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LE CONTRÔLE A POSTERIORI DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS EN FRANCE ET EN COLOMBIE, CONSTRUCTION

SOUS-SECTION 1 LES MOYENS DE S’OPPOSER AU SOUVERAIN

En paraphrasant François Olivier-Martin, la puissance du roi est absolue, mais non illimitée. Partant de cela, les bornes à l’absolutisme monarchique présentent deux piliers : un mécanisme juridique, et un corps – dont les Parlements et le Conseil des Indes – qui pouvait légitimement s’en servir. Mais pourquoi faut-il y voir des organes et des mécanismes se rapprochant du contentieux de la constitutionnalité des lois ? Parce que le parallélisme de formes entre des éléments propres à l’Ancien Régime peut s’établir grâce aux enjeux entre les actes normatifs et leur valeur vis-à-vis d’un autre ordre plus important, l’« ordre constitutionnel » le cas échéant. Ces corps contestaient la volonté du Souverain par le droit dit de remontrance et le principe-recours de súplica (supplication), dit de « J’obéis, mais je n’exécute pas ». Ces deux mécanismes étaient utilisés dans les situations les plus diverses du fait de la grande concentration de pouvoir en la personne du roi206.

L’équilibre à l’intérieur d’une monarchie absolue résidait dans le devoir du roi de demander conseil et dont le leitmotiv était de bien administrer son royaume. Les Parlements français et le Conseil Suprême des Indes étaient en effet organes issusdu conseil du roi. Leur apparition est liée à la création du Parlement de Paris, une cour souveraine qui se reproduisit au fur et à mesure que le lien vassalique se répandait207. Le Conseil Suprême des Indes était, quant à lui, une

dérivation du Conseil de Castille. Ses origines remontent à la découverte du continent américain où l’administration de cette portion du royaume était du ressort dudit conseil208 et dont le Conseil des Indes faisait partie à titre de

206 Pour connaître l’évolution des fonctions et tâches au sein de l’administration royale dans le royaume des Indes, v. :

MALANGON PINZON. Vivir en Policía, op.cit, p.149-173.

207 OLIVIER-MARTIN, Fr. L’Absolutisme français, op.cit, p400-401 ; SUEUR, Ph. Histoire du droit public français

(XVe- XVIIIème siècle). Affirmation et crise de l’Etat sous l’Ancien Régime. PUF, Paris, 2007, t.2, p.209 et ss ; les

Parlements ont une « réforme ultime » pour les faire disparaître, finalement en 1790 : « Le parlement de Paris retrouva sa puissance intégrale en novembre 1774, puis disparaît avec la réforme judiciaire de 1790 sans laisser beaucoup de regrets. Cependant, il fut la référence structurelle de tous les autres parlements et laissa une œuvre doctrinale et jurisprudentielle considérable… ». SUEUR, Ph. Histoire du droit…, op.cit, (t.2) p.208.

« section »209. La situation a toutefois rapidement basculée puisqu’il fallait un

organe plus puissant et davantage spécialisé pour répondre aux besoins – mais surtout à la taille – du nouveau royaume210. Cette remarque met en évidence le

degré de légitimité desdits corps et le sens de la phrase : la puissance du roi est absolue, mais non illimitée.

Ces deux corps jouèrent par ailleurs un rôle important au XVIIIème siècle dans

l’exercice d’une portion essentielle de la souveraineté. Leur fonction en matière normative frôlait en effet la « puissance de faire la loi » laquelle était, depuis Bodin, au cœur de la souveraineté211. D’un côté, les Parlements étaient chargés

d’enregistrer les lettres patentes et, de l’autre, le Conseil Suprême des Indes exerçait des facultés extraordinaires pour administrer à la place du roi. Ainsi, le roi d’Espagne devait prendre en compte l’avis du Conseil pour faire « la loi ». Il arrivait également que cet organe prenne des décisions par lui-même en écartant la volonté du Souverain, ce qui lui permettait de suspendre l’exécution des lois. Une telle situation pouvait dégénérer en abus212. Cependant, si la Réal cédula de

1717 le Conseil Suprême des Indes fut relégué à la place d’organe purement consultatif, les Parlements français devinrent un véritable contre-pouvoir, d’après l’interprétation de Pichot-Bravard.

