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Chapitre 2 : Qu’est-ce que la santé psychologique au travail ?

3. Santé psychologique au travail et notions voisines

La SPT est devenue une notion centrale dans le domaine de la prévention des risques professionnels. Toutefois, cette notion peut facilement être confondue avec d’autres notions à savoir la satisfaction au travail, le bonheur au travail et la qualité de vie au travail (QVT). Il importe donc de définir ces notions connexes afin de montrer en quoi la SPT s’en distingue.

3.1. La satisfaction au travail

La satisfaction professionnelle est l’une des notions les plus explorées dans le domaine de la santé au travail. Elle est généralement considérée comme la conséquence du fait que l’employé aime ou non son travail (Weiss, 2002). Selon Locke (1969, 1976), la satisfaction au

travail traduit un « état positif ou agréable résultant de l’appréciation par une personne de son travail » (p. 130). Elle résulte donc de la relation perçue entre ce que l’individu aimerait soutirer de son travail et ce que ce dernier lui offre (Locke, 1976). Elle dépend de deux groupes de facteurs. Le premier groupe réfère aux caractéristiques de l’environnement (e.g., nature de la tâche, autonomie, feedback sur le travail réalisé, soutien social). Le deuxième groupe englobe les caractéristiques personnelles (e.g., dispositions affectives, estime de soi, auto-efficacité).

3.2. Le bonheur au travail

Le bonheur au travail est un concept valise et ne se laisse pas aisément saisir. Il comprend un grand nombre d’indicateurs et de mesures. Selon Fisher (2010), les définitions du bonheur au travail varient sensiblement en fonction de trois niveaux de mesure. Pour le premier niveau, le bonheur au travail se définit comme un état transitoire constitué, entre autres, de l’humeur positive, de la joie, du plaisir et du contentement. En ce qui concerne le deuxième niveau, il évalue le bonheur à partir de la variabilité interindividuelle, en cherchant à savoir pourquoi certaines personnes au travail sont-elles plus heureuses ou plus malheureuses que d’autres ? (Warr, 2007). Le bonheur s’évalue à travers l’affectivité, la satisfaction au travail, l’engagement affectif, etc. Le troisième niveau, quant à lui, concerne l’étude du bonheur au travail niveau collectif ou groupal. L’objectif à terme est d’évaluer l’humour, l’engagement ou la satisfaction au travail d’une équipe ou de toute l’organisation. Dans cette optique, le bonheur au travail représente un concept multidimensionnel qui comprend un grand nombre d’indicateurs allant de l’humeur et des émotions transitoires à des attitudes individuelles collectives relativement stables (Fisher, 2010).

3.3. La qualité de vie au travail

La qualité de vie au travail est une notion complexe et pluridisciplinaire. Les chercheurs qui s’y intéressent et s’appliquent à l’opérationnaliser optent souvent pour une approche multidimensionnelle qui tient compte de plusieurs aspects. En effet, Martel et Dupuis (2006) considèrent que la QVT « correspond au niveau atteint par l’individu dans la poursuite dynamique de ses buts hiérarchisés à l’intérieur des domaines de son travail où la réduction de l’écart séparant l’individu de ses objectifs se traduit par un impact positif sur lui, sur la performance organisationnelle et, par conséquent, sur le fonctionnement global de la société » (p. 355). A la suite de cette définition, la QVT suppose que le travailleur poursuit des objectifs hiérarchisés (e.g., avoir un bon salaire, accès au poste de responsabilité, bénéficier des avantages sociaux) ou tente de réduire l’écart à travers l’élimination des obstacles qui l’empêche de réaliser ses objectifs. Cela peut générer des conséquences bénéfiques au niveau individuel (e.g., réalisation de soi, estime de soi), organisationnel (e.g., performance, productivité) et sociétal (e.g., utilité sociale du métier, bonnes relations avec les autres). En outre, la QVT peut « se concevoir comme un sentiment de bien-être au travail perçu collectivement et individuellement qui englobe l’ambiance, la culture de l’entreprise, l’intérêt du travail, les conditions de travail, le sentiment d’implication, le degré d’autonomie et de responsabilisation, l’égalité, un droit à l’erreur accordé à chacun, une reconnaissance et une valorisation du travail effectué (Ministère du travail, de l’Emploi, de la Formation Professionnelle et du Dialogue Social ([MTEFPDS], 2013, p.26)22. En ce sens, la QVT correspond à « des éléments multiples, relatifs en partie à chacun des salariés mais également étroitement liés à des éléments objectifs qui structurent l’entreprise » (MTEFPDS, 2013, p. 26).

