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3. Mode d’analyse de données et résultats

3.2. Résultats

3.2.3. Exigences du travail et santé des enseignants

Dans cette partie, nous exposons d’abord les exigences du métier d’enseignant, ensuite nous abordons les conséquences que ces exigences entraînent sur la santé et la vie hors travail des enseignants.

Quelles sont les exigences perçues du métier d’enseignant ?

Les exigences du métier d’enseignant sont nombreuses (voir Figure 16). Nous avons, du plus important au moins important, les programmes scolaires surchargés, pressants et inadaptés au niveau des élèves (88 occurrences, soit 17.25%). Puis, arrive le manque de prérequis et de motivation des élèves (67 occurrences, soit 13.14%). Viennent ensuite l’environnement physique détérioré et le manque de ressources pédagogiques et didactiques (66 fréquences, soit 12.94%). En quatrième position sont mentionnés les classes surchargées qui dépassent 40 élèves et le nombre élevé d’heures de travail (60 occurrences, soit 11.76%). Nous relevons en cinquième place le management autoritaire/défaillant et le manque de soutien de l’enseignant (56 fréquences, soit 10.98%). Au sixième rang sont citées les difficultés de déplacements domicile- travail et les charges financières qui y sont associées (52 occurrences, soit 10.20%). En septième position figure une récrimination envers les comportements des élèves, en l’occurrence le manque de discipline et de bonne conduite (35

occurrences, soit 6.86%). La rémunération insuffisante et l’absence d’indemnités sont aussi identifiés en huitième position (34 occurrences, soit 6.67%).

Figure 16. Exigences perçues du métier d’enseignant

En outre, l’analyse thématique fait ressortir que la surcharge/l’inadéquation des programmes scolaires au niveau des élèves ainsi que le sureffectif/le nombre d’heures de travail élevé sont des exigences citées davantage par les enseignants du lycée (respectivement 38 occurrences, 26 occurrences) que par les enseignants du collège (respectivement 21 occurrences, 17 occurrences) et ceux du primaire (respectivement 29 occurrences, 17 occurrences). De la même manière, le manque de prérequis nécessaires et d’envie d’apprendre des élèves est plus relevé par les enseignants du lycée (28 fois) que par leurs homologues du

Programmes scolaires surchargés,

pressants et inadaptés au niveau des élèves

Manque de prérequis et de motivation des élèves

Environnement physique dégradé et manque des moyens de travail

Classes surchargées et nombre d’heures de travail élevé

Management autoritaire/défaillant

(direction établissement, inspecteur,

etc.) et manque de soutien de

l’enseignant

Difficultés de déplacement et coût des transports entre le domicile et le lieu de travail

Indiscipline, incivilités et manque

d’assiduité des élèves

Rémunération insuffisante et absence d’indemnités

Conditions de vie difficiles en milieu rural

Manque de perspectives d’évolution dans la carrière, dégradation de l’image de l’enseignant, éloignement.

Absence de collaboration entre

primaire (21 fois) et du collège (18 fois). En outre, il n’est pas étant que le problème d’indiscipline et d’incivilités des élèves ne soit pas évoqué par les enseignants du primaire, alors qu’il est largement mentionné par les enseignants du lycée (24 occurrences), suivis de ceux du collège (11 fois). Concernant la détérioration des conditions physiques de travail, elle est plus indiquée par les enseignants du primaire (32 occurrences) comparativement à ceux du collège (10 occurrences) et ceux du lycée (24 occurrences). Nous remarquons le même constat pour les difficultés de déplacement (primaire : 31 fois vs. collège : 12 fois vs. lycée : 9 fois). Quant aux pratiques managerielles, il s’avère que la bureaucratie, l’autoritarisme et le manque de soutien de l’enseignant ont à peu près la même importance pour les enseignants des écoles primaires (21 fois) et du collège (23 fois) tandis qu’ils sont moins invoqués par les enseignants du collège (12 fois). Pour synthétiser, il semble quela surcharge des programmes scolaires est la principale contrainte évoquée par les enseignants du lycée et du collège, alors que la dégradation de l’environnement de travail et les difficultés de déplacement sont les grandes exigences mises en exergues par les enseignants du primaire (voir Tableau 16, Annexe 17).

