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Chapitre 2 : Qu’est-ce que la santé psychologique au travail ?

2. Bien-être et détresse psychologiques : deux facettes d’un même construit

2.1. Bien-être général et bien-être au travail : quelle distinction ?

2.1.3. Trois approches du bien-être général

La conceptualisation du bien-être reste à l’heure actuelle hétérogène. Selon Dagenais-Desmarais (2010), le chercheur non initié qui s’intéresse à investiguer ce champ d’études se heurte à une véritable confusion conceptuelle qui freine l’acquisition d’un bassin de connaissances unifiées en la matière. Le domaine d’étude du bien-être a connu l’émergence de deux principaux paradigmes relativement distincts qui sont l’hédonisme et l’eudémonisme

(Ryan & Deci, 2001). Au fil du temps, un autre paradigme appelé « approche intégrative » qui concilie ces deux perspectives du bien-être a vu le jour (Dagenais-Desmarais, 2010).

2.1.3.1. L’approche hédonique

Les origines de l’approche hédonique remontent à la philosophie grecque. Plus précisément, Ryan et Deci (2001) rapporte qu’Aristippe considère que le but de la vie est d’expérimenter le maximum de plaisir. Ces auteurs précisent en outre que Hobbes a fait valoir que le bonheur réside dans la poursuite réussie de nos plaisirs humains. De ce point de vue, l’hédonisme s’exprime sous de nombreuses formes liées notamment en termes de plaisir et de bonheur.

En psychologie, les chercheurs qui adoptent la vision hédonique du bien-être mettent l’accent sur la notion du plaisir physiologique et celle du plaisir psychologique (Kubovy, 1999). De même, le point de vue prédominant parmi les psychologues hédoniques est que le bien-être consiste en un bonheur subjectif et concerne l’expérience du plaisir. En outre, la psychologie hédonique est l’étude de « ce qui rend les expériences et la vie agréables ou désagréables » (Kahneman, Diener, & Schwarz, 1999, p. 6). D’autre part, la notion la plus répandue parmi les tenants de cette approche est celle de bien-être subjectif. Celle-ci s’évalue à partir de trois dimensions : la satisfaction dans la vie, la présence d’affects positifs, l’absence d’affects négatifs (Deci & Ryan, 2008 ; Diener & Lucas, 1999 ; Diener, Suh, Lucas, & Smith, 1999 ; Diener & Ryan, 2009).

Cependant, certaines critiques ont été adressées à l’égard de cette approche. Il s’agit du manque de cadre théorique solide qui met au clair la signification du concept de bien-être subjectif (Dagenais-Desmarais, 2010 ; Ryff, 1989). De même, cette conception hédonique suppose que le bien-être réfère à un construit qui comprend des indicateurs positifs et d’autres

concepts identiques. Pourtant, comme nous l’avons déjà mentionné, le bien-être représente la facette positive de la santé psychologique, et par conséquent ne comprend que des aspects positifs. En outre, cette approche ne prend pas en considération le fonctionnement optimal de la personne et la réalisation de soi qui constituent des facteurs indispensables pour l’évaluation de bien-être selon l’approche eudémonique (Ryff, 1989).

2.1.3.2. L’approche eudémonique

L’approche eudémonique, développée dans les années 1980, prend ses racines historiques et philosophiques dans la philosophie grecque ainsi que dans les recherches sur le fonctionnement optimal de la personne et la psychologie existentielle (Dagenais-Desmarais, 2010). A ce sujet, Ryan et Deci (2001) rapportent qu’Aristote, par exemple, considérait le bonheur hédonique comme un idéal vulgaire, faisant des humains des adeptes des désirs. En s’inspirant de cette philosophie, Fromm (1981) suggère l’idée que le bien-être optimal nécessite de distinguer les besoins qui ne sont que subjectivement ressentis et dont la satisfaction conduit à un plaisir momentané, des besoins qui sont enracinés dans la nature humaine et dont la réalisation est propice à la croissance humaine. Selon cette approche, le bien-être ne se limite pas au bonheur (Ryan & Deci, 2001) et inclut notamment l’accomplissement de soi, le fonctionnement optimal de la personne et la réalisation de son plein potentiel (Ryff & Keyes, 1995 ; Ryff & Singer, 2008 ; Waterman, 1993). Contrairement à l’approche hédonique qui privilégie le concept de bien-être subjectif, l’approche eudémonique opte pour la notion de bien-être psychologique. Celle-ci peut s’évaluer à travers six dimensions, à savoir l’autonomie, la maîtrise de l’environnement, la croissance personnelle, les relations positives avec les autres, le sens donné à la vie et l’acceptation de soi (Deci & Ryan, 2008 ; Ryff & Keyes, 1995).

Même si cette approche a le mérite de clarifier l’importance de tenir compte de l’accomplissement de soi et du fonctionnement optimal de l’individu, un certain nombre de critiques peuvent être formulées à son égard. En effet, Diener, Sapyta et Suh (1998) indiquent qu’une conceptualisation purement théorique pour comprendre un construit subjectif, sans laisser la place à l’expression de l’individu quant à l’évaluation qu’ils font de leur vie, peut augmenter le risque de ne pas mesurer les facteurs déterminants de bien-être. Selon les mêmes auteurs, il se peut que les six dimensions de bien-être psychologique précitées ne soient pas universelles, c’est-à-dire qu’elles peuvent varier selon le contexte culturel et les circonstances de vie.

2.1.3.3. L’approche « intégrative »

L’approche intégrative a été développée lorsque certains auteurs se sont rendu compte du fait que les approches hédonique et eudémonique ne sont pas suffisantes pour comprendre la nature du bien-être (Biétry & Creusier, 2013 ; Dagenais-Desmarais, 2010). Les tenants de cette approche soutiennent l’idée que l’hédonisme et l’eudémonisme peuvent être complémentaires et non pas concurrentes (Keyes & Lopez, 2002 ; Keyes & Magyar-Moe, 2003 ; Lent, 2004 ; Ryan & Deci, 2001). Cela signifie que le être hédonique et le bien-être eudémonique peuvent se réunir sous un construit-ombrelle (Dagenais-Desmarais, 2010). Dans ce sens, le bien-être peut se définir comme étant un construit complexe qui correspond à la fois à l’expérience subjective et au fonctionnement optimal (Ryan & Deci, 2001). Toutefois, cette approche comporte une limite fondamentale qui correspond au manque d’études empiriques qui valident cette conception qui tient compte à la fois des aspects hédoniques et eudémoniques du bien-être (Dagenais-Desmarais, 2010).

notion n’a suscité que peu d’attention de la communauté scientifique (Dagenais-Desmarais, 2010). De plus, la définition du bien-être au travail ne fait l’objet pas de consensus dans la documentation scientifique.