Somme toute, nous pouvons dire que la SPT, la qualité de vie au travail, le bonheur au travail et la satisfaction professionnelle ne peuvent pas être employés de façon interchangeable. Le tableau 3 synthétise les principales différences entre ces notions.

Tableau 3

Santé psychologique au travail et notions connexes

SPT Satisfaction au

travail

Bonheur au

travail QVT

type

d’évaluation Subjective Subjective Subjective

Objective et subjective

Niveau

d’évaluation Individuelle Individuelle

Individuelle ou collective Individuelle ou collective Composantes BET DPT Stabilité d’emploi Rémunération Etc. Affects positifs Affects négatifs Horaires de travail, Climat de travail Etc. Exemples d’outils de mesure Mesure de la santé psychologique au travail (Gilbert et al., 2011) Minnesota Satisfaction Questionnaire de Weiss, Dawis, England, & Lofquise

(1967) Échelle d’affects positifs et d’affects négatifs de Watson, Clark et Tellegen (1988) L’ISQVT (Dupuis, Martel, Voirol, Bibeau, & Hebert

2010)

Conclusion

Bien que la santé psychologique générale constitue un champ d’études en plein essor, elle a longtemps été traitée comme synonyme de l’absence de maladie. Il en est de même pour la SPT évaluée depuis longtemps à travers des indicateurs négatifs tels que le burnout, la dépression, etc. Au fil du temps et de l’avancement des travaux de recherche, cette conception unidimensionnelle de la SPT a été abandonnée pour laisser la place à une conception dite holistique. Celle-ci tient compte des aspects négatifs et des aspects positifs dans la l’évaluation de la SPT. Cependant, malgré cette évolution au niveau conceptuel, il n’existe pas à l’heure actuelle une définition unifiée de cette notion. Le chercheur qui s’y intéresse se

heurte à une panoplie de définitions et d’outils de mesure qui sont souvent en concurrence. Dans ce contexte, il semble nécessaire que les chercheurs conjuguent davantage leurs efforts pour arriver à une définition consensuelle.

Par ailleurs, il faut préciser que, dans ce travail de thèse, nous adhérons entièrement à l’idée selon laquelle la SPT est un concept bidimensionnel. Celui-ci s’appréhende au travers l’évaluation des deux facettes qui sont le bien-être psychologique au travail et la détresse psychologique au travail (Gilbert et al., 2011). Nous soutenons également la proposition selon laquelle la santé psychologique n’est pas un état stable, mais un système dynamique qui peut être rétabli, maintenu ou rehaussé (Brunet & Savoie, 2015).

Par ailleurs, nous pouvons relever que la SPT se distingue de quelques concepts connexes tels que la qualité de vie au travail, le bonheur au travail et la satisfaction professionnelle. Ces concepts sont très différents et ne peuvent être utilisés comme des synonymes.

Enfin, notons que cette thèse s’inscrit dans une perspective qui suggère de tenir compte des exigences du travail, des ressources au travail et des ressources personnelles pour mieux comprendre la SPT (Bakker & Demerouti, 2007, 2017 ; Boudrias et al., 2011 ; Brunet & Savoie, 2015 ; Foucher, 2003). Pour détailler et défendre ce point de vue, nous proposons d’aborder, dans le chapitre qui suit, les principaux modèles explicatifs de la santé au travail.