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LE CONTRÔLE A POSTERIORI DE LA CONSTITUTIONNALITÉ DES LOIS EN FRANCE ET EN COLOMBIE, CONSTRUCTION

UN PROGRÈS SANS THÉORIE VISIBLE

Maints phénomènes juridico-politiques ont forgé les bases du contrôle de constitutionnalité tout au long du XIXème siècle, quelquefois de façon

difficilement perceptible. Étant donné que les premières années de ce siècle ont été déjà abordées, il convient désormais d’étudier la période comprise entre les années 1814 à 1870. Le développement de certaines caractéristiques du droit constitutionnel pendant cette période a en effet ouvert la voie à la question d’un contentieux constitutionnel spécial, dont la sauvegarde du pacte fondateur de l’État et même la protection des droits et libertés était au centre.

A contrario, ce sujet n’était que périphérique à certains égards. Les questions essentielles de ce domaine du droit public relevaient des pôles nourriciers de la dialectique étatique, à savoir, le Pouvoir législatif et l’exécutif ; et plus précisément les luttes entre eux544. De plus, la recherche de l’équilibre

institutionnel risque toujours de d’hypertrophier l’un des pouvoirs publics. Cette déclinaison de la séparation des pouvoirs a des nuances qui séparent, verbi gratia, l’histoire constitutionnelle française et colombienne, bien qu’il existe néanmoins un double fil conducteur entre elles : en premier lieu, les enjeux entre les pouvoirs publics et, en second, le positionnement de la loi au centre des sources du droit, ce qui porte le nom de légicentrisme545.

Selon Jean-Claude Bécane – et compagnie – une telle montée en puissance revêt un caractère quelque peu hasardeux. Cette évolution est d’ailleurs une conséquence logique du phénomène précédant. Il s’agit d’un phénomène s’étant

544 Idem.

545 Les racines du légicentrisme semblent remonter jusqu’à l’Ancien Régime. Contrairement à la logique la plus simple,

qui dicte que fut la législation instauré l’empire de la loi, il est possible d’établir que les rois de France et de Castille et des Indes envisageaient de changer la réalité par la loi, qui était autrefois, mutatis mutandis, conditionnée par la coutume (v., l’ordonnance « de Montils-lès-Tours » de 1454). Certes, la loi était la forme la plus ferme expression de la souveraineté. Par la suite, le droit de souche libérale aura complété la loi en promouvant son caractère général, impersonnelle et obligatoire. « Un examen plus précis du statut de la loi positive montre que la Déclaration ne lui assigne pas le premier rang dans la hiérarchie juridique qui fonde le nouvel ordre de la société. En revanche, le rôle qui lui est explicitement réservé (plus de la moitié des articles, neuf sur dix-sept, lui sont consacrés) dans la réalisation des idéaux proclamés, la place, en réalité, au centre du nouvel État de droit. - Si l’on fait la part du vocabulaire extensif qui nomme parfois loi la Constitution aussi bien que la loi ordinaire, celle-ci n’occupe pas, pour les Constituants, le sommet de la pyramide des normes. » BÉCANE ; COUDERC ; HERIN. La loi. Dalloz (2e éd.), Paris, 2010, p.20.

produit tantôt en France, tantôt en Colombie, bien qu’à des degrés différents d’intensité546. Cette situation avait par ailleurs permis – finalement – la timide

manifestation d’une relativisation de la valeur de la loi à la lumière du fédéralisme a la colombiana.

Certes, l’éventail des phénomènes ici énoncés indique la perméabilité des systèmes juridiques dans leur état embryonnaire – pour ainsi dire – aux produits théoriques du libéralisme lato sensu. La construction des Pouvoirs exécutif et législatif, ainsi que leurs institutions, n’ont cependant pas produit leurs effets de manière pure et simple. Pour quelles raisons ? L’absence de continuité des Constitutions leur servant de base, ainsi que la courte durée des conditions ayant permis la naissance de Constitutions lambda ici et là ; ou encore, un nouvel esprit forgé par les mêmes institutions. La fin du XIXème siècle marque également le

constat de la mise en chantier de l’État de droit, du Centralisme, du Fédéralisme, de la forme républicaine et d’institutions éminemment libérales547.

Ce flux d’idées et d’institutions encouragea les constitutionnalistes français et colombiens à produire des textes constitutionnels. Bien que nombre d’entre eux ne soient jamais allé au-delà du stade de projet, d’autres ont été adoptés et sont même entrés en vigueur. En premier lieu, le panorama du droit constitutionnel français est dominé par deux Chartes constitutionnelles, de 1815 et 1830 respectivement. La dernière fut remplacée par une Constitution républicaine, celle de la IIème République de 1848, qui a été révisé à maintes reprises entre

1852 et 1870 et qui est marquée, notamment, pour le retour à l’Empire français et aux idées – cette fois-ci – plus raffinées d’un bonapartisme revisité par Louis Napoléon Bonaparte. En deuxième lieu, le cas colombien apparait comme un exemple sur ce point. Les nombreuses transformations, géographiques comme politiques, ont produit l’adoption de différents noms, chacun avec sa – ou ses – propres constitutions548. Tout d’abord, entre 1819 et 1826, la Grande-Colombie a

ainsi été régie par la Constitution de Cúcuta de 1821. Puis, en 1830, la

546 Idem, p.13 et ss. ; GÓMEZ SERRANO. El control constitucional, op.cit.

547 QUILLET, R. « L'Internationalisme Républicain (1852-1870) », Parlement[s] (n°HS4). L'Harmattan, 2008, Paris,

p.131-144 ; HALPÉRIN, J-L. Profils des mondialisations du droit, op.cit, p.141-163.

548 VIDAL PERDOMO. Historia constitucional de Colombia, op.cit, t.1, 338p. ; POMBO ; GUERRA. Constituciones de

Constitution de la même année adopta le nom de Colombie. Enfin, le nom de République de Nouvelle-Grenade a été adopté de la main des révisions constitutionnelles de 1832 et 1843, pour s'appeler ensuite Confédération Grenadine (1858) et enfin les États-Unis de Colombie (1863), au rythme des mutations issues de la radicalisation de l’autonomie des provinces.

D’un côté, dans le paysage juridico-politique du milieu du XIXème siècle, la France

a connu deux régimes monarchiques suivis d’une restauration républicaine et l’avènement du Seconde Empire sous Napoléon IIIe. De l’autre, la Colombie

embrasse la République et le constitutionnalisme libéral au milieu d’un fort contexte d’instabilité politique et de belligérance pour les motifs les plus variés549 et où les expériences de décentralisation politique marquaient un

clivage.

Cette étude tente ainsi de montrer comment la conjonction des forces présentes dans un laps de temps très précis des histoires constitutionnelles française et colombienne a poli ces cultures constitutionnelles pour les rendre compatibles ou incompatibles avec un contrôle externe sur des lois. La compatibilité référée est ici la clé pour déterminer les caractéristiques du contrôle a posteriori tel qu’on le connait au XXI. Il convient dès lors d’examiner la trajectoire de la construction des « pros » et les « contres », voire des préjugés, au cœur des droits constitutionnels des pays sub examine.

Les dispositifs de contrôle ont seulement été l’objet de certains esprits de l’époque, car il passa le plus souvent à l’arrière-plan au profit d’autres notions ou problèmes visant à la construction du socle de l’État constitutionnel de droit. Il est dès lors possible de penser à un progrès bel et bien hasardeux car dépourvu d’un support théorique solide. Il semblerait toutefois plus prudent, en raison de la complexité d’une telle thématique, de s’en approcher en deux temps : Le premier visant davantage la dimension théorique (Section 1. Un

549 Pour connaître l’arrière-fond constitutionnel des guerres civiles en Colombie v. BASILIEN-GAINCHE. La

consttucionalidad de contienda: La promoción jurídica de la guerra civil en la Colombia del siglo XIX, Historia Crítica

(N° 35). Universidad de los Andes, Bogota, 2008, p.130-149 ; ORTIZ MESA, dir. Ganarse el Cielo defendiendo la

constitutionnalisme sans contrôle des lois : la présence du contrôle de constitutionnalité des lois dans les pratiques et la pensée juridique entre 1814-1870) ; et le deuxième, celle purement juridique (Section 2. Un contrôle des lois sans constitutionnalisme : la présence du contrôle de constitutionnalité des lois dans les textes constitutionnels entre 1814- 1870) afin d’avancer une hypothèse : la seconde entendu comme la mise en

SECTION 1.