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Chapitre 4 : Exigences du travail, ressources au travail et ressources personnelles : des pistes

2. Apport des ressources au travail dans l’étude de la santé psychologique au travail

2.1. Soutien social et santé psychologique au travail

2.1.1. Le soutien social

L’intérêt des chercheurs en psychologie pour le concept de soutien social a considérablement évolué depuis les années 1970 (Ducharme, Stevens, & Rowat, 1994 ; Sarason, Shearin, Pierce, & Sarason, 1987). Cette importance découle du fait que le soutien social joue un rôle primordial pour les individus dans différentes sphères de vie (e.g., famille, école, travail). Il est considéré comme un facteur de protection face aux divers événements stressants ou traumatiques qui peuvent traverser la vie de l’individu (Beehr & McGrath, 1992 ; Cohen & Wills, 1985 ; La Rocco & Jones, 1978 ; Taylor, 2007 ; Taylor et al., 2004).

Selon Bruchon-Schweitzer et Boujout (2014), la structure du soutien social est complexe et reste donc difficile à appréhender. Mais, il existe un certain consensus quant à la multidimensionnalité du soutien social. En effet, Leavy (1983) définit le soutien social comme la disponibilité des relations d’aide et à la qualité de ces relations. Pour Lepore (1992), le soutien social réfère à la réception réelle ou perçue de l’aide émotionnelle, pratique ou matérielle d’un autre individu ou d’un groupe d’individus. De même, Caron et Guay (2005) précisent que le soutien social renvoie « à l’échange de ressources émotionnelles, instrumentales ou d’informations dans le contexte d’une réponse à la perception que les autres en ont besoin » (p. 17).

Au vu de ces éléments, il faut affirmer qu’il n’existe pas une définition unique et sans équivoque du soutien social dans la documentation scientifique. En revanche, il y a un consensus croissant sur le fait que le soutien social est un concept multidimensionnel. En outre, la littérature s’accorde sur le fait que le soutien social se manifeste sous plusieurs formes (e.g., soutien reçu, soutien perçu) et provient de sources variées (e.g., collègues, hiérarchie, amis, famille).

2.1.2. Types et sources de soutien social

En ce qui concerne les types de soutien social, nous identifions deux grands types, à savoir le soutien social perçu et le soutien social reçu. Pour le soutien perçu, il désigne l’impact subjectif de l’aide apportée par l’entourage d’un individu et la mesure dans laquelle celui-ci estime que ses besoins et ses attentes sont satisfaits (Procidano & Heller, 1983). Selon Cohen (1992), le soutien perçu fait référence à la perception que l’individu fait des relations sociales qui peuvent lui apporter une aide matérielle, un soutien émotionnel ou des informations nécessaires pour pouvoir faire face aux situations problématiques. Pour ce qui est du soutien social reçu, il se rapporte à « l’aide effective apportée à un individu par son entourage » (Winnubst, Marcelissen, & Kleber, 1988, p. 511).

Par ailleurs, dans le domaine du travail, nous repérons deux contributions notables concernant les typologies du soutien social au travail. La première contribution est celle de House (1981) qui suggère l’idée selon laquelle le soutien social au travail est constitué de quatre dimensions : le soutien émotionnel (e.g., réconfort, sympathie), le soutien d’estime (e.g., réassurance, reconnaissance), le soutien informatif (e.g., suggestions, propositions de pistes et de solutions) et le soutien instrumental (e.g., aide effective, prêt d’argent). La deuxième contribution est celle de Karasek et Theorell (1990) suivant laquelle le soutien

d’amélioration des conditions de travail, attention prêtée aux salariés, niveau d’autonomie laissé aux salariés) et le soutien des collègues (e.g., sympathie, conseils, aide à réaliser une tâche).

Comme nous l’avons déjà signalé, le soutien social peut provenir de diverses sources que ce soit dans la vie au travail ou hors travail. Ces sources varient en fonction des problèmes rencontrés et du type de soutien sollicité par l’individu. Parmi les personnes qui peuvent fournir un soutien à l’individu, nous citons les collègues de travail (Beehr, Farmer, Glazer, Gudanowski, & Nadig Nair, 2003 ; Nagami, Tsutsumi, Tsuchiya, & Morimoto, 2010), les supérieures hiérarchiques (Galletta, Portoghese, Penna, Battistelli, & Saiani, 2011 ; Willemse, de Jonge, Smit, Depla, & Pot, 2012) et les membres de la famille (Beehr, 1985 ; Caplan, 1976).

D’après ce qui précède, le soutien social est compris dans ce travail de thèse comme une composante multidimensionnelle. Il renvoie précisément au fait que l’enseignant perçoit qu’il existe des personnes (i.e., collègues, supérieurs, personnel administratif, amis et membres de la famille) qui peuvent lui apporter une aide instrumentale, émotionnelle ou informationnelle en cas de besoin. En outre, nous soulignons que le soutien social peut participer à la promotion de la santé et du bien-être au travail.

2.1.3. Effet du soutien social sur la santé psychologique au travail

Au départ, les chercheurs se sont particulièrement intéressés à tester les liens directs entre le soutien social et la santé au travail. Ces chercheurs partaient de l’idée que le soutien social réduisait le niveau de tension (Beehr, 1985 ; Cohen & Wills, 1985). Au niveau statistique, une corrélation négative entre les mesures de soutien et les mesures des contraintes au travail ou les problèmes de santé peut s’interpréter comme une preuve qui apporte un appui à cette hypothèse (Viswesvaran, Sanchez, & Fisher, 1999). Dans ce cadre, des études

montrent que le faible soutien des superviseurs augmente le risque de problèmes de santé mentale, en l’occurrence le risque des trouble dépressifs et anxieux (Sinokki et al., 2009) ainsi que l’épuisement professionnel (Gibson, Grey, & Hastings, 2009). Par contre, la disponibilité du soutien social procure de la satisfaction au travail (Galletta et al., 2011; Willemse et al., 2012). Par ailleurs, le soutien des collègues favorise le rendement au travail (Nagami et al., 2010) et diminuent l’insatisfaction et la tension psychologique (Beehr et al., 2003). Ganste, Fusilier et Mayes (1986) constatent également que le soutien de la famille et des amis est associé à des niveaux moins élevés des symptômes somatiques.

Si les liens directs entre le soutien social et la santé au travail sont bien établis, les résultats sont plus discordants en ce qui concerne l’effet modérateur du soutien social sur ladite santé. Précisément, certains chercheurs comme Johnson et Hall (1988) ainsi que Kirmeyer et Dougherty (1988) supposent que le soutien social modère les effets des facteurs de stress sur la santé des employés. Plus particulièrement, ces auteurs précisent que la relation entre les agents de stress et la santé est plus forte chez les personnes ayant un faible niveau de soutien. Cependant, le soutien empirique aux effets modérateurs du soutien social sont mitigés et moins consistants dans la littérature. Par exemple, Russell, Altmaier et Van Velzen (1987) montrent que les enseignants qui déclarent avoir le soutien des supérieurs hiérarchiques sont moins vulnérables aux effets délétères des conditions de travail sur leur santé. De même, Himle, Jayaratnse et Thynesps (1989) rapportent que le soutien informationnel et instrumental fourni par les collègues et les superviseurs a un effet tampon sur les composantes de l’épuisement professionnel générées par la charge de travail et les conflits de rôle. De plus, Sargent et Terry (2000) révèlent que la disponibilité du soutien des supérieurs atténue les effets négatifs des contraintes sur la performance et la dépersonnalisation, alors que le soutien des collègues modère les effets négatifs de la charge psychologique sur le rendement au travail. Une autre étude réalisée par Bakker, Van Emmerik et Van Riet (2008) montre que les

employés qui reçoivent le soutien de leurs collègues sont moins cyniques ; ce qui a conduit à améliorer les résultats financiers de l’entreprise. Cependant, d’autres chercheurs n’ont pas pu observer ces effets tampon du soutien social (Ganster et al., 1986 ; Heshizer & Knapp, 2016 ; Konariek & Dudek, 1996).

En plus du soutien social et de ses effets bénéfiques sur la santé des travailleurs, le climat de travail constitue également une ressource au travail fondamentale à en tenir compte.