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Chapitre 4 : Exigences du travail, ressources au travail et ressources personnelles : des pistes

3. Ressources personnelles comme déterminant de la santé psychologique au travail

Nous proposons dans les paragraphes qui suivent, d’aborder la définition et les types de stratégies de coping ainsi que leurs liens avec la santé au travail.

3.1. Stratégies de coping et santé psychologique au travail

3.1.1. Stratégies de coping

Parmi les ressources personnelles qui contribuent à la préservation de la santé des employés face aux situations de travail stressantes, les stratégies de coping occupent une place de choix. Initié par Lazarus et Launier en 1978, le coping réfère à « l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux, constamment changeants, destinés à maîtriser, réduire ou tolérer les exigences internes ou externes qui menacent ou excédent les ressources d’un individu » (p. 19).

Cette définition souligne que le coping est d’abord un processus dynamique qui désigne ce qu’une personne pense ou fait devant une situation menaçante (Laugaa & Bruchon-Schweitzer, 2005). Cela veut dire que le coping a un caractère changeant et mouvant. Plus spécifiquement, le coping est influencé par le contexte et par les ressources disponibles pour gérer l’événement stressant (Paulhan, 1992). Ajoutons que le coping est un processus séquentiel selon lequel les effets de la situation menaçante sur les réponses d’un

individu se déroulent en plusieurs étapes : étapes d’évaluation (primaire et secondaire) et mise en place d’une ou plusieurs stratégies de coping (Koleck, Bruchon-Schweitzer, & Bourgeois, 2003). Koleck et al. (2003) ajoutent aussi que, durant l’évaluation primaire, la personne juge les enjeux de l’événement auquel il est confronté en termes de menace, de perte ou de défi. Lors de l’évaluation secondaire, l’individu dresse l’inventaire des ressources (e.g., contrôle perçu, soutien social perçu) dont il dispose pour affronter la situation à laquelle il est exposé. Lors de la troisième phase, et après avoir évalué la situation stressante et les ressources dont il dispose pour y remédier, l’individu met en place un ensemble de stratégies de coping.

A partir de ces éléments, il s’avère que la personne ne reste pas passive face aux événements déstabilisants et stressants, mais adopte des stratégies et déploie des efforts pour y faire face (Borteyrou, Truchot, & Rascle, 2014 ; Koleck et al., 2003). A cela s’ajoute le fait que le coping est quelque chose qui varie au quotidien (Carmona, Buunk, Peiró, Rodríguez, & Bravo, 2006 ; Demerouti, 2015). Cela revient à dire que les individus ne mobilisent pas toujours les mêmes stratégies, mais ils utilisent plusieurs types de stratégies d’ajustement, et ce, selon le contexte, la situation à affronter, etc.

3.1.2. Quels sont les types de stratégies de coping ?

Bien qu’il n’y ait pas de consensus sur la terminologie utilisée pour classer les stratégies d’adaptation, nous pouvons généralement distinguer deux grandes catégories. D’une part, nous avons les stratégies centrées sur le problème (Lazarus & Folkman, 1984) ou les stratégies d’ajustement direct (Dewe, 1985) ou encore le coping actif (Suls & Fletcher, 1985). Ces stratégies se traduisent par des efforts et/ou des comportements visant à trouver une solution à l’événement problématique/stressant ou à augmenter les ressources pour y faire face (Bruchon-Schweitzer & Boujout, 2014). Parmi ces stratégies, nous pouvons citer des efforts cognitifs comme la recherche d’informations, l’élaboration de plans d’action ou des

efforts comportementaux comme l’affrontement de la situation, la modification de la situation (Laugaa & Schweitzer, 2005). D’autre part, nous pouvons identifier les stratégies centrées sur l’émotion (Lazarus & Folkman, 1984) dites aussi des stratégies palliatives (Dewe, 1985). Elles correspondent aux diverses tentatives de l’individu pour gérer et atténuer la tension émotionnelle induite par la situation stressante (Bruchon-Schweitzer & Boujout, 2014 ; Dewe, 1989). Parmi les réponses centrées sur l’émotion figurent la minimisation de la menace, l’évitement, l’expression des émotions, etc. (Lazarus & Folkman, 1984). Outre ces deux stratégies de coping très connues dans la littérature scientifique, Bruchon-Schweitzer et Boujout (2014) propose de tenir compte d’une troisième stratégie de coping qui est la recherche de soutien social. Celle-ci désigne les efforts de l’individu pour obtenir la sympathie ou l’aide d’autrui.