D’après les analyses effectuées, il n’est pas surprenant de constater que la plupart des difficultés du métier d’enseignant sont davantage identifiées par les enseignants en milieu rural. A titre d’illustration, la difficulté liée à la pression et l’inadaptation des programmes scolaires au niveau des élèves et celle relative au manque de prérequis et de motivation des élèves sont largement identifiées chez les enseignants en zone rurale (respectivement 51 occurrences, 41 occurrences) comparativement à ceux en milieu urbain (respectivement 37 occurrences, 26 occurrences). Egalement, les conditions matérielles de travail défavorables et les contraintes du déplacement sont davantage mises en avant par les enseignants en zone rurale (respectivement 43 fois, 47 fois) que leurs homologues en milieu urbain (respectivement 23 fois, 5 fois). En revanche, le problème lié à l’incivilité des élèves semble

concerner davantage les enseignants travaillant en zone urbaine (25 fois) que ceux qui exercent en zone rurale (10 fois ; voir Tableau 17, Annexe 18).

Comme le précisent les résultats obtenus, la surcharge et l’inadaptation des programmes scolaires au niveau des élèves sont plus repérées chez les enseignants en début de carrière (35 occurrences) et en milieu de carrière (33 fois) que ceux avancés en carrière (20 fois). De plus, le sureffectif et le nombre d’heures de travail élevé concerne plus les enseignants débutants (25 occurrences) que leurs homologues moyennement expérimentés (20 occurrences) et plus expérimentés (15 occurrences). Il en va de même pour les comportements d’incivilité des élèves (débutants : 15 fois vs. milieu de carrière : 12 fois vs. avancés en carrière : 8 fois). Brièvement, nous pouvons remarquer que les enseignants s’accordent sur le fait que les programmes scolaires surchargés, pressants et inadaptés au niveau des élèves est la contrainte professionnelle la plus pesante (voir Tableau 18, Annexe 19).

A la lumière des résultats évoqués précédemment, nous pouvons indiquer que les exigences du travail auxquelles les enseignants du primaire et du secondaire sont exposés peuvent être regroupées en cinq grandes classes. La première classe s’attache aux conditions de travail (e.g., charge de travail quantitative, environnement de travail dégradé). La deuxième classe concerne les élèves et regroupe la faiblesse du niveau des élèves et les comportements d’incivilité (e.g., indiscipline, manque de respect de l’enseignant). La troisième classe, quant à elle, renvoie à la bureaucratie de l’administration et le manque de perspectives d’évolution dans la carrière. En ce qui concerne la quatrième classe, elle correspond aux conditions d’emploi (e.g., salaire insuffisant, conditions de déplacement difficiles). La cinquième classe est composée des conditions de vie difficile en milieu rural et le manque de collaboration entre l’enseignant et les tuteurs d’élèves. Ces cinq grandes catégories d’exigences du métier d’enseignant correspondent globalement aux pistes proposées par les enseignants pour améliorer leur bien-être professionnel.

Maintenant que nous avons identifié les exigences du travail auxquelles les enseignants sont confrontés, il convient de préciser ce que ces exigences génèrent comme conséquences sur la santé et la vie hors-travail des enseignants.

Conséquences des exigences du métier sur la santé et la vie hors des enseignants

Les exigences du métier d’enseignant peuvent être l’origine de nombreux problèmes psychologiques tels que le stress, l’épuisement, le mal-être, etc. Elles peuvent également engendrer des répercussions sur la vie personnelle des enseignants. Les lignes qui suivent présentent succinctement ces deux grandes catégories de conséquences.

Quelles sont les conséquences des exigences du métier sur la santé de l’enseignant ?

