• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : Qu’est-ce que la santé psychologique au travail ?

1. Santé psychologique et santé psychologique au travail : quelle différence ?

1.1. Notion de santé psychologique

La santé, qu’elle soit physique ou psychologique, a été longtemps traitée comme un état unidimensionnel qui se caractérise par l’absence ou la présence de maladie (Bruchon-Schweitzer & Boujout, 2014). Cette conception s’oppose néanmoins à celle proposée par l’OMS depuis 1946 qui définit la santé comme « un état de bien-être complet physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence des symptômes de maladie ou d’infirmité » (p. 100).

A l’heure actuelle, le caractère bidimensionnel (i.e., bien-être vs. détresse psychologique) de la santé psychologique appelée aussi « santé mentale » est largement reconnu et admis par la communauté scientifique et les organismes internationaux. En effet, Ware et Sherbourne (1992) définissent la santé psychologique comme un construit composé de deux dimensions. La première est la détresse psychologique regroupant l’anxiété, la dépression et la perte de contrôle émotionnel ou comportemental. La seconde dimension, quant à elle, correspond au bien-être psychologique constitué du plaisir, du bonheur, du calme, etc. Pour sa part, Diener (1994) tient compte de deux aspects dans la définition de la santé psychologique. Le premier aspect renvoie à la détresse psychologique qui contient des éléments affectifs à savoir l’anxiété et la dépression. Le deuxième est le bien-être psychologique qui intègre des éléments cognitifs comme l’estime de soi et la satisfaction dans la vie. Massé et al. (1998a) offrent également une définition bidimensionnelle suivant laquelle

la santé psychologique est constituée de deux indices. Le premier est la détresse psychologique qui comprend l’anxiété/dépression, l’irritabilité/agression, l’auto-dévalorisation et le désengagement social. Le second est le bien-être psychologique qui recouvre l’engagement social, l’estime de soi, l’équilibre, la sociabilité, le bonheur et le contrôle de soi. De leur côté, Stephens, Dulberg et Joubert (1999) considèrent la santé mentale comme « un ensemble d’attributs affectifs/relationnels et cognitifs qui permettent à l’individu d’assumer les fonctions voulues avec résilience et ainsi bien relever les défis du fonctionnement tant mental que physique » (p. 131). Selon Labelle et al. (2001), la santé mentale est un construit bidimensionnel caractérisé par des indices cognitifs positifs (e.g., estime de soi, satisfaction de vivre) et affectifs négatifs (e.g., anxiété, dépression). Pour Keyes (2005a, 2014), la santé mentale représente un syndrome de symptômes de ressenties et de fonctionnement positif dans la vie. Autrement dit, la santé mentale réfère à un état complet composé de la présence du bien-être (e.g., bien-être émotionnel, psychologique) et l’absence des signes de la maladie mentale (e.g., anxiété, symptômes dépressifs). Pour l’OMS (2004), la santé mentale réfère à un état de bien-être dans lequel l’individu peut se réaliser, faire face aux tensions normales de la vie, réaliser un travail productif et fructueux et participer à la vie de sa communauté. Cela veut dire qu’être en bonne santé mentale témoigne du fait que l’individu éprouve un sentiment de bien-être et un fonctionnement efficace.

Par ailleurs, dans un rapport sur les perspectives d’emploi, l’OCDE (2008) précise que la santé mentale est une composante multidimensionnelle. Elle inclut la santé mentale positive (e.g., bien-être, stratégies d’ajustement à l’adversité) et la santé mentale négative qui recouvre les troubles mentaux qui s’évaluent à partir des classifications psychiatriques (i.e., Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, Classification internationale des maladies) et la détresse psychologique qui correspond à la présence de certains symptômes (e.g., dépression, anxiété) qui n’atteignent pas le seuil requis pour poser un diagnostic

psychiatrique. De la même manière, Kovess-Masfety, Boisson, Godot et Sauneron (2009) adoptent une définition multidimensionnelle de la santé mentale. Pour ces auteurs, la santé mentale reflète trois dimensions distinctes : a) les troubles mentaux qui réfèrent à des classifications diagnostiques, b) la détresse psychologique qui renvoie à un état de mal-être résultant des situations difficiles ou éprouvantes et c) la santé mentale positive qui correspond à un état de bien-être ou à des caractéristiques de la personnalité (e.g., résilience, optimisme, estime de soi).

Sur la base de ces définitions, nous pouvons retenir quatre constats principaux. Le premier constat est que la santé psychologique est une notion complexe. Les définitions évoquées plus haut peuvent se regrouper en deux grands courants : la conception bidimensionnelle et la conception tridimensionnelle. Pour la conception bidimensionnelle, elle propose l’idée selon laquelle la santé psychologique s’apprécie à travers la présence d’indices positifs comme le bien-être ainsi que l’absence d’indicateurs négatifs comme l’anxiété et dépression (e.g., Keyes 2014 ; Labelle et al., 2001 ; Massé et al., 1998a ; Ware & Sherbourne, 1992). En ce qui concerne la conception tridimensionnelle, elle défend l’idée suivant laquelle la santé mentale se définit à partir des troubles mentaux, de la détresse psychologique et de la santé mentale positive (e.g., Kovess-Masfety et al., 2009 ; OCDE, 2008). Le deuxième constat correspond au fait que la santé mentale et la santé psychologique sont souvent employées de façon interchangeable. Il en est de même pour les concepts de troubles mentaux, de la maladie mentale et de la santé mentale négative. La santé mentale positive et le bien-être sont également utilisés parfois comme des synonymes. Pour le troisième constat, il concerne le fait que les définitions mentionnées précédemment partagent le même postulat selon lequel la santé psychologique n’est pas statique, mais plutôt dynamique (Jahoda, 1958 ; Kovess-Masfety et al., 2009 ; OMS, 2004). Cela signifie que la santé psychologique n’est pas figée et stable, mais c’est un processus dynamique marqué par

la recherche d’équilibre entre la maladie et l’idéal de santé (Machado, 2015). Le quatrième et dernier constat est que ces définitions s’accordent sur le fait que la santé psychologique ne se résume pas à la simple absence de signes de détresse psychologique ou de maladie mentale, mais qu’elle recouvre également la présence d’aspects positifs.

Outre ces efforts de la communauté scientifique pour définir ce que signifie la santé psychologique signifie, certains chercheurs se sont intéressés également à vérifier la structure dimensionnelle de cette notion et ont proposé des modèles conceptuels que nous présentons dans les paragraphes qui suivent.