Le terme contre-pouvoir résulte de l’aboutissement d’une forme très particulière d’État et de régime politique ; il et trouve ses racines dans la pensée de James Madison et s’encadre dans l’architecture constitutionnelle américaine213.

209 C’est à travers la Real cédula du 14 septembre 1519, v. : OTS CAPDEQUI. Instituciones, op.cit, p.299.

210 Selon Ots Capdequi, c’est le « premier août 1524 » la date de la création du Rael y Supremo Consejo de Indias ; v. :

OTS CAPDEQUI. Instituciones, op.cit, p.299.

211 « Ma pensée deviendra sensible par la définition de la loi. Elle est le droit [de] commandement de celui, ou de ceux

qui ont toute puissance sur les autres, sans exception de perfornne ; soit que ce commandement enveloppe tous les sujets, soit qu'ils se replie[nt] sur quelqu'un en particulier, sans y assujettir celui, ou ceux qui profèrent la loi : & plus correctement, la loi embrasse tous les sujets & toutes les matières en général ; pour la différencier du privilège, qui est la loi du petit nombre. » Cf., BODIN. De la République, traité de Jean Bodin, ou, Traité du gouvernement : Revû sur

l'édition Latine de Francfort 1591. Chez la Veuve Quillau, Paris, 1756, p.429-430.

212 Pour connaître ce qu’est arrivé sous le règne de Philippe II et d’autres histoires similaires, v.: OTS CAPDEQUI.

Instituciones, op.cit, p.300 et ss. ; v. également : SCHÄFER, E. El Consejo Real y Supremo de las Indias. Historia y

organización del Consejo y de la Casa de Contratación de las Indias. Junta de Castilla y León-Marcial Pons Ediciones

de Historia S.A., Salamanca, 2003, (t.I) 376p.

213 La Lettre n°51 (New York, le 8 février 1788) de The Fédéralist Papers, commence avec cette phrase : « A quel

moyen… aurions-nous enfin reoucrs pour maintenir dans la pritique cette division nécessaire du pouvoir entre les différents départements que la Constitution établit ». Elle montre le chemin du check and balances aussi que de ce qu’est appelé, aujourd’hui, comme contre-pouvoir, v. : HAMILTON; MADISON ; JAY. Le Fédéraliste. Economica, Paris, 1988, p428-435 ; ZOLLER, E. « La justice comme contre-pouvoir : regards croisés sur les pratiques américaine et

L’utilisation du terme n’est pas gratuite : Pichot-Bravard souligne l’attitude contestataire des Parlements. Ainsi, avec le démantèlement du modèle de pluralité d’ordres normatifs des Habsbourg, le roi Philippe V de Castille et Indes – un roi Bourbon – a tenté de prévenir une évolution similaire en Nouvelle- Grenade. La cinquième décennie du XVIIIème siècle constitue ainsi le début d’une

période au cours de laquelle les Parlements s’érigent en gardiens des Lois fondamentales du royaume214. En ce sens, la stratégie du roi d’Espagne est très

rusée : en utilisant la via reservada, il a entendu récupérer le contrôle personnel des vice-royautés en Amérique.

Cette stratégie d’affaiblissement de l’autonomie de la Nouvelle-Grenade n’a toutefois pas duré et le virage amorcé demeura inachevé. Les autorités royales des Indes occidentales restaient très attachées à leurs coutumes et aux normes qu’elles considéraient fondamentales et non contraires à la monarchie absolue215. Cet état esprit persista grâce à la possibilité de contester la volonté

du roi via le principe-recours de supplication, celui-ci étant l’équivalent du droit de remontrance du droit de l’Ancien Régime français. Par ailleurs, la défense de nouveaux éléments introduits aux ordres normatifs était possible grâce à l’utilisation de tels mécanismes. Même si les modifications étaient contraires à la volonté royale, elles étaient protégées par les Lois fondamentales du royaume. Force est toutefois de constater que le pouvoir seul ne suffisait pas pour se

française », Revue internationale de droit comparé (vol 53). Société de Législation comparée-CNRS, Paris, 2001, p.559-

574.

214 « Avec le XVIIIème cependant, les choses gagent en précision car ni les magistrats ni les jurisconsultes ne sont restés à

l’écart du mouvement des idées. A leur manière, ils ont répercuté cette « crise de la conscience européenne » qui coïncide avec la fin du règne de Louis XIV. Il n’est pas inutile de redire ici que la monarchie absolue a fait fond sur les guerres civiles de la seconde moitié du XVIe dont le souvenir a longtemps hanté les esprits, la Fronde (1648-1652) en ayant

même constitué une exhalaison tardive. Le besoin de sécurité unanimement ressenti a conduit les Français des âges baroque et classique, élites sociales et intellectuelles en tête, à embrasser une conception forte du pouvoir, incarnée d’abord par Henri IV, puis par Louis XIII et Richelieu, enfin par Louis XIV. Or, au XVIIIème siècle, la situation est bien

différente. La paix civile est devenue une évidence telle qu’elle ne paraît plus susceptible de remise en cause. L’absolutisme perd peu à peu en nécessité. Des aspirations libérales se manifestent de nouveau avec vigueur, notamment au sein même de ce parlement muselé depuis 1667-1673, que, avec la Régence (1715-1723), retrouve de la voix. » E, GOJOSSO. « Le contrôle de constitutionnalité des lois…, op.cit, p.6.

215 «…il existait des structures qui soutinrent l’édifice [la Monarchie Absolue] par vents et marées : les deux plus

évidentes, dont les contemporains étaient conscients et parties prenantes, sont la fidélité au roi et le ciment religieux. Ces deux piliers de la Monarchie catholique s’articulent autour de la mise en place de liens politiques et sociaux complexes entre le pouvoir souverain et ses sujets : les historiens, à l’instar d’Antonio Feros ou d’Oscar Mazín, ont démontré l’importance du clientélisme et de la négociation. Ainsi, des phénomènes de népotisme, de favoritisme, voire de corruption ne sont pas nécessairement à appréhender comme des aspects négatifs du gouvernement mais davantage comme des moyens pour le pouvoir de se dégager une marge de manœuvre : une soupape dans les velléités absolutistes. Aujourd’hui nous savons que le pouvoir absolu résida paradoxalement dans cette incapacité (et parfois dans l’absence de volonté) à imposer son autorité à l’ensemble des corps politiques et sociaux tout en conservant la souveraineté. La formule « obedezco pero no cumplo » déjà citée traduit parfaitement cette souplesse. » GAUDIN, G. L'empire de papiers

constituer en contre-pouvoir. Ces mécanismes se révélaient ainsi nécessaires pour exercer des contraintes et rappeler au roi la portée des limites à sa puissance absolue.

Les remontrances étaient donc le droit des Parlements de contester la volonté du roi. L’ancienne liberté de « vérifier librement les ordonnances », laquelle était « couverte et timide », évolua dans un recours utilisé régulièrement216. L’essor

des remontrances n’avait alors rien de nouveau ; elles furent élevées avec une virulence similaire lors de la Fronde217. Restreint par Louis XIV, ce droit retourne

aux Parlements après la séance du 15 septembre 1715218. Dorénavant, le devoir

d’obéissance restera en suspens et ces corps se montreront moins dociles envers le roi219. Ce droit a été incorporé au constitutionnalisme coutumier du royaume

depuis le XIVème siècle220. Celui-ci n’était pas connaturel à l’enregistrement des

lettres patentes, mais la formule « très humbles et très respectueuses remontrances »221 commença à se généraliser au cours du règne des deux

derniers rois français qu’a connu le XVIIIème siècle222. La théorie dite du dépôt des

lois se dégage de cette habitude. Elle avait établi que la tâche des Parlements était de rendre exécutable les ordonnances à travers des séances d’enregistrement des lettres patentes223. Les remontrances étaient « destinées, en

une seule fois et sans publicité, à informer le souverain des défauts, inconvénients et risques de tous ordres que les cours estimaient de leur devoir de signaler, à réception de la décision royale. »224. D’autres auteurs

contemporains y ont même vu un « contrôle de constitutionnalité » en raison des propos tenus lors des échanges entre le roi et ses Parlements, de sorte que ces

216 OLIVIER-MARTIN, Fr. Les Lois du Roi, op.cit, p.350-351 ; v. également le t.2 de : MEY, C. Maximes du droit public

françois. Tirées des capitulaires, des ordonnances du royaume et des autres monuments de l'histoire de France (2e éd.).

Éditeur M.-M. Rey, Amsterdam, 1775.

217 KRYNEN, J. L’État de Justice. France, op.cit, p. 228-238 et p.243.

218 FLAMMERMONT. Le Chancelier Maupeou et les Parlements (2e éd.). Alphonse Picard, 1885, p.III-VI.

219 Le droit de remontrance renverse les rôles et Louis XV devient le principal sujet des Cours souveraines ; v.

FLAMMERMONT. Le Chancelier Maupeou et les Parlements (2e éd.). Alphonse Picard, 1885, p.III-VI, Ibidem. 220 Ainsi, utilisant les Lois fondamentales du royaume comme bouclier, l’exercice de cette « ancienne liberté » a bien

servi aux Parlements de l’Ancien Régime comme un mécanisme juridique pour mettre en échec le Souverain. Selon Francesco Di Donato, ce premier mécanisme était « un instrument juridique de contrôle politique » émané du droit de vérification ; à ce sujet v. DI DONATO, Fr. L'ideologia dei robins nella Francia dei Lumi : costituzionalismo e

assolutismo nell'esperienza politico-istituzionale della magistratura di antico regime, 1715-1788. Ed. Scientifiche

italiane, Naples, 2003, t.1, p.466-485 ; KRYNEN, J. L’État de Justice. France, XIIIe-XXème siècle. Gallimard, Paris, 2009, t.1, p.239.

221 OLIVIER-MARTIN, Fr. Les Lois du Roi., op.cit, p.336 et ss. 222 Ibidem, p.342 (v. également, p.347-358).

223 Ibidem, p.208-209.

derniers s’érigent en représentants de la nation225. Cette position est d’ailleurs

qualifiée d’illégitime par Flammermont226.

La formule « J’obéis, mais je n’exécute pas » est, pour sa part, également connue sous le nom de supplication. D’après le Dictionnaire d’autorités de la RAE227 : «

…[c']est un recours interposé au Conseil Suprême [des Indes] afin de réviser dans une [nouvelle] instance. » 228. Le recours de supplication s’exprimait à

travers la formule suivante : Exposées les raisons, il est raisonnable que Votre Clémence entendiez mes supplications229. Inspiré par le pactisme, ce mécanisme

juridique du constitutionnalisme coutumier ibérique avait pour but de garantir le respect du droit local230. Il fut introduit par la Couronne elle-même et non par

un caprice des Conquistadores231. La supplication permettait dès lors aux

autorités locales, et notamment au Conseil des Indes, de solliciter au Souverain de revenir sur sa décision et d’empêcher l’application d’une Real cédula adoptée sans prendre en compte les coutumes et les spécificités des provinces du royaume232.

La question se pose dès lors de l’incertitude de la nature du recours dit de « J’obéis, mais je n’exécute pas ». S’agit-il d’un principe ou d’un recours ? Certains historiens du Droit indiano le percevaient comme un principe s’étant transformé brusquement en recours sous le règne des Bourbon233. A contrario, les

Habsbourg le traitaient comme un principe inhérent à l’administration d’un

225 Ibidem, p.262-279.

226 FLAMMERMONT. Le Chancelier Maupeou, op.cit, p.143. 227 Réale académie de la Langue espagnole.

228 « Suplicación. f.f. Lo mismo que súplica. Viene del Latino supplicatio. Chron. del R. D. Juan el II. Año 13.cap.193.

Por estas cosas es razón, que vuestra clemencia oiga mis suplicaciónes. (…) - Suplicación. Es también un recurso, que se hace del Consejo Supremo al mismo, para que se vea de nuevo alguna instancia. Lat. Supplication ad Senatum. »

Diccionario de Autoridades (Edicion facsimil). Gredos S.A., Madrid, 1984, (t.3) p.188.

229 Ibidem. (la traduction est proposée par l’auteur).

230 Pour connaître une approche intéressant de cette question v. : VICENTE BOISSEAU. Introduction au Pluralisme

espagnol : Formalisme et Subsidiarité en Espagne depuis l’Ancien Régime, 608 p, Thèse, Droit, Paris-II, 1998.

231 MALAGON-PINZON. « La suspensión provisional y la Corte Constitucional. Raíces históricas, persistencias y

transformaciones hasta el presente », Estudios Socio-Jurídicos (vol.13, n° 1). Universidad del Rosario, Bogota, 2011,

p.349-364.

232 « Les origines américaines de cette institution sont attribuées aux différences entre le réalité européenne et celle du

Nouveau Monde. Ceci provoque une rédaction trompeuse des normes de la Péninsule ibérique, dont le résultat sont le non-conformité aux mœurs de l’Amérique ou la simple injustice. » MALANGON PINZON. Vivir en Policía, op.cit, p.266. (*Trad. de l’auteur). D’ailleurs, c’est possible d’y voir une influence non méprisable de la deuxième scolastique, v. : SALINAS ARENDA. « El Iusnaturalismo hispano-indiano y la producción jurídica de la persona », in Anuario

Mexicano de Historia del Derecho (n°6). UNAM, México D.F., 1994, p.219-237.

233 V. l’argument soutenu par Víctor TAU ANZOÁTEGUI, cité par : MALANGON PINZON. Vivir en Policía, op.cit,

territoire si éloigné234. Malgré la divergence de points de vue, il assurait une

autonomie qui avait été fragilisée par les réformes des rois de la nouvelle dynastie. L’arbitraire a ainsi permis l’exécution des nouvelles normes au détriment des anciennes235. Toutefois, en termes pratiques et philosophiques, il

existant toujours une certaine résistance ou méfiance relatives à l’exécution pure et simple des actes normatifs provenant de la Métropole. Ainsi, même après les interdictions contenues dans les reales cédulas, l’obéissance n’a pas suivi automatiquement l’exécution236. Or, la supplication était un principe-recours : il

imposait aux autorités locales une règle de conduite générale, tout en ayant une fonction pratique de suspension. Cette règle de conduite était encadrée par La Compilation des lois des Indes de 1680 (ley xxii, titre premier, livre second) et les Sept parties d’Alphonse X ; la ley xxx de cette dernière codification avait établis qu’il « n'aura de valeur une lettre contraire au droit ». Certains auteurs vont même jusqu’à parler du « principe d’inobservance de la loi »237.

Pour conclure la comparaison des mécanismes juridiques dans de la culture constitutionnelle de la France et la Colombie, il est possible d’affirmer que les recours se sont maintenus en dépit des prohibitions. Tant les remontrances que le principe-recours de « J’obéis, mais je n’exécute pas » ont contribué à la remise en question de l’Ancien Régime et de certains aspects du proto- constitutionnalisme. Bien que cette imposition de contraintes juridiques au souverain n’ait pas été la cause exclusive des révolutions238, elle a forgée le

substrat jus-philosophique du constitutionnalisme stricto sensu.

234 Pour une introduction à valeur de la construction d’un « ordre constitutionnel » de caractère coutumière et sociale sous

les Habsbourg ; v. ACOSTA VALENCIA. La palabra y la corteza: la súplica de Pedro de Bolívar y de la redonda como

razón criolla de monarquía. ICANH, Bogota, 2010, p.4-5 (Rapport final du projet intitulé : Tras la retórica del silencio: la Universidad de San Marcos implícita en el memorial de Pedro de Bolívar y de la Redonda, 1631-1667

[http://www.icanh.gov.co/recursos_user/documentos/editores/200/InformeFinalAcosta2010.pdf]

235 MALANGON PINZON. Vivir en Policía, op.cit, p.268. 236 Ibidem, p.269-270.

237 CONDÉS PALACIOS. Capacidad Jurídica de la mujer en el Derecho Indiano (Reflexiones sobre fuentes impresas).

Thèse, Histoire et géographie, Madrid, 2002, p.130-135.

238 « Juristes et théoriciens de la monarchie, historiens de la France, tous évoquent amplement, au XVIIe siècle, ces « lois

fondamentales » dont on fait la cause de la prospérité et de la pérennité du royaume : le célèbre jurisconsulte Charles Loyseau, Du Haillan, mais aussi Cardin Le Bret, Bossuet qui s’étend encore d’avantage sur un sujet si important : « Il y a des lois fondamentales qu’on ne peut pas changer… C’est précisément de ces lois fondamentales qu’il est écrit qu’en les violant, on ébranle tous les fondements de la terre, après quoi il ne reste plus que la chute des empires ». » STOREZ- BRANCOURT. « C'est légal parce que je le veux…, op.cit, p.68.