L’examen des données de la Figure 17 indique que les enseignants déclarent avoir des problèmes de santé physique (36 occurrences, soit 25.35%). Ces enseignants déclarent souffrir notamment de fatigue physique, de tension artérielle élevée et de troubles musculosquelettiques, à cause notamment des efforts déployés pour gérer des classes surchargées et des programmes scolaires pressants, ainsi que des difficultés de déplacement. Cette fatigue peut aussi être liée au fait que ces enseignants sont amenés à travailler debout pendant une longue durée pour pouvoir gérer l’indiscipline des élèves et attirer leur attention. A ces problèmes de santé physique s’ajoutent des problèmes de santé psychologique. En effet, les enseignants se sentent stressés, épuisés et étouffés (34 occurrences, soit 23.94%). Les enseignants rapportent également des manifestations dépressives et des symptômes anxieux (24 occurrences, soit 16.90%). Ils éprouvent en outre de la nervosité et ont des difficultés à maîtriser leurs propres émotions dans des situations déstabilisantes, notamment celles liées aux conflits avec les élèves (22 occurrences, soit 15.49%). Ces difficultés ont par ailleurs des conséquences sur l’investissement psychologique au travail, dans le sens où ces enseignants deviennent démotivés, désintéressés et désengagés de leur travail (13 occurrences, soit

9.15%). Ces exigences pèsent ainsi sur la vie personnelle de l’enseignant car elles le privent du temps libre qui lui permet de récupérer, de se reposer, d’être avec sa famille, etc. (9 occurrences, soit 6.34%).

Figure 17. Conséquences des exigences du métier sur la santé de l’enseignant

Par ailleurs, les résultats révèlent que les problèmes de santé physique sont davantage rapportés par les enseignants du lycée (16 occurrences) et du collège (14 occurrences) que ceux du primaire (6 occurrences). A cause de l’indiscipline des élèves, il n’est pas surprenant que les problèmes liés à la nervosité et au contrôle des émotions concernent davantage les enseignants du lycée (13 occurrences) que ceux du collège (5 occurrences) et ceux du primaire (4 occurrences). De la même manière, ce sont les enseignants du lycée qui déclarent avoir plus de problèmes liés au stress et à l’épuisement (23 fois) comparativement aux enseignants du collège (4 fois) et ceux du primaire (7 fois). Sommairement, notons que les enseignants du lycée mettent largement en avant le stress et l’épuisement professionnel, alors que les enseignants du collège mettent davantage l’accent sur les problèmes de santé

Problèmes de santé physique (fatigue,

allergies, douleurs lombaires et/ou

articulaires, etc.)

Stress, épuisement et sentiment

d’étouffement Dépression et anxiété

Nervosité, colère et difficulté à maîtriser ses propres émotions

Sentiment de démotivation, d’injustice et envie de quitter son métier

Privation de temps libre à consacrer pour la vie personnelle et familiale.

Autres : Risques liés au trajet de

physique. Les enseignants du primaire rapportent, quasiment avec la même fréquence, des problèmes anxieux, du stress et de santé physique (voir Tableau 19, Annexe 20).

D’autre part, les résultats rapportent que les problèmes de santé physique sont un peu plus constatés chez les enseignants en milieu rural (20 occurrences) par rapport à ceux en milieu urbain (16 occurrences). Par contre, les problèmes liés au stress/épuisement ainsi que la nervosité sont légèrement rapportés par les enseignants en milieu urbain (respectivement 18 fois, 12 fois) que par ceux en milieu rural (respectivement 16 fois, 10 fois ; voir Tableau 20, Annexe 21).

Comme l’indiquent les résultats obtenus selon l’ancienneté, les problèmes de santé physique et le sentiment de stress et d’épuisement concernent davantage les enseignants en début de carrière (respectivement 17 fois, 16 fois), suivis des enseignants en milieu de carrière (respectivement 11 fois, 10 fois) et de ceux avancés en carrière (respectivement 8 fois, 8 fois). Par contre, les manifestations dépressives et anxieuses sont beaucoup plus repérées chez les enseignants plus anciens (13 fois) en comparaison à ceux moyennement expérimentés (4 fois) et à ceux moins expérimentés (7 fois ; voir Tableau 21, Annexe 22).

