisé de caractériser une situation de non-respect que de décrire ou de recommander une parfaite situation de respect au travail.

La difficulté est liée au fait que la notion de respect tient aux valeurs propres à chaque individu, qui elles-mêmes évoluent selon son âge, son sexe, son statut, sa culture, sa religion, les événements de sa vie, etc. Ainsi, alors que l‟un accordera une importance considérable à la politesse, un autre accordera une importance plus importante au ton employé par le manager pour passer ses consignes.

Une seule chose est unanime : le respect est et doit être le même pour tous. C'est-à-dire que tout le monde doit être respecté et tout le monde doit respecter les autres.

D‟une manière classique, Le Petit Larousse définit le respect comme le « sentiment qui porte à traiter quelqu’un, quelque chose avec de grands égards, à ne pas porter atteinte à quelque chose. »

165 E. M. Morin et C. Gagné (2009), Donner un sens au travail, IRSST

166 F. Master et allii. (2002), The complete Guide to Conflict Resolution in the Workplace, AMACOM, p.36

Les résultats de l‟étude suivante sont éloquents : dans une étude réalisée par Steve Pearson167 auprès de 775 employés, 10% des personnes interrogées disent être quotidiennement témoins d‟incivilité au travail, 20% affirment être personnellement la cible d‟incivilité au travail au moins une fois par semaine et 78% des managers perçoivent une augmentation de l‟incivilité depuis les dix dernières années.

Quand on s‟interroge sur les causes du non-respect au travail qui, encore une fois, peut sembler si simple à résoudre, on parvient au même constat que précédemment. A savoir, la modification de l‟organisation du travail vers davantage d‟individualisme a dégradé les liens sociaux.

A cela, s‟ajoute d‟autres facteurs.

Les facteurs liés aux exigences opérationnelles

 L‟intensification du travail et les réductions budgétaires qui conduisent en conséquence à un manque de personnel. Le personnel en poste croule alors sous une charge considérable de travail et ne prend plus le temps ou oublie les basics du quotidien : nous arrivons sans dire bonjour à une réunion parce nous sommes en retard et que nous ne voulons pas déranger, nous entrons dans le bureau d‟un collègue sans lui demander comment il va parce que nous avons un problème qu‟il faut régler rapidement, nous répondons abruptement à la question d‟un client parce que nous ne parvenons pas à finir le travail commencé ou encore, nous nous mettons en colère à la suite d‟une question toute simple parce que nous sommes fatigués ;

 Les nouvelles technologies, comme les courriels qui permettent de tenir des propos parfois regrettables car trop spontanés.

Les facteurs internes à l‟entreprise

 La précarisation de l‟emploi (contrats, fournisseurs externes, changements démographiques) ajoute au stress, rendant la personne plus individualiste et moins tolérante aux autres (chacun pour soi) ;

 Les changements dans l‟entreprise peuvent aussi être une source de tension entre les employés (incertitude, insécurité, peur) ;

 Des managers qui sont de bons experts techniques, mais qui ne possèdent pas toujours les compétences relationnelles que le poste exige;

 Les échanges trop informels entre les employés et les managers font parfois naître l‟impolitesse ;

 Le manque de communication qui laisse peu de temps pour s‟expliquer et tout juste assez de temps pour exprimer (souvent mal) son point de vue ;

 L‟indifférence de l‟un envers l‟autre a tendance à détériorer le climat de travail.

Les causes de manque de respect sont nombreuses, d‟autant plus si l‟on considère que le nombre de cause peut être multiplié par le nombre de personnalités présentes dans l‟entreprise.

Face à un risque au potentiel si important, quelles sont alors les conséquences du non-respect au travail pour le bien-être des collaborateurs ?

167 C.-M. Pearson, L.-M. Andersson et C.-L. Porath (2000), Assessing and Attacking Workplace Incivility, Organizational Dynamics, vol. 29, n°2, p.123-137

Là encore, les conséquences néfastes sont nombreuses et peuvent être très lourdes :

 Atteinte à la santé physique et/ou psychologique des collaborateurs ;

 Isolement des salariés victimes de non-respect → Rupture du lien social → Absentéisme / Turn-Over et moindre investissement dans l‟entreprise de la part de la victime ;

 Dégradation de l‟ambiance de travail → Ralentissement de la productivité de travail ;

 Conflit qui monte en spirale → harcèlement psychologique.

Malgré l‟ensemble des précautions qui peuvent être prises, les situations de manque de respect peuvent tout de même se produire. Lorsqu‟une situation de manque de respect se produit, malheureusement la première réaction des managers est de nier ou de banaliser la situation dénoncée :

 Soit en s‟attaquant aux faits rapportés en les relativisant pour en minimiser l‟impact ;

 Soit en s‟attaquant à la personne même de celui qui se plaint du fait rapporté pour le fragiliser et le faire passer pour quelqu‟un d‟exagérément sensible. Or, une telle réaction du manager ne fait que renforcer la douleur des victimes d‟un manque de respect : celles-ci se sentent insultées et pas prises en considération.