Partant de tout ce qui précède, le coping tel que défini dans ce travail de thèse réfère, d’une part aux efforts cognitifs et comportementaux visant à résoudre le problème ou à chercher l’aide des autres (e.g., collègues, supérieures hiérarchiques, famille), et d’autre part aux tentatives palliatives visant à réduire la détresse émotionnelle générée par les situations de travail aversives ou déstabilisantes.

3.1.3. Lien entre stratégies de coping et santé psychologique au travail

D’une manière globale, le coping centré sur le problème et la recherche de soutien ont des effets fonctionnels, tandis que le coping centré sur l’émotion a plutôt un effet dysfonctionnel sur la santé de l’individu (Greenglass, 1995 ; Semmer, 1996). En outre, Laugaa et Bruchon-Schweitzer (2005) notent que le coping actif exerce un effet négatif sur les l’épuisement émotionnel, la dépersonnalisation et le non accomplissement personnel. Dans une étude réalisée auprès de 558 enseignants, Carmona et al. (2006) mentionnent que l’utilisation d’un style d’adaptation direct est associée à un faible niveau d’épuisement

professionnel, alors que le recours aux stratégies palliatives est corrélé avec un niveau élevé de burnout. Une autre recherche effectuée par Schonfeld (1990) souligne que la recherche de conseils et le coping direct sont associés à des niveaux de symptômes de santé moins élevés chez les enseignants. D’autres études montrent que l’évitement comme stratégie de coping accentue la détresse (Cronkite & Moos, 1984), la dépersonnalisation et le non-accomplissement professionnel des enseignants (Laugaa & Bruchon-Schweitzer, 2005).

Outre ces effets directs, Osipow et Davis (1988) indiquent que l’utilisation des stratégies de coping atténue l’effet des facteurs de stress sur la santé physique et psychologique au travail. Une étude récente de Cheng, Mauno et Lee (2014) apporte aussi un appui à cette hypothèse de modération des stratégies de coping. Précisément, ces auteurs observent que les stratégies actives réduisent les effets négatifs de l’insécurité d’emploi sur le bien-être des employés, tandis que l’utilisation fréquente de stratégies d’évitement renforce la relation négative entre l’insécurité d’emploi et le bien-être des employés. Par contre, Aryee, Luk, Leung et Lo (1999) montrent qu’à l’exception de l’effet modérateur du coping centré sur les émotions dans la relation entre le conflit travail-famille et la satisfaction professionnelle, les stratégies d’adaptation sont largement inefficaces. De même, Callan, Terry et Schweitzer (1994) n’ont pas pu observer l’effet modérateur des stratégies de coping sur la santé au travail des avocats.

Conclusion

Sans avoir la prétention d’être exhaustif, nous avons tenté au travers ce chapitre de donner un aperçu des facteurs d’exigences et de ressources qui nous apparaissaient pertinents pour comprendre la santé psychologique au travail des enseignants. L’idée était de mettre en relief les définitions, les indicateurs de chaque facteur et leur mise en lien avec la santé des enseignants. Ces facteurs, comme nous venons de le voir, s’organisent autour de trois grandes

catégories qui sont les exigences du travail, les ressources au travail et les ressources personnelles. Cela revient à dire que pour mieux comprendre le bien-être et la détresse psychologique au travail des enseignants, il est nécessaire d’étudier, séparément et conjointement, le rôle de ces trois catégories de facteurs. Dans ce cadre, le chapitre qui suit se fixe pour objectif de clarifier la contribution et la problématique générale de notre thèse.