Somme toute, précisons que les exigences du travail ont des conséquences non seulement sur la santé physique (e.g., fatigue, insomnie), mais aussi et surtout sur la santé psychologique (e.g., dépression, épuisement, colère) des enseignants. Ces conséquences traduisent un sentiment de détresse psychologique composé, entre autres, de manifestations dépressives et anxieuses, d’irritabilité, ainsi que d’un sentiment de désengagement au travail. En plus de ces conséquences avérées sur le plan individuel, les exigences du métier d’enseignant semblent également toucher à la vie personnelle des enseignants.

Quelles sont les conséquences des exigences du métier sur la vie hors travail ?

Selon la Figure 18, il s’avère que les enseignants transposent les problèmes de santé générés par le travail à la vie hors travail (20 occurrences, soit 37.04%). A ce problème

s’ajoute la difficulté de concilier leur vie au travail et leur vie privée (17 occurrences, soit 31.48%). En outre, les enseignants éprouvent un sentiment de frustration puisqu’ils ne peuvent pas satisfaire leurs besoins élémentaires (12 occurrences, soit 22.22%).

Figure 18. Conséquences des exigences du métier sur la vie hors travail de l’enseignant

En outre, les analyses effectuées en fonction du cycle d’enseignement précisent que le déséquilibre vie au travail-vie hors travail est plus exprimé par les enseignants du primaire (10 occurrences) en comparaison avec les enseignants du collège (2 occurrences) et ceux du lycée (5 occurrences,). Les interviewés obtiennent néanmoins des valeurs quasiment similaires concernant le problème de transposition des problèmes de santé liés au travail à la vie privée (primaire : 5 fois vs. collège : 7 fois vs. lycée : 8 fois). De cela, notons que les enseignants du lycée et du collège sont davantage exposés au problème de transposition des problèmes de santé vécues au travail à la vie privée, tandis que les enseignants du primaire déclarent avoir plus de difficulté à trouver un équilibre entre leur vie professionnelle et la vie personnelle (voir Tableau 22, Annexe 23).

Par ailleurs, les résultats obtenus révèlent que c’est dans les propos des enseignants en

Transposition des problèmes de santé psychologique et physique à la vie hors travail

Déséquilibre vie au travail/vie hors travail (manque de temps pour se reposer, pour la famille, etc.)

Sentiment de frustration et

d’insatisfaction

Autres : Impact de la vie personnelle sur la vie professionnelle, risques liés au déplacement, etc.

psychologiques et physiques à la vie privée (13 fois) par rapport à leurs homologues en milieu urbain (7 fois). La difficulté de concilier vie professionnelle-vie personnelle revient également plus chez les enseignants en zone rurale (13 fois) que chez ceux en zone urbaine (4 fois ; voir Tableau 23, Annexe 24).

Enfin, les analyses comparatives selon les trois tranches d’ancienneté mettent en exergue le fait que la transposition des problèmes de santé vécus au travail à la vie hors travail concerne plus les enseignants débutants (10 occurrences) et en milieu de carrière (9 occurrences) que leurs homologues plus anciens (1 occurrence). En plus, le déséquilibre vie au travail-vie hors travail revient à la même fréquence chez les enseignants débutants et ceux moyennement expérimentés (7 fois), alors qu’il est peu repéré (3 fois) par les plus expérimentés. Pour récapituler, il s’avère que la transposition des problèmes de santé psychologique et physique à la vie hors travail semble davantage concerner les enseignants débutants et en milieu de carrière que les plus anciens (voir Tableau 24, Annexe 25).

En somme, indiquons à travers ces résultats que les exigences du métier d’enseignant entraînent des perturbations sur la vie personnelle et sociale des enseignants. Cependant, bien que ces exigences engendrent des conséquences non négligeables sur la santé, le travail et la vie hors travail des enseignants, la question qui se pose désormais est comment ces enseignants y font face.

3.2.4. Ressources au travail et stratégies d’ajustement des enseignants