Pourquoi le manager réagit-il ainsi ? Sans doute ne sait-il seulement pas comment réagir autrement. On a vu, dans la partie sur le soutien social, que les managers n‟étaient pas toujours soutenus par l‟entreprise, alors peut-être qu‟en matière de manque de respect au travail, on se trouve justement dans ce genre de situation. Aussi, démuni face à une situation qu‟il ne peut, ni ne sait contrôler, il opte (consciemment ou inconsciemment) pour la banalisation de l‟événement. Peut-être que le manager se dit qu‟ainsi, le salarié qui se plaint de manque de respect va cesser d‟en parler et que l‟affaire va s‟éteindre d‟elle-même.

L‟effet pervers de ce mécanisme, effet pervers auquel le manager ne pense sûrement pas est qu‟à force de ne pas prendre les problèmes au sérieux, le risque est de tolérer de plus en plus d‟excès de comportement et d‟excès de comportement de plus en plus graves, étant donné qu‟il n‟y a jamais de conséquence.

A l‟heure actuelle, la quasi-totalité des entreprises françaises ne dispose d‟aucun dispositif de protection des collaborateurs, exception faite des dispositions légales obligatoires, à savoir protection contre le harcèlement sexuel, le harcèlement moral, les violences physiques. On peut simplement mentionner les règlements intérieurs qui prévoient des sanctions disciplinaires en cas de manque de respect. Toutefois, ces dispositions réglementaires ne sont que rarement appliquées en dehors du cadre limitatif de l‟insulte.

Bien sûr, notre propos ici n‟est pas de blâmer les entreprises pour n‟avoir rien fait jusqu‟à maintenant, mais de tenter d‟aider les entreprises à remédier aux difficultés qu‟elles rencontrent.

Aussi, face à une plainte pour non-respect, l‟entreprise ne doit pas réagir impulsivement et sanctionner immédiatement l‟auteur présumé des faits. Bien au contraire, l‟appréciation des faits de non-respect étant subjective (puisque la notion évolue selon chaque individu), il est préférable d‟écouter attentivement chacune des deux parties afin de comprendre :

 Ce qui a déclenché la situation de manque de respect ;

 Ce qui s‟est exactement passé ;

 L‟interprétation par chacune des parties du déroulement des événements ;

 L‟intention de chacune des parties dans le déroulé des événements et par rapport à l‟autre partie.

Ce travail d‟« enquête » sera plus ou moins poussé selon d‟une part, le stade d‟avancée de l‟entreprise quant à sa politique en matière de respect au travail, et d‟autre part, le seuil de tolérance de manque de respect de l‟entreprise (en effet, dans certaines entreprises, par exemple celles où le fonctionnement est dit « à l’ancienne », le seuil de tolérance est particulièrement élevé. Cela n‟est évidemment pas une bonne chose puisque le manque de respect est quotidien mais quotidiennement toléré et ce n‟est que s‟il dépasse un niveau critique que le manquement sera sanctionné).

La tâche semblant particulièrement ardue, on est amené à se demander comment instituer le respect comme une valeur essentielle de son entreprise ? Jean-Pierre Brun nous livre une méthodologie afin de donner le ton et de démontrer que le respect des personnes est une valeur fondamentale, placée dans le haut de la liste des principes de l‟entreprise.

Sa méthodologie attribue des fonctions à chaque acteur aux situations de respect au travail : Par exemple, pour les collaborateurs :

 Ne pas accepter les gestes d‟intimidation, les attitudes hostiles, etc. ;

 Evaluer sa propre attitude qui entretient la conduite de l‟autre ;

 S‟excuser et s‟expliquer si on a blessé, offensé un collègue ;

 …

De même, pour le manager :

 Donner le droit aux individus de parler des situations irrespectueuses et ne pas appliquer de sanctions pour l‟avoir fait ;

 En tant que personne concernée, tenter de tempérer ses réactions ;

 Apporter du soutien à la personne qui subit un manque de respect ;

 …

D‟autres exemples, pour l‟entreprise :

 Inciter les individus à parler des événements irrespectueux et les aider à corriger la situation ;

 Eliminer les conflits interpersonnels et éviter l‟effet d‟escalade dans l‟entreprise ;

 Offrir des formations sur la communication et la résolution de conflits ;

 Sanctionner lorsque survient une situation irrespectueuse ;

 Tenir compte des signes précurseurs ;

 …

Jusqu‟à maintenant, les leviers abordés traitaient surtout de moyens à développer en entreprise, d‟outils à instaurer entre les salariés et leurs managers et/ou avec le Direction même de l‟entreprise.

A présent, nous allons nous intéresser à un levier davantage axé sur l‟individu, même si, s‟agissant de relations de travail, l‟entreprise aura un rôle fondamental